Mon séjour dans la fosse aux lions de la politique belge

Mon séjour dans la fosse aux lions de la politique belge

de Paul-Henry Gendebien, 2021, aux éditions Weyrich

Gendebien Belgique francophonie langue française

"Mon séjour dans la fosse aux lions de la politique belge" de Paul-Henry Gendebien

Ce livre peut être commandé à la librairie du Centre Wallonie-Bruxelles, 127-129 rue Saint-Martin, Paris 4e ou par exemple ici.

Il est temps que les Français s’intéressent enfin de plus près à ce pays européen géographiquement et culturellement si proche d’eux, qui fut aussi français pendant deux décennies, il n’y a pas si longtemps, et qu’ils connaissent si mal. Complexe français de Waterloo et prudent enfouissement des rêves de grandeur ?

Or, voici que Paul-Henry Gendebien nous y invite. Héritier d’une grande lignée de Belges, Wallon ardennais, député cofondateur du Mouvement wallon régionaliste, élu aussi au  Parlement européen, puis diplomate représentant la Communauté française de Belgique auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie à Paris, créateur du Rassemblement Wallonie-France, il fait de ses mémoires non seulement un miroir tendu à ses compatriotes et une dissection de leurs problèmes, mais encore – très important pour nous Français - une présentation vivante et passionnante de ce qui interpelle la France en Belgique. Il est membre du Haut Conseil international de la Langue française et de la Francophonie.
Il nous fait pénétrer dans le dédale de la politique belge, à partir de sa Wallonie, qui fut longtemps la région la plus industrialisée, dominante politiquement et culturellement, assise sur la langue française adoptée, depuis le Moyen-âge et les Ducs de Bourgogne, aussi par la bourgeoisie flamande, au point de devenir la langue maternelle très largement dominante à Bruxelles, qui est en Flandre. Longue frustration des flamandophones du peuple, dont la langue fut méprisée. Puis déclin en Wallonie des vieilles industries et de l’esprit d’entreprise. Sursaut remarquable de la démographie et du dynamisme de la Flandre. Aidée dans son rééquilibrage, puis, semble-t-il, favorisée par l’État belge. Situation actuelle : une Wallonie relativement bien plus pauvre que le nord flamand, devenue partiellement dépendante de la richesse flamande, tout en restant attachée au mythe de l’unité de la Belgique. Les Flamands dominent dans l’État et, dans la foulée de leur brillante remontada et de la pleine valorisation de leur langue, voire des excès ethnicistes de leur "Walen buiten " (dehors, les Wallons !), s’orientent vers une indépendance les débarrassant du "fardeau wallon", méprisé à son tour.. Ils ont entraîné la Belgique et les Wallons dans un fédéralisme que Paul-Henry Gendebien qualifie ainsi : "Le grand malentendu : le fédéralisme est un aboutissement pour les partis wallons, une étape transitoire vers son émancipation pour la Flandre." Pour lui, il y a bien un peuple wallon, mais non une nation ; les Flamands forment un peuple et une nation. D’où l’impossibilité, à ses yeux, de "réussir une omelette belge avec un œuf dur flamand".

Face à cette évolution, et pour résumer très grossièrement l’analyse de Paul-Henry Gendebien, l’auteur évoque la phase de la tentation belge, surtout wallonne, de s’attacher à l’idée de la "région d’Europe" rejoignant ainsi la conception européiste de "l’Europe des régions", bâtie sur l’effacement des États européens. Pour constater son caractère illusoire, tant pour la Belgique que – surtout - pour la Wallonie, dont il pense qu’elle ne serait pas viable par ses propres moyens, et qu’elle a, elle aussi, un "besoin de grandeur", dans une nation véritable, plus grande. Il cite Jules Destrées, qui écrivait déjà en 1912 au roi qu’il ne régnait pas sur une nation belge, mais sur deux peuples bien distincts, et, en 1923, à propos des Wallons : "L’eussions-nous oublié, nous restons toujours un morceau de France". D’où l’initiative qu’il prit, il y a 14 ans, de fonder le Rassemblement Wallonie-France (RWF). Ce parti réunionniste, de rattachement de la Wallonie à la France, a trouvé de valeureux soutiens en Wallonie, et quelques-uns en France, notamment des Séguin, Chevènement, Dorin...Mais le soufflé est retombé. Notre amoureux invétéré de la France pense alors que cela adviendra un jour, mais dépendra bien moins des Wallons – et "naturellement" pas de la France à laquelle il s’interdit évidemment de faire appel !... – que de l’accession très vraisemblable de la Flandre à l’indépendance. Avec l’inconnue lancinante du sort de Bruxelles qui reste très largement francophone, malgré les grands efforts de défrancisation de la part des Flamands, et l’aide puissante de tous les euro-atlantistes qui imposent l’anglais partout, surtout dans la capitale. Reste donc un "réunionnisme de précaution"....

Une partie importante de ce livre sur la fosse aux lions porte sur la langue française et sur les quatre rôles qu’elle joue aujourd’hui "outre Quiévrain" : en Wallonie, à Bruxelles capitale, en Belgique, et dans les institutions de l’Union européenne. Ainsi, évidemment, qu’en France même, et dans le grand large de cette Francophonie que notre auteur connaît bien par sa mission au "Congo belge", par ses liens avec le Québec, la Suisse, les institutions de la Francophonie (OIF) au sein desquelles il a beaucoup œuvré à son siège parisien. Cet aspect particulièrement important méritera de faire l’objet de notre part d’un article spécial, car l’auteur y développe des analyses qui parlent au cœur des Français et de tous les Francophones. Albert Salon.

à lire aussi de Paul-Henry Gendebien :

Note : Je recommande à nos lecteurs la lecture complémentaire du livre très intéressant de Roger Dehaybe, Wallon de Liège, haut diplomate et universitaire belge, autre membre du Haut Conseil international de la langue française et de la Francophonie, dont ALF a publié la recension dans son bulletin n°73 d’avril 2021. Son titre : "Le choix de la Francophonie – Un parcours belge et international", 2021, éditions du Cygne, Paris.

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