Retour sur une capitulation en rase campagne (2)

Retour sur une capitulation en rase campagne (2)

analyse

Fioraso PS université colonisation politique
Retour sur une capitulation en rase campagne

Retour sur le débat portant sur l'article 2 du projet de loi Fioraso qui permet d'enseigner en langues étrangères (comprenez en anglais) dans les universités françaises.

dans le Nouvel-observateur du 30/05/2013 (n°2534)

Au delà du débat à l'Assemblée proprement-dit, on peut s'étonner de l'absence de réactions devant cette capitulation de François Hollande, parait-il Président de la République, qui a de nombreuses reprises a clamé qu'il était "attaché au français et à la Francophonie" (sans aucune décision concrète bien entendu) et qui accepte sans broncher cette capitulation linguistique.

Aucune réaction non plus de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre de la République dit-on, qui rappelé récemment à l'ordre ses ministres pour qu'ils fassent respecter le français et produit une circulaire en ce sens. Toujours cette même schizophrénie !

Sans parler bien sûr de l'ectoplasmique ministre déléguée chargée de la Francophonie : Yamina Benguigui qui a osé déclaré que cette loi "ne met pas la francophonie en danger" en s'appuyant sur des arguments qui tiennent plus du vœu pieux que d'une quelconque réalité : "les étudiants étrangers auront l'obligation d'apprendre le français, ils seront évalués sur leur connaissance de la langue à la fin de leur cursus [bien sûr Yamina !], pour moi, ils sortiront donc francophones de l'université [encore bien sûr Yamina !], la francophonie est inscrite comme mission de service public pour les universités [toujours bien sûr Yamina !]. Avec elle, la langue française et la Francophonie sont bien défendues !

On peut enfin s'interroger sur le rôle de la presse et des médias en général qui semblent avoir fait leur deuil de la langue française voire de la France en général au profit d'une illusoire "modernité" où parler anglais semble normal. En un mot le colonisé qui adopte les valeurs du colonisateur.

Quelques exemples : Le Monde, censé être le quotidien de référence français, dans son éditorial du samedi 11 mai 2013 voit dans le projet de loi Fioraso "une modeste disposition" (il s'agit simplement de supprimer petit à petit toute recherche en français, excusez du peu !). Après une formule passe-partout qui n'engage à rien : "Le Monde, c'est l'évidence, ne saurait négliger son rôle dans la défense de la francophonie et de notre singularité linguistique." Le Monde assène le coup fatal à la langue qui le fait vivre "Mais il ne saurait le faire à reculons." (sic !) et ose pour appuyer sa démonstration annexer Maurice Druon qui n'aurait jamais accepté un tel projet de loi : "Comme le disait Maurice Druon, avocat s'il en fût du français : "Chaque langue est unique, toutes les langues sont complémentaires. On ne saurait mieux dire.". On atteint là le comble de l'hypocrisie d'une élite qui a déjà fait une croix sur son pays !
[lire à ce sujet la lettre de S. Evenos que nous avons reçue en copie et l'éditorial du Monde]

(On peut constater toutefois que les articles du journal ont présenté de manière plus équilibrée les différentes positions, échappant à la malhonnêteté flagrante de la direction éditoriale)

Alain Duhamel dans son éditorial du 26 mai sur RTL en a fait lui aussi, "un débat entre classiques et modernes" mettant en avant l'argument de Fioraso des "1% maximum de cours en anglais" sans aucune preuve ni barrière. L'ami des puissants, le sieur "je-ne-fait-pas-de-vagues" aura tranché : soyons modernes sacrifions notre langue ! [pour écouter cet éditorial]

Le Nouvel Observateur s'est particulièrement illustré avec l'éditorial de François Reynaert qui joue les petits VRP de Geniève Fioraso et pour qui un pays qui renonce à sa langue au sein des ses universités c'est une réformette et ça le fait bailler ! On ne peut que constater que cet hebdomadaire "de Gauche" ne fait en fait que se rallier à la bonne parole de Margaret Thatcher : "Au XXIe siècle, le pouvoir dominant est l’Amérique, le langage dominant est l’anglais, le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon." (lire plus bas la relation que fait Jacques Cortès des positions de ce magazine)

Sans parler des plateaux télévisés comme par exemple "Le grand journal" de Canal +, haut rendez-vous de la nouvelle beauferie bien-pensante, qui bien entendu en conformité avec sa soumission habituelle, a tout fait pour ringardiser la résistance au tout-anglais, y compris les invités présentant un quelconque doute sur ce suicide programmé de langue française.

