Le service public de l’audiovisuel sert-il la France ou d’autres intérêts ?

Le service public français de l'audio-visuel sert-il la France ou d'autres puissants intérêts ?

Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

par Albert Salon

Le service public français de l'audio-visuel sert-il la France ou d'autres puissants intérêts ?médias colonisation service public : On lui met des chaînes, pour servir l’empire anglo-saxon et sa langue.

Surtout des chaînes de télévision. Chaînes publiques chaînes privées.

Je vais prendre ici, parmi toutes les chaînes que la propagande impériale nous fait porter avec de lourds boulets, un seul exemple : France 2, censée être publique, avec une mission de service public, c’est-à-dire d’éducation de son public et d’élévation de son niveau général d’information et de culture.

Prenons le "vingt-heures" :

Sur cette demi-heure de grande écoute, entre deux et cinq minutes – qui doivent coûter fort cher (à qui ?) – sont très souvent consacrées à la présentation de produits du cinéma états-unien, à leur promotion par projection d’extraits et par dialogues avec les réalisateurs ou les acteurs très pipol qui y ont trempé.

Avez-vous remarqué, au demeurant, que ce ne sont pas toujours, loin de là, les meilleurs films américains qui bénéficient ainsi de ces coups de pouce sur notre marché, au détriment de notre propre cinéma, qui ne jouit pas tout-à-fait des mêmes faveurs ?

Les vedettes invitées, appelées "stars", s’offrent complaisamment à nos regards pour, généralement, nous débiter des platitudes atterrantes.

Il y a vingt ans – car le pli est pris depuis longtemps – les invités nord-américains s’efforçaient encore d’esquisser en français un "bonsoir" ou un "merci", voire parfois la très brève excuse : "désolé, je ne parle pas bien le français". De nos jours, ils ne s’embarrassent plus de ces politesses superfétatoires et, du reste, hypocrites.

Ils sont reçus chez les vassaux qui les ont sollicités, et ils reçoivent avec quelque condescendance les hommages et l’admiration qui leur sont dus en leur qualité de représentants du peuple élu.

L’aimable petit seigneur local du vingt-heures ou la charmante présentatrice qui a réussi à les faire venir, s’en glorifie et leur sert la soupe, essaie parfois de les amener à parler de leurs liens avec la France ou la culture française. Après tout, n’est-ce pas normal ? Surtout lorsque, tel Dustin Hoffman, ils font partie de la longue cohorte d’histrions et terminators hollywoodiens qui ont reçu une haute décoration française, censée récompenser des services rendus à notre culture, à notre langue, voire à notre cinéma : Arts et Lettres, Mérite, Légion d’Honneur, dans les ors de la République, des mains du ministre de la Culture, quand ce n’est pas du Président. Souvent au grade de Commandeur, pour hisser l'Ordre et la France au niveau de la notoriété internationale des personnages-idoles ainsi perchés, aussi en vue.

Après tout, pensent peut-être les récipiendaires parfois étonnés, à peine flattés, si la vieille cocotte France veut se faire encore aimer en distribuant ses médailles, pourquoi pas ? Si cela peut lui faire plaisir…

Mais qu’elle ne s’avise pas trop de leur demander devant ses caméras s’ils connaissent et aiment ses camélias : la réponse de Dustin Hoffmann en février 2009 a été une pièce d’anthologie. Je la résume : "Oh ! Moi, vous savez, je suis d’un milieu très pauvre, mes parents ne lisaient pas, je n’ai guère eu dans l’enfance ni plus tard l’occasion de m’intéresser à la France et à sa culture !"...

L’autisme de ces milieux états-uniens, dans sa splendeur, et l'à-plat-ventrisme intéressé des "nôtres"...

L’Allemagne, la Hollande, l’Espagne, la Pologne, la Hongrie, sont-elles aussi indignes, aussi prodigues que la République de ces bouquets dont elle fait ainsi des fleurs fanées, dévalorisées aux yeux de ses citoyens ?

D’ailleurs, que la télévision vous montre-t-elle de ces pays ? Surtout de leurs cultures ? Voyez-vous souvent, au "vingt-heures" des présentations de leurs films ? Ne sont-ce pas des pays européens ? Ne cherchons nous pas, selon la vulgate officielle, à faire l’Europe ?

La télévision nous révèle là la vérité, le cœur du système : "Qui vous parle d’Europe ? Il faut que tous les yeux et les oreilles, tous les esprits conquis du continent européen, soient et restent fixés sur les États-Unis, sur sa langue, servent l’empire américain, perinde ac cadaver, et regardent le moins possible ailleurs".

Libre à nous – direz-vous - de ne pas regarder, d’éteindre ou de "pitonner"* ? Certes. Mais combien de téléspectateurs usent de cette liberté ? Tous les autres subissent ce détournement, ce vol éhonté d’un temps d’antenne qui leur est dû, qu’ils ont payé en principe pour avoir une information plus élevée que la bouillie de propagande vassalisante qui leur est ainsi versée.

C’est la France et sa langue que l’on agenouille, bat et rebat et abâtardit !

Cela va dans le même sens que la réintégration dans la structure militaire de l’OTAN, la fédéralisation de l'UE sous l'égide de l'empire, et que le passage de l'enseignement supérieur à l'anglo-américain, au "globish" pour colonisés.

Il faut s'indigner, hurler la révolte du citoyen sain ; il faut résister, secouer ce joug, retrouver la souveraineté de la France !"

Albert Salon, docteur d’État ès lettres, ancien Ambassadeur.

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