Lettre à l’Académie française sur les dérives des ministres envers la langue française

Lettre à l'Académie française sur les dérives des ministres envers la langue française

Lettre à l'Académie Française sur les dérives des ministres envers la langue française

Académie française politique langue « Halte à la complainte du français perdu » : Nos associations pour la promotion du français, Avenir de la langue française parmi elles, reprennent volontiers ce titre et, pour l’essentiel, le contenu plein d’espoir et d’encouragements du discours que Madame le Secrétaire Perpétuel de l’Académie française a prononcé, lors d’une séance publique annuelle, le 27 novembre 2008, au Palais de l’Institut.

Mme Carrère d’Encausse y met en valeur un très récent début d’évolution des esprits vers le multilinguisme, en Europe comme ailleurs dans le monde, s’écartant de «l’unilinguisme multinational » réducteur dénoncé par Régis Debray, et suivant davantage Umberto Eco (« La langue de l’Europe, c’est la traduction »).
Cette évolution offre en effet aujourd’hui, avec une Organisation de la Francophonie un peu plus volontariste, des chances accrues à la langue française.

Il nous semble cependant que l’inquiétude au sujet de notre langue, en particulier de son statut en France, inquiétude que Mme Carrère d’Encausse conseille avec raison de ne pas nourrir à l’excès, reste justifiée par l’attitude de trop d’élites en France, cœur de la francophonie.
Nous constatons en effet que trop de nos élites restent enfermées, plus peut-être que leurs homologues d’autres grands pays, dans la conception - condamnée par Mme le Secrétaire Perpétuel – selon laquelle l’anglo-américain est le seul outil indispensable de la communication internationale, y compris dans ce continent de la diversité qu’est l’Europe, et dans des secteurs vitaux, que vous connaissez bien, de l’activité nationale en France même.

Nous observons surtout un fait assez nouveau, au moins dans l’ampleur très dangereuse qu’il prend depuis deux ou trois ans.
En effet, les efforts très accrus des gouvernements et des entreprises géantes des pays anglo-saxons pour substituer l’anglais à bien d’autres langues, principalement dans les fonctions économiques, culturelles, et internationales de ces langues, dont le français, sont dorénavant relayés et renforcés par nos organismes publics, y compris par nombre de nos ministères.
Ceux-ci se trouvent ainsi en contradiction flagrante avec les orientations données par le Président de la République, notamment dans ses deux excellents discours pertinents du 9 mars 2007 à Caen, puis du 20 mars 2008, jour de la Francophonie, à la Cité universitaire internationale, en présence du Secrétaire Général, M. Abdou Diouf.

Vous êtes invité à lire le document joint dans lequel nous avons pu ainsi relever, et dénoncer publiquement en vain, de graves dérives de ministères français, pourtant censés, au premier chef, respecter l’article 2 de la Constitution (« La langue de la République est le français »), la « loi Toubon », et, tout simplement notre tradition nationale et le bon sens.

Ce relevé dûment vérifié a été établi par l’Association « Avenir de la langue française » (ALF). Son dépliant de présentation est joint.
ALF est en partie à l’origine de l’introduction dans notre Constitution, avec l’aide de parlementaires amis de divers bords, en 1992 de la phrase de l’article 2 sur la langue de la République, puis, en juillet 2008, de la Francophonie (titre XIV et article 87 nouveaux). Elle avait aussi rédigé la première esquisse de la loi qui avait d’abord failli être en 1993 la loi Tasca, puis devint en 1994 la loi Toubon.
Elle est depuis 1995 agréée par les ministères de la Culture et de la Justice, et régulièrement subventionnée par « la rue de Valois » pour veiller à l’application de notre législation protectrice de la langue française.
Elle contribue fortement à l’étroite collaboration (veuillez me permettre de la nommer « synergie ») qui s’est établie depuis plusieurs années avec les autres associations de défense et de promotion du français, au premier rang desquelles se trouvent les deux autres associations agréées par les deux ministères précités : « Défense de la langue française » présidée par M. Jean Dutourd, et l’AFAL (Association francophone d’Amitié et de liaison) présidée par M. Jacques Godfrain, ancien ministre.

Toutes nos associations craignent de voir, peut-être dès 2009, l’attention et le soutien financier des ministères à leur égard diminuer fortement en raison : tant des contraintes imposées par la grave crise financière et économique née aux États-Unis, que de la tendance décrite dans le relevé de comportements ministériels ci-joint.

Avenir de la langue française n’est donc pas seule à se tourner vers ce môle solide et prestigieux du français et de la France que constituent à la fois l’Académie française en corps et les Académiciens qui la portent et l’illustrent.

Que peut bien vous demander « notre peuple » ? :
-    votre engagement, en corps mais aussi personnel, tant par les canaux directs et discrets que vous pouvez avoir avec tous nos dirigeants, qu’en portant plus fortement vos protestations et exhortations sur la place publique, dans tous media à votre portée ;
-    votre soutien, par les mêmes voies, aux propositions de politique en faveur du français et de la Francophonie que nos associations ont élaborées ces dernières années, qu’elles ont déjà eu l’occasion de vous envoyer et soumettre, et qu’elles tiennent naturellement à votre disposition, sur simple demande de votre part ;
-    votre appui personnel à la recherche par nos associations d’adhérents, de militants, ainsi que de mécènes, de parraineurs, de légueurs (ou légateurs ?), afin de permettre à nos associations, malgré la rigueur des temps, de poursuivre et de développer leurs activités en faveur de la langue française et de la Francophonie, en faveur de la pérennité de la France.


Comportements des ministères français en matière de langue française et de Francophonie contraires à la Constitution, à la loi Toubon et à la tradition nationale française d’affirmation publique de notre langue :

- Le ministère des Finances et de l’Industrie a poussé vigoureusement à la ratification de l’accord de Londres sur les brevets européens, obtenue dès l’été 2007, alors que cette ratification avait pu être suspendue depuis 2001 grâce aux pressions conjuguées de l’Académie française, des ministères des Affaires étrangères et de la Culture, d’organismes professionnels, et de nos associations ; son actuelle titulaire emploie beaucoup plus volontiers l’anglais que le français dans l’exercice de ses fonctions, et non pas seulement à l’étranger ;
- le ministère de l’Éducation nationale répète depuis deux ans que tous les élèves français doivent être bilingues à la fin de leur scolarité, tout en précisant clairement qu’il s’agit d’un bilinguisme franco-anglais, sans envisager que d’autres langues puissent entrer dans cet objectif de bilinguisme ;
- le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est en pointe : son actuelle titulaire a été distinguée en novembre 2008 par l’académie de la « Carpette anglaise » pour imposer l’anglais comme langue d’enseignement et d’examens à des étudiants français qui ne relèvent d’aucune des exceptions et dérogations inscrites dans la loi dite « Toubon » du 4 août 1994, pour avoir déclaré qu’à Bruxelles elle ne chercherait pas à s’exprimer en français, le « tabou de l’anglais » devant être écarté, et pour être allée jusqu’à se plaindre - le 12 octobre 2008 dans une émission de La chaîne parlementaire - d’être gênée dans son action par ce qu’elle a qualifié de « lobby » des associations de la langue française, pourtant agréées et subventionnées par le gouvernement auquel elle appartient aux fins de soutenir l’ (ancienne ?) politique linguistique française ;

- le ministère des Affaires étrangères, selon M. Dominique Wolton, « brade son réseau culturel à l’étranger », et ne soutient guère la Francophonie organisée, ni la coopération franco-africaine ; son titulaire actuel emploie surtout l’anglais dans son travail diplomatique à l’extérieur, voire en France ; il s’est efforcé, pendant de longs mois en 2007-2008, de dénaturer la chaîne internationale francophone TV5 en l’incluant avec France24 dans une politique audiovisuelle extérieure étroitement nationale ; il voit enfin, dans son dernier livre, « l’anglais, (comme) avenir de la francophonie » ;
- la Primature (services du Premier Ministre), saisie par nos associations depuis plus de six ans, fait la sourde oreille à nos demandes répétées de faire renvoyer systématiquement à Bruxelles les documents de travail de l’U.E. qui sont maintenant presque tous envoyés en anglais uniquement à nos administrations centrales, ainsi obligées de travailler en bonne partie dans cette langue, qui n’est pourtant pas celle « de la République » ;

- les ministères du Travail et de la Santé, négligent encore, au mépris non seulement de notre langue, mais du principe de précaution, d’imposer la traduction en français de logiciels et notices d’emploi de plus en plus exclusivement en anglais tant dans nos grandes entreprises même publiques que dans nos hôpitaux, alors que l’incompréhension ainsi entraînée a pu contribuer aux décès et à la scandaleuse affaire des « irradiés d’Épinal  » et d’ailleurs, et que des médecins ont pu écrire que « le tout-à-l’anglais tue » ;

- le ministère de la Culture lui-même, qui exerce la tutelle de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, n’a pas voulu ou pu, malgré nos demandes pressantes et une campagne de presse, obtenir de France télévision la désignation, pour le concours de chansons de l’Eurovision, en mai 2008 à Bucarest en Roumanie membre de la Francophonie, d’un chanteur et d’une chanson en français, au lieu de la chanson en anglais choisie par la directrice des jeux et divertissements de France 3 ; le choix du déshonneur n’a pas écarté la honte d’une cuisante défaite, la France ne s’étant alors classée que 19ème sur 25, alors que plusieurs autres pays de moindre importance - et mieux classés - avaient tenu à chanter dans leurs langues respectives ;

- le ministère chargé des transports a annoncé à la fin de 2008 que la réforme-simplification du permis de conduire comporterait la possibilité d’en subir les épreuves dans d’autres langues que le français, au mépris flagrant de la législation linguistique déjà citée.

Les associations attendent de ces ministères le respect de l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) toujours en vigueur et des lois de la République, ainsi que des orientations claires données par le Président de la République dans ses importants discours pertinents du 9 mars 2007 à Caen, et du 20 mars 2008 à la Cité universitaire internationale de Paris.

Relevé établi par l’association Avenir de la langue française, 34 bis, rue de Picpus, 75012 Paris, courriel : avenirlf@laposte.net

Ce contenu a été publié dans Nouvelles2008-2009. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.