Quant à Geneviève Fioraso, nous pouvons espérer (pour elle) qu'elle aura au moins obtenu d'ici peu,  l'Order of Merit ou l'Order of the Companions of Honour britanniques ; ainsi que la "Presidential Medal of Freedom" ou la Congressional Gold Medal états-uniennes pour récompense des grands services qu'elle aura rendus à langue anglaise et par voie de conséquence, à l'économie et aux intérêts stratégiques de ces deux pays. Elle aura ainsi renforcé le besoin de cette langue, renforcé les revues qui feront de plus en plus la pluie et le beau temps en matière de recherche (pillant au passage les articles qui leur seront proposés), elle aura aussi permis l'embauche de centaines d'enseignants anglophones en France qui feront toujours mieux leurs cours en anglais que les français, au détriment des enseignants francophones. Délice suprême pour ces deux pays : elle aura enfin, notablement affaibli le grand concurrent culturel des anglo-saxons dans le monde : la France !

En conclusion on peut citer la réponse faite par Jean-François Dehecq (PDG de Sanofi-Aventis) à une question de l'Expansion sur la langue officielle de son groupe : "Ce n’est sûrement pas l’anglais. Une multinationale est une entreprise dans laquelle chacun peut parler sa langue. Dans une réunion, c’est du cerveau des gens dont on a besoin. Si vous les obligez à parler anglais, les Anglo-saxons arrivent avec 100% de leurs capacités, les gens qui parlent très bien, avec 50%, et la majorité, avec 10%. A vouloir tous être Anglo-saxons, il ne faut pas s’étonner que ce soient les Anglo-saxons qui gagnent." qui est plus que jamais d'actualité !

MAR


Analyse par Jacques Cortès d'un numéro du Nouvel Observateur

Je viens de recevoir le dernier numéro du Nouvel Observateur (23-29/05/2013), et je vois que quelques articles méritent des commentaires :

  1. François Reynaert contre les "déclinoronchonchons"

Le premier est de la plume spirituellement dirimante de François Reynaert (p.36). Papier amusant où tous ceux qui sont supposés être contre la loi Fioraso (Académie, "Figaro", "Finkielkraut et consorts", "une escouade d’échappés du PS", Jacques Attali, Claude Hagège costumé en "Paul Déroulède de la francophonie"), tous ces gens et bien d’autres ringards de même acabit sont classés dans l’ensemble des nostalgiques ne parvenant pas "à voir venir les problèmes qui se posent aujourd’hui". Pour F.R, en conséquence, La meilleure mesure à prendre est de regrouper les déclinoronchonchons de service dans une sorte de parc intitulé "France éternelle Land" où ils pourront s’ébattre en toute liberté avec tout ce qu’ils aiment : "les agents en képi, le grec en sixième et des polémiques à la mesure de leur vision du monde" sur des questions du type : "quel avenir pour nos colonies ? Faut-il en finir avec le franc-or ? etc." Intérêt de ce regroupement : les étrangers pourront venir visiter ce parc et cela "boostera" (pardon, "propulsera") notre tourisme. Le sourire est donc de mise. Le texte de François Reynaert est vraiment désopilant. Voire…

  1. Cédric Villani : une position très nuancée

J’ai noté aussi 2 passages faisant état de la pensée de Cédric Villani, ce mathématicien français ayant obtenu la médaille Fields en 2010. Mais là, je crois que le Nouvel Obs est à côté de la plaque. La position de Villani, en effet, tient en deux textes figurant respectivement aux pages 40 et 114.

A la page 114, c’est plutôt en partisan, sinon de la Loi Fioraso, du moins d’une stratégie attractive pour le rayonnement du pays en matière d’accueil des étudiants étranger que se présente Villani. Il parle donc de soutenir la langue française mais de façon "moins crispée" : quelques heures par semaine de cours spécialisés en anglais ne doivent pas être considérées comme une menace sérieuse. Il va même plus loin en terminant sa brève intervention par un acte de foi dans la vitalité du français qui ne sera ni abâtardi, ni corrompu mais s’enrichira au contraire dans ce contact avec d’autres langues. Rien là de très neuf, on le sait. La langue française a toujours emprunté et francisé ses captures, comme, du reste, le font absolument toutes les langues du monde, à commencer par l’anglais qui, à 70% au moins, est du français datant des 3 siècles ayant suivi la bataille d’Hastings (14 octobre 1066), pendant lesquels l’Angleterre, on le sait, a parlé français ("honni soit qui mal y pense" ou qui l’aurait déjà oublié).

Mais dans son texte de la page 40, Cédric Villani tient un discours sur lequel Claude Hagège et François Reynaert pourraient jouer ensemble "embrassons-nous Folleville". Qu’on en juge : "Trop diverse pour être unie l’Europe ? Au contraire ! La variété de ses cultures, institutions et systèmes politiques est sa plus précieuse richesse. La clé de l’unité européenne n’est pas dans la régulation mais la coordination ; pas dans l’uniformisation mais dans la diversité". Et il conclut : en rêvant de retrouver le sens de l’Europe "dans une belle vision politique qui a fait rêver Montesquieu et Hugo et qui demain, si nous le voulons, fera rêver le monde". Cédric Villani est donc clairement dans le camp de la diversité excluant toute vision unique du monde.

  1. Caroline Brizard, Arnaud Gonzague et Véronique Radier : Sagesse contre "Bronca" ?

Il y a enfin dans ce numéro – décidément très riche du Nouvel Obs’ – une dizaine de colonnes, de la page 112 à la page 115, où trois enquêteurs (Caroline Brizard, Arnaud Gonzague et Véronique Radier) établissent un bilan globalement favorable à la Loi Fioraso. Le principe en est rappelé sur un ton modéré car il s’agit de présenter le projet en soulignant la discrétion et la sagesse de la ministre qui a bien expliqué qu’elle veut simplement "accueillir les étudiants des pays émergents dans les matières scientifiques, technologiques qui, aujourd’hui, ne viennent pas en France à cause de l’obstacle de la langue". Il s’agit là d’une belle pétition de principe émise par la ministre. Disons même que les faits statistiques disent tout le contraire puisqu’avec 260 000 étudiants étrangers inscrits dans nos universités, la France est encore et toujours la cinquième destination estudiantine du monde.

Mais la modération du ton a évidemment du sens car elle permet de mettre immédiatement en discordance, avec le ton doucereux précédent, la violence insupportable des opposants au projet. L’atmosphère est donnée d’emblée : "Quelle bronca n’a-t-elle pas (la loi) déclenchée !" A la sagesse de la ministre et de sa garde rapprochée, répond alors le sarcasme et l’ironie : l’Académie " se fend d’un communiqué s’alarmant d’une menace pour la situation de la langue française", Jacques Attali "tacle une décision stupide", Michel Serres "brandit le spectre d’une nation colonisée". On le voit bien, l’objectivité n’est plus au rendez-vous. L’écriture devient âpre, insultante, presque diffamatoire.

Je n’irai pas plus loin dans l’analyse de cet article où, comme dans l’huître de Francis Ponge (le Parti pris des choses), "on trouve tout un monde, à boire et à manger". Ce qu’il faut simplement retenir, c’est que les questions posées par cette loi qui déclenche chez François Reynaert une "terrible crise de bâillements", appellent d’évidence des réponses sérieuses. On a le droit de se moquer de tout. C’est dans l’esprit français. Mais après les bouffonneries, cocasseries, clowneries et couillonnades, notre sagesse nationale n’oublie jamais que le rire à-la-française est une forme de respect. Les traditions gagnent certainement à être repensées dans la durée, mais si le temps qui passe amène un pays comme la France à se perdre dans une sorte d’uniformisation planétaire, je comprends parfaitement l’inquiétude d’Alain Finkielkraut : "Quant à la présence des étudiants étrangers en France, je ne vois pas quel sens elle peut avoir si plus rien ne demeure de l’identité française" (p.114). Dont acte !

Sylvains-les-Moulins, le 25 mai 2013
Jacques Cortès
Professeur émérite de sciences du langage
Président fondateur du Gerflint (Groupe d’Études et de Recherches pour le Français langue internationale)


voir aussi notamment les différents éléments concernant le Projet de loi Fioraso, les prises de positions de Claude Hagège, de Jacques Attali, d'Antoine Compagnon, de Pouria Amirshahi, de l'Académie Française et les très bons articles d'Astrid de Larminat dans le Figaro et de Pascal Priestley de TV5Monde.

Ainsi que l'appel d'un groupe d’universitaires étrangers publié dans  Libération (21/5) :
Français, gardez votre langue à l’université

Et également la passionnante 'intervention de Michel Serres sur France Info (31/3) souhaite que l'on entre en résistance. Pour lui : "Enseigner en anglais nous ramènerait à une nation colonisée dont le langue ne peut plus tout dire".

état de l'article L121-3 du Code de l'éducation à l'heure actuelle

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