Projet de loi Fioraso (suite 4)

Projet de loi Fioraso (suite 4)

Fioraso université colonisation politique

Projet de loi Fioraso

TV5Monde : "French university" par Pascal Priestley (17/5)
Intervention de Jacques Myard lors de la séance des questions au Gouvernement et la réponse de Mme Fioraso (15/5) (voir la vidéo ou lire le texte de l'intervention ci-dessous)


voir aussi notamment les différents éléments concernant le Projet de loi Fioraso, les prises de positions de Claude Hagège, de Jacques Attali, d'Antoine Compagnon, de Pouria Amirshahi, de l'Académie Française et les très bons articles d'Astrid de Larminat dans le Figaro et de Pascal Priestley de TV5Monde.

Et également la passionnante 'intervention de Michel Serres sur France Info (31/3) souhaite que l'on entre en résistance. Pour lui : "Enseigner en anglais nous ramènerait à une nation colonisée dont le langue ne peut plus tout dire".


Intervention de Jacques Myard lors de la séance des questions au Gouvernement et la réponse de Mme Fioraso (15/5)

Assemblée Nationale - Première séance du mercredi 15 mai 2013
Présidence de M. Claude Bartolone
Questions au Gouvernement

Défense de la langue française

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Myard. Bernard Cazeneuve, je ne sais pas si l’opposition sort de l’œuf mais le Gouvernement a fait une sacrée omelette ! (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Herr Ministerpräsident Ayrault, ich bitte Sie um eine Frage zu antworten ; Mister Prime minister, I wish to ask you a question :…

M. Jean Glavany. On parle français dans l’hémicycle !

M. Jacques Myard. …au moment où la Commission bafoue le plurilinguisme de l’Europe et privilégie de manière outrancière l’anglais, la science française a-t-elle encore le droit de s’exprimer dans la langue de Molière, de Victor Hugo…

Un député du groupe SRC. De Myard !

M. Jacques Myard. …de Frédéric Joliot-Curie, de Louis Leprince-Ringuet, de Charles de Gaulle ou de François Mitterrand, ou doit-elle s’excuser d’exister ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

À l’évidence, on se doit de se poser la question puisque vous allez proposer de reléguer notre langue en seconde division, en lui ôtant son statut de langue universitaire exclusive au profit du globish. Il faut apprendre des langues étrangères, mais le globish n’est pas une explication du monde.

Vous oubliez que les ingénieurs que nous formons aujourd’hui travailleront encore dans vingt à quarante ans et que le "tout anglais" d’aujourd’hui est une faute stratégique, une vision erronée et obsolète à terme du monde qui va à marche forcée vers un plurilinguisme qui va relativiser très largement l’anglais (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Rappelez-vous Hamlet : "Il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel, Horatio, qu’il n’en est rêvé dans votre philosophie." Croyez-vous vraiment attirer des étudiants non francophones ? Vous vous trompez : ils préféreront toujours l’original aux singeries. En définitive, nous n’aurons gagné que le mépris des autres, que le statut du vassal et de l’esclave.

Une langue, ce n’est pas seulement un moyen pour vendre des cacahuètes, c’est une pensée, une structure mentale, et le français demeure plus que jamais une langue de sciences ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Jacques Myard, c’est en français que je m’adresserai à vous pour vous parler du projet de loi. Que dit le texte auquel vous faites allusion – si vous l’avez lu ? (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Il dit que la langue de référence de l’enseignement supérieur et de la recherche est le français. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

L’article 2 dispose simplement que les dérogations qui sont déjà prévues par la loi Toubon peuvent être élargies en étant très encadrées pour accueillir les étudiants de pays émergents, tels que la Corée, l’Inde, le Brésil, dans les matières scientifiques, économiques et techniques, qui ne viennent pas en France à cause de l’obstacle du langage.

M. Maurice Leroy. Qu’en pense la ministre de la francophonie ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Cette loi sera d’autant plus encadrée…

M. Christian Jacob. Ce n’est pas encore la loi !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …qu’un accord est intervenu hier, en commission, entre partisans et opposants préalables à cette dérogation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons décidé de l’encadrer encore plus en prévoyant une formation obligatoire au français pour ces étudiants, et elle sera prise en compte pour l’obtention de leur diplôme.

M. Dino Cinieri. Cela ne servira à rien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Aujourd’hui, il y a 790 formations en langues étrangères, plutôt en anglais. Elles existaient jusqu’à présent dans les écoles pour les enfants privilégiés. Cela ne faisait hurler personne. Aujourd’hui, nous voulons élargir cette possibilité et les introduire à l’université pour tous les jeunes, notamment ceux qui sont issus des milieux modestes, qui n’ont pas voyagé, qui ne parle ni l’anglais ni l’allemand.

M. Daniel Fasquelle. N’importe quoi !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Monsieur Myard, la France francophone, c’est la France qui s’ouvre au monde, au Maghreb avec Yamina Benguigui, à l’Afrique francophone que nous accueillons volontiers. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

En conclusion et en français : beaucoup de bruit pour rien, pour reprendre ce titre de Shakespeare.


Le commentaire de Claude Weisz

15 mai-Assemblée nationale ; c'est avec aplomb et péremptoirement que Mme Fioraso répond à une question posée par le député Jacques Myard. Sans être malpoli je dirais qu'elle continue à nous vendre son plat de lentilles. En supposant qu’elle aie raison, nous accueillerons quelques milliers d'étudiants étrangers en plus, mais en 2050 tous les pays francophones d'Afrique seront passés à l'anglais ainsi que la soixantaine de chefs d'État, ministres, chefs de délégation qui s'expriment en français à l'ONU.

C'est ainsi que le rêve de nos gouvernements modernes sera réalisé : la France sera reléguée au niveau international du Danemark. Mais après tout, les Danois sont parfaitement anglophones, les touristes rendent visite à la petite sirène et leur niveau de vie est supérieur à celui des Français.

Un plat de lentilles, ma foi, (surtout du Puy en Velay), c'est très bon. Merci Madame.

(on pourrait aussi signaler que le tout en américano-anglais permettra aux présidents et directeurs des grandes écoles de rattraper le niveau de salaire de leurs collègues américains. D'autant plus que suite au scandale des émoluments généreux de feu Richard Descoings, l'État a décidé de réduire un peu leur train de vie.)

Claude Weisz

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