Le français en Artsakh (Haut-Karabakh)
par Nadia et Gérard Antonin
Francophonie Karabakh Arménie langue française
Mme Nadia Antonin, haut cadre de la Banque de France, est membre de commissions de terminologie, ainsi que d’ALF et du Haut Conseil international de la langue française et de la Francophonie (HCILFF). AS
Le développement de la langue française est une priorité gouvernementale en Artsakh. L’Artsakh (anciennement Haut-Karabakh), république autoproclamée de Transcaucasie et peuplée majoritairement d’Arméniens de confession chrétienne, a fait de la langue française, une priorité gouvernementale.
La langue de Molière est perçue comme l’instrument privilégié de l’éducation citoyenne des Artsakhiotes. En d’autres termes, l’apprentissage du français est ressenti comme un atout supplémentaire d’enrichissement culturel. De nombreux acteurs se sont mobilisés autour de ce projet politique, qu’il s’agisse de particuliers, de mouvements associatifs ou d’élus. L’une des principales entités œuvrant en faveur de la francophonie en Artsakh est l’association du même nom "Francophonie en Artsakh" dont le président est François Rochebloine, ancien député de la Loire. Avec le co-financement du gouvernement de la République d’Artsakh, du Fonds pan-arménien de France et de l’ONG "Francophone en Artsakh" et sous l’égide de la Fondation Paul Éluard, les travaux de construction du Centre francophone Maison Paul Éluard ont commencé à l’automne 2019 dans la capitale Stépanakert. Ils devaient être achevés en septembre 2020.
Pour François Rochebloine, ce centre va jouer un rôle important dans le développement du français. Ce vieil amour de la langue française en Artsakh comme d’ailleurs en Arménie ne se dément pas. Ainsi, grâce à la volonté de certains élus, les premières "journées francophones en Artsakh" se sont déroulées du 17 au 20 septembre 2015. De nombreux évènements dédiés à la promotion de la langue et de la culture française ont ponctué ces journées pour lesquelles plus de 200 Français avaient fait le déplacement.
En Arménie, où s’est tenue le XVIIe sommet de la Francophonie en 2018, "il suffit de parler français pour se faire arrêter par un passant au son de "Vive la langue française !" écrit Christian Rioux, journaliste au quotidien canadien Le Devoir et essayiste. Dans un article intitulé "Le peuple martyr", ce journaliste explique ce que signifie parler français en Arménie. "Tout à coup, les yeux des passants s’éclairent. Ils vous arrêtent dans la rue et vous sourient comme si vous ameniez le soleil. Les Québécois qui s’imaginent parfois seuls au monde à parler français devraient tous aller faire un stage dans la capitale arménienne. Ils en reviendraient convaincus que leur langue est l’une des quelques rares langues internationales du XXIe siècle et qu’elle vaut bien qu’on la défende par tous les moyens possibles".
Malheureusement, le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan soutenu par la Turquie a lancé une offensive meurtrière en Artsakh. La population et les infrastructures civiles ont fait l’objet de pilonnages intensifs à l’aide de drones "tueurs", d’armes à sous-munitions et de bombes au phosphore blanc. Les projets dédiés au rayonnement de la Francophonie dans cette région abritant 150 000 Arméniens ont été brusquement interrompus ; et il n’est même pas certain que le Centre francophone Paul Éluard n’ait pas été détruit.
Puisse le rêve francophone des Artsakhiotes renaître de ses cendres…