Le choix de la Francophonie de Roger Dehaybe

Le choix de la Francophonie de Roger Dehaybe

Un parcours belge et international

Francophonie politique Dehaybe

Avant-propos d’Antoinette Spaak - préface d’Abdou Diouf - Éditions du Cygne, Paris.

Roger Dehaybe, belge wallon de Liège, universitaire philologue, administrateur de grands théâtres en Belgique, haut diplomate, fut Commissaire général aux relations internationales de la Communauté française de Belgique (1983-1997 ; donc responsable des affaires étrangères de cette Communauté devenue Fédération Wallonie-Bruxelles), puis Administrateur général de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF, 1998-2006, intégrée aujourd’hui dans l’Organisation internationale de la Francophonie, OIF). Roger Dehaybe est membre actif de la section "Belgique" du Haut Conseil international de la Langue française et de la Francophonie (HCILFF). AS

Chez qui, ce choix ? D’abord celui d’un homme habité par l’idée de l’humanisme francophone. D’un homme incarnant l’histoire de sa ville de Liège qui (cela tombait bien ! ...) fut "nouvelle Athènes" au Moyen-Âge, rayonnante principauté Renaissance, révolutionnaire dès 1789, avant le rattachement du pays à la France jusqu’à Waterloo, sur le sol belge. Cet homme habité, habile et déterminé, a fait de son choix celui de toute la communauté francophone de Belgique, avec la compréhension et le consentement obtenus de la Flandre flamandophone, et du Royaume. Et certaines convergences dans l’action avec "l’autre Bruxelles".

Pour illustrer lui-même la complexité institutionnelle de la Belgique actuelle, il nous donne dès les premières pages de son livre des documents, organigrammes, dates importantes, très parlants. Une utile, salutaire "leçon de Belgique"...

Nous suivons ensuite sa brillante ascension. Accommodant d’abord les Wallons entre eux (Région et Communauté), puis les Wallons et les Bruxellois, enfin le "Wallo-Brux" avec les institutions de la Flandre aux intérêts parallèles, sinon convergents et, parallèlement, avec le Royaume, membre théoriquement naturel des institutions de la Francophonie multilatérale, et signataire obligé parmi les 21 États du traité de Niamey en 1970.

Si la France est souvent considérée comme une Europe réussie, nous pouvons affirmer que Roger Dehaybe a beaucoup contribué à sculpter, non certes une Belgique réussie, mais une "Belgique aigle à deux têtes" qui compte beaucoup dans la Francophonie mondiale organisée.

Car notre homme a transposé cette précieuse expérience de haut diplomate à l’action au sein de l’ACCT de Niamey, puis de l’AIF, devenue OIF. Chapeau !

Comment ? Lisez son livre, haletant d’intérêt !

En tout cas, en faisant preuve de ce grand "bon sens", que Sonia Mabrouk reproche gentiment à la France d’avoir un peu égaré, et d’un volontarisme dont il déplore la perte, y compris de la part de la France, qu’il égratigne légitimement, de manière courtoisement contenue, car il l’aime bien, mais clairement perceptible dans sa recherche obstinée et efficace du "consensus",

Bon sens et consensus sur la priorité à l’Éducation et à la Culture (la Conférence de Cotonou sur la Culture, et la Convention UNESCO sur la diversité culturelle d’octobre 2005 : c’est aussi lui !...) ; à la solidarité, faite surtout de coopération pour le développement des pays du Sud, d’abord de l’Afrique (il fut appelé "Dehaybe l’Africain"), seule vraie "plus-value" propre à la Francophonie, alors que