Un Gouvernement à rappeler à l’ordre  ?

Un Gouvernement à rappeler à l’ordre  ?

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Un Gouvernement à rappeler à l’ordre ?

lettre d'Albert Salon, président d’Avenir de la Langue Française à M. le Secrétaire d’État chargé de la Francophonie, MM. les Conseillers, M. le Délégué général à la langue française

En cette veille de Noël je voudrais ajouter, aux vœux que nous formons pour M. le Président de la République et pour vos personnes, le souhait ardent de nos associations de promotion du français et de la Francophonie de voir les excellentes positions du Président de la République mieux reflétées et suivies dans l’action quotidienne des membres de l’équipe gouvernementale.

Dans le texte ci-après, plusieurs associations ont opéré l’inévitable rapprochement entre les positions excellentes du Président et les actes de plusieurs ministres.

Ces associations vous prient d’user de toute votre influence pour rétablir la cohérence souhaitable et ardemment souhaitée entre les premières et les seconds.

Elles sont en effet de plus en plus dubitatives et inquiètes devant ce qu’elles doivent bien constater.

Deux exemples récents :
-         les états généraux de la presse tenus le 12 décembre à l’Elysée même ! : discussion en anglais au prétexte qu’il y avait deux Américains présents ;

-         l’affaire de l’enseignement de la gymnastique en anglais pour tous les élèves de la classe dans un collège de Levallois, qu’ils aient ou non commencé à apprendre l’anglais auparavant ou telle autre langue, et qu’ils soient ou non solides dans leur maîtrise du français ; l’aspect le plus inquiétant dans cette expérience est que le recteur de l’académie de Versailles « y tient beaucoup » et souhaite son extension, peut-être parce qu’il croit ainsi plaire en haut lieu ? Je vous joins la lettre que nos associations ont adressée à Mme Balkany. Elles vont en adresser une, collective, au recteur. Il se trouve d’ailleurs que par une convergence non recherchée, notre demande de mettre fin à cette expérience rejoint une demande de même nature présentée par des parents et syndicats au sein même du conseil d’administration du collège…

Veuillez recevoir l’expression de l’espoir que nous continuons à placer en vous, et de toute notre considération.

Albert Salon, ancien Ambassadeur, président d’Avenir de la Langue Française.


Un Gouvernement à rappeler à l’ordre par le Président de la République en matière de langue française et de Francophonie ?

 Il nous avait beaucoup intéressés de lire les engagements vibrants de M. Nicolas SARKOZY, sur la langue française et la Francophonie, dans ses superbes discours du 20 mars 2008 (journée de la Francophonie) en présence du Secrétaire Général de l’OIF, M. Abdou Diouf, ancien Président de la République du Sénégal, et du 9 mars 2007 à Caen, lu lors de sa campagne présidentielle. Ecoutons ces extraits remarquables, peut-être rédigés par M. Henri Guaino, que M. le Président de la République a lus avec toute la force de conviction et de persuasion de son éloquence ! :

 « Nous avons le devoir pour nos enfants, pour l’avenir de la civilisation mondiale, pour la défense d’une certaine idée de l’homme, de promouvoir la langue française. (……..) Si je suis élu, je mettrai la francophonie au rang des priorités diplomatiques de la France. Je renforcerai tout à la fois le dispositif de l’action culturelle de la France à l’étranger et l’aide à la création, parce que c’est par la création que le français rayonne. (…………)

Je veillerai à ce que, dans les entreprises installées sur le territoire français, la langue de travail soit le français dès lors qu’il n’y a aucune nécessité économique ou commerciale qui oblige à s’exprimer dans une autre langue. (…………….)

Je me battrai pour que, dans les instances européennes et à l’ONU, le français continue d’être employé. (……) obligation absolue pour tout représentant de la France dans des organisations internationales. (……….) me battrai pour que soit généralisé partout en Europe l’enseignement de deux langues étrangères parce que c’est la seule façon efficace pour que l’hégémonie de l’anglais soit battue en brèche. (………)

Si je suis élu, je ne serai pas favorable à la Charte européenne des langues régionales. Je ne veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités différentes de la nôtre, décide qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le français. (……………). J’ai la conviction qu’en France, terre de liberté, aucune minorité n’est opprimée et qu’il n’est donc pas nécessaire de donner à des juges européens le droit de se prononcer sur un sujet qui est consubstantiel à notre identité nationale et n’a absolument rien à voir avec la construction de l’Europe. (…...)

La diversité linguistique, c'est la condition de la diversité culturelle et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La langue n'est pas une marchandise, (…..) pas une technique. L'obsession d'une langue unique au prétexte de l'efficacité est un leurre qui masque les effets de domination de la pensée unique dont la langue unique est l'antichambre. (…………..)

La culture générale, elle, doit être une préoccupation constante. Et quand nos enfants apprennent des langues étrangères, (…..) obligatoirement au moins deux, il faut que cet apprentissage soit aussi un apprentissage de culture et de civilisation. Je souhaite (qu’ils les) apprennent à travers la littérature, le théâtre, la poésie, la philosophie, la science ».

 Ce qu’a dit là le Président avec sa force coutumière de persuasion, nous l’avions écrit bien des fois. Nous ne pouvions donc que nous réjouir, pleins d’espoir.

Hélas ! Nous en sommes à lui demander maintenant de redresser d’urgence l’action de nombre de ses ministres qui n’ont pas appliqué sa ligne politique ainsi magnifiquement définie.

Voyez plutôt la liste des dérives de son gouvernement depuis l’installation :

 Une véritable offensive semble bien être lancée de divers côtés contre la langue française et la Francophonie.

 Les associations concernées s’emploient à organiser la contre-offensive, au nom à la fois de l’identité nationale, des intérêts de la Francophonie internationale, de la diversité linguistique et culturelle du monde, et du grand danger qu’une langue mondiale commune, voire unique, qui serait celle des intérêts anglo-saxons et états-uniens, ferait courir à l’équilibre mondial et à la culture elle-même, danger équivalent à celui, dont nous avons pu voir les effets dans la présente crise financière et économique, que faisait – et fait – courir à nos économies l’écrasante domination du dollar et des institutions et pratiques hautement spéculatives en « bulles » de la finance de Wall Street et de la City

 La contre-offensive a pris la forme de démarches collectives pour contester et faire modifier les positions gouvernementales annoncées et prises par :

 - le ministère des Finances, dans la ratification à l’automne 2007 du Protocole de Londres de 2001 sur les brevets européens, où la langue française est minorée ;

- Mme Lagarde qui, selon le Canard Enchaîné, répond par des annotations en anglo-américain aux notes que ses collaborateurs lui adressent en français ;

- M. Darcos, en faveur de la bilinguisation français-anglais (seule bilinguisation annoncée et favorisée !) comme devant être l’un des objectifs de notre système éducatif ;

- M. Kouchner sur « L’anglais, avenir de la Francophonie » ! titre qu’il a donné - par dérision ? -  à un chapitre de son livre sur « Deux ou trois choses que je sais de nous », et pour la politique de son ministère en matière d’action culturelle dans le monde ; malgré la ferme déclaration de M. Sarkozy en la matière (cf. plus haut), M. Kouchner laisse diminuer ses crédits, et s’évanouir l’âme de cette action, alors qu’elle est depuis François 1er dans les gènes de la France, et alors même que la Chine prévoit, dans les quelques années prochaines, d’installer mille grands Instituts culturels Confucius dans le monde entier , pour promouvoir sa langue, sa culture, ses productions et son commerce ;

- Mme Albanel, ministre de la Culture chargée de la langue française, qui n’a pas pu, malgré nos demandes pressantes et une sérieuse campagne dans la presse, obtenir de France-Télévision pour le concours de chansons de l’Eurovision, en mai 2008, la désignation d’un chanteur et d’une chanson en français au lieu de la chanson en anglais de Sébastien Tellier choisie sans en démordre par la  - si redoutable ? - directrice des jeux de Fr3 pour représenter la France, et infliger ainsi, de surcroît à notre pays un lamentable échec à la 19ème place sur 25, alors même que plusieurs autres pays de moindre importance - et mieux classés - avaient tenu à chanter dans leurs langues respectives;

- les services de la Primature (Matignon) qui font la sourde oreille à nos demandes (depuis plus de six ans !) de faire renvoyer systématiquement à Bruxelles les documents de travail de l’UE qui sont envoyés seulement en anglais à nos administrations centrales ;

- l’ensemble du Gouvernement qui ne suit pas les engagements du Président de la République dans le soutien à l’OIF et à la Francophonie organisée, et ne soutient pas non plus M. Maurice Druon, ancien Secrétaire Perpétuel de l’Académie française qui, avec l’aide de nombreuses personnalités étrangères éminentes, demande qu’à Bruxelles le français soit la langue juridique de référence, ce qui ne veut pas dire la seule langue du droit, des textes normatifs pris par les institutions, mais simplement la langue qui fait foi, par sa clarté, en cas de litiges d’interprétation et de contentieux ;

- le Gouvernement, et non pas seulement le ministère de la Culture, pour avoir envisagé d’intégrer la chaîne francophone internationale TV5 dans le projet audio-visuel extérieur de la seule France (les vives protestations de nos partenaires francophones – surtout - et accessoirement de nos associations ont heureusement sauvé cette chaîne francophone réellement internationale dans son financement, sa gestion, son contenu et sa diffusion…) ;

- les ministres du Travail et de la Santé qui, malgré les demandes répétées des syndicats et de nos associations, n’imposent pas encore la traduction en français de logiciels et notices d’emploi qui sont imposés uniquement en anglais tant dans nos grandes entreprises même publiques, que dans nos hôpitaux publics, alors que l’incompréhension ainsi entraînée a pu contribuer aux nombreux décès et à l’énorme scandale des « irradiés d’Épinal » et d’ailleurs (quand osera-t-on admettre et déclarer que « le tout-à-l’anglais tue ?! », alors que l’on essaie de faire porter le chapeau des dégâts au seul personnel des hôpitaux !…) ;

- le ministre de l’enseignement supérieur et des organismes de coordination de la recherche française : voir le prix décerné au titre de 2008 par l’Académie de la « Carpette anglaise » ;

- les ministères de l’Éducation et de la Culture qui semblent préparer dans une grande discrétion la ratification par la France de la fameuse Charte européenne des langues régionales et minoritaires que le Président a pourtant refusée clairement (voir plus haut).

- Mentionnons en passant le commissaire européen d’origine française, M. Jacques Barrot, qui ne semble pas avoir bien noté – ni a fortiori suivi -  la déclaration fort claire de M. Sarkozy sur l’emploi massif du français à Bruxelles pendant sa présidence du Conseil…

Article que diverses associations de promotion de la langue française et de la Francophonie ont composé à l’aide de faits bien avérés, et qu’elles ont diffusé dans divers supports d’information, afin « que nul n’en ignore. »

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