Décret du 3 juillet 1996 (enrichissement de la langue française)

Décret n°96-602 du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française

Journal officiel du 20 mars 1996

langue française enrichissement loi Toubon législation

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de la culture, Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française ; Vu le décret n° 89-403 du 2 juin 1989 modifié instituant un Conseil supérieur de la langue française et une délégation générale à la langue française ; Vu l'avis de l'Académie française en date du 19 octobre 1995 ; Après avis du Conseil d'État (section de l'intérieur),

Décrète :

Art. 1er. - En vue de favoriser l'enrichissement de la langue française, de développer son utilisation, notamment dans la vie économique, les travaux scientifiques et les activités techniques et juridiques, d'améliorer sa diffusion en proposant des termes et expressions nouveaux pouvant servir de référence, de contribuer au rayonnement de la francophonie et de promouvoir le plurilinguisme, il est créé une commission générale et des commissions spécialisées de terminologie et de néologie. Ces commissions travaillent en liaison avec les organismes de terminologie et de néologie des pays francophones et des organisations internationales ainsi qu'avec les organismes de normalisation.

Art. 2. - La commission générale de terminologie et de néologie est placée auprès du Premier ministre. Elle comprend, outre son président :
Le délégué général à la langue française ou son représentant ;
Le secrétaire perpétuel de l'Académie française ou un membre de l'Académie française désigné par lui ; un des secrétaires perpétuels de l'Académie des sciences ou un membre de l'Académie des sciences désigné par eux ;
Dix personnalités qualifiées désignées sur proposition des ministres chargés respectivement de la justice, des affaires étrangères, de la culture, de la communication, de l'éducation nationale, de l'économie, de l'industrie, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la francophonie ;
Une personnalité désignée par la conférence des présidents d'université ;
Deux personnalités qualifiées désignées sur proposition du vice-président du Conseil supérieur de la langue française ;
Le président de l'Association française de normalisation (Afnor) ou un représentant désigné par lui. La commission générale peut se faire assister, en tant que de besoin, d'experts choisis par le président en raison de leur compétence. Le secrétariat de la commission générale est assuré par la délégation générale à la langue française. Les dépenses de fonctionnement de la commission générale sont prises en charge par la délégation générale à la langue française.

Art. 3. - Le président de la commission générale est nommé pour quatre ans par arrêté du Premier ministre. Les membres de la commission générale mentionnés aux 3°, 4° et 5° de l'article 2 sont nommés pour quatre ans par arrêté du ministre chargé de la culture. En cas de décès, d'empêchement constaté par le président ou de démission d'un membre, il est pourvu à son remplacement dans les mêmes conditions pour la durée du mandat restant à courir.

Art. 4. - Une commission spécialisée de terminologie et de néologie est créée dans chaque département ministériel par arrêté du ministre concerné pris après avis du délégué général à la langue française. Lorsque la spécialité du vocabulaire le justifie, il peut être créé plusieurs commissions spécialisées au sein d'un même département. Une même commission spécialisée peut être créée dans plusieurs départements ministériels par arrêté conjoint des ministres intéressés pris après avis du délégué général à la langue française. La délégation générale à la langue française coordonne les travaux des différentes commissions spécialisées de terminologie et de néologie et contribue à leur diffusion. Les dépenses de fonctionnement des commissions spécialisées de terminologie et de néologie sont prises en charge par les administrations auxquelles elles sont rattachées.

Art. 5. - Chaque ministre désigne un haut fonctionnaire chargé de la terminologie et de la néologie aux fins de susciter et de coordonner les actions en ces matières dans les domaines relevant de son administration. Il charge l'un des services de son administration centrale d'assister ce haut fonctionnaire en vue, notamment, d'assurer le secrétariat de la ou des commissions spécialisées et de veiller à la diffusion des termes nouveaux.

Art. 6. - Chaque commission spécialisée de terminologie et de néologie comprend :
Le délégué général à la langue française ou son représentant ; Un représentant de l'Académie française ; Un représentant de l'Académie des sciences, lorsque la spécialité du vocabulaire examiné le justifie ; Un représentant d'un organisme agréé de normalisation désigné par le ministre intéressé lorsque la spécialité du vocabulaire le justifie ;
Des représentants de l'administration désignés par le ministre intéressé ;
Des personnalités qualifiées désignées pour quatre ans par le ministre intéressé. En cas de décès, d'empêchement constaté par le président de la commission ou de démission d'une de ces personnalités, il est pourvu à son remplacement dans les mêmes conditions pour la durée du mandat restant à courir. Le président de la commission est nommé, pour une durée de quatre ans, par le ministre auprès duquel la commission est placée. Chaque commission peut se faire assister de fonctionnaires, d'experts choisis en raison de leur compétence, de représentants des milieux professionnels et d'usagers qui utilisent le vocabulaire dont elle est chargée.

Art. 7. - Dans les domaines de compétence de l'administration à laquelle elles sont rattachées, les commissions spécialisées de terminologie et de néologie ont pour mission :
D'établir l'inventaire des cas dans lesquels il est souhaitable de compléter le vocabulaire français, compte tenu des besoins exprimés ;
De recueillir, analyser et proposer les termes et expressions nécessaires, notamment ceux équivalents à des termes et expressions nouveaux apparaissant dans les langues étrangères, accompagnés de leur définition ;
De veiller à l'harmonisation des termes, expressions et définitions proposés avec ceux des autres organismes de terminologie, de néologie et de normalisation et avec ceux des pays francophones et des organisations internationales dont le français est langue officielle ou langue de travail ;
De concourir à la diffusion auprès des usagers des listes de termes, expressions et définitions publiées au Journal officiel. Elles peuvent en outre être consultées sur toutes questions intéressant l'emploi de la langue française.

Art. 8. - La commission générale de terminologie et de néologie examine les termes, expressions et définitions dont elle est saisie par les présidents des commissions spécialisées de terminologie et de néologie en veillant à leur harmonisation et à leur pertinence. Les présidents des commissions spécialisées de terminologie et de néologie intéressés participent de plein droit aux réunions au cours desquelles sont examinés les termes de la compétence de leur commission. La commission générale examine également certains termes, expressions et définitions qui ne relèvent de la compétence d'aucune commission spécialisée. Elle concourt à la diffusion de l'ensemble des termes, expressions et définitions élaborés conformément au présent décret et rend le public sensible à l'évolution de la terminologie.

Art. 9. - La commission générale de terminologie et de néologie soumet les termes, expressions et définitions qu'elle retient à l'Académie française. Après avoir recueilli l'avis de l'Académie française, la commission générale le fait connaître au ministre intéressé. Celui-ci peut, dans le délai d'un mois, indiquer à la commission générale les raisons qui s'opposent à la publication de certains termes, expressions ou définitions si ceux-ci ne figuraient pas dans les propositions transmises à la commission générale par la commission spécialisée de terminologie et de néologie placée auprès de lui. Les termes, expressions et définitions proposés par la commission générale ne peuvent être publiés au Journal officiel sans l'accord de l'Académie française. Si celle-ci n'a pas formulé d'avis dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, son accord est réputé acquis.

Art. 10. - Sauf si un ministre a fait connaître son opposition en application du deuxième alinéa de l'article 9, la commission générale établit la liste des termes, expressions et définitions ayant reçu l'accord de l'Académie française qu'elle transmet pour publication au Journal officiel de la République française. Les administrations donnent la plus large diffusion aux listes de terminologie publiées au Journal officiel. Ces listes sont également publiées au Bulletin officiel du ministère de l'éducation nationale.

Art. 11. - Les termes et expressions publiés au Journal officiel sont obligatoirement utilisés à la place des termes et expressions équivalents en langues étrangères :
Dans les décrets, arrêtés, circulaires, instructions et directives des ministres, dans les correspondances et documents, de quelque nature qu'ils soient, qui émanent des services et des établissements publics de l'État ;
Dans les cas prévus aux articles 5 et 14 de la loi du 4 août 1994 susvisée relative à l'emploi de la langue française. La commission générale observe l'usage prévu au présent article des termes et expressions publiés.

Art. 12. - Les listes de termes et expressions approuvés en vertu des dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française précédemment en vigueur sont assimilées aux listes publiées en vertu du présent décret. Elles peuvent être modifiées selon la procédure prévue aux articles 7 à 10 du présent décret.

Art. 13. - A titre transitoire, pendant une période d'un an à compter de l'installation de la commission générale de terminologie et de néologie, les termes, expressions et définitions contenus dans les listes approuvées en vertu des dispositions réglementaires précédemment en vigueur peuvent être révisés à l'initiative de la commission générale de terminologie et de néologie. La commission générale soumet à l'Académie française les termes et expressions qu'elle envisage de retirer des listes précédemment approuvées, les expressions complémentaires qu'elle propose d'y ajouter et les définitions qu'elle propose de modifier. Elle en informe le ministre intéressé. Aucune révision ne peut être publiée sans l'accord de l'Académie française. Les listes révisées sont arrêtées et publiées selon les modalités prévues aux articles 9 et 10 du présent décret, à l'exception de la disposition de l'article 9 selon laquelle l'accord de l'Académie française est réputé acquis au terme d'un délai de quatre mois.

Art. 14. - Chaque commission spécialisée de terminologie et de néologie établit, avant le 15 janvier de chaque année, un rapport annuel sur ses activités ainsi que sur la diffusion et l'utilisation des termes, expressions et définitions publiés dans son champ de compétence. La commission générale de terminologie et de néologie fait la synthèse de ces documents et établit un rapport annuel sur l'action menée par les administrations pour l'enrichissement de la langue française. Ce rapport est annexé au rapport annuel d'activité de la délégation générale à la langue française.

Art. 15. - Le décret n°86-439 du 11 mars 1986 relatif à l'enrichissement de la langue française est abrogé.

Art. 16. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de la défense, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, le ministre des affaires étrangères, le ministre du travail et des affaires sociales, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'environnement, le ministre de la culture, le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation, le ministre délégué à l'outre-mer, le ministre délégué à la jeunesse et aux sports, le ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement, le secrétaire d’État à la recherche et le secrétaire d’État chargé de la francophonie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 3 juillet 1996.

Par le Premier ministre : Alain Juppé,
le ministre de la culture, Philippe Douste-Blazy,
le garde des sceaux, ministre de la justice, Jacques Toubon,
le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, François Bayrou le ministre de la défense, Charles Millon,
le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, Bernard Pons,
le ministre des affaires étrangères, Hervé de Charette,
le ministre du travail et des affaires sociales, Jacques Barrot,
le ministre de l'intérieur, Jean-Louis Debré,
le ministre de l'économie et des finances, Jean Arthuis,
le ministre de l'environnement, Corinne Lepage,
le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, Franck Borotra,
le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, Philippe Vasseur,
le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, Jean-Claude Gaudin,
le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, Jean-Pierre Raffarin,
le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, Dominique Perben,
le ministre délégué à l'outre-mer, Jean-Jacques de Peretti,
le ministre délégué à la jeunesse et aux sports, Guy Drut,
le ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement, Alain Lamassoure,
le secrétaire d'État à la recherche, François d'Aubert,
le secrétaire d'État chargé de la francophonie, Margie Sudre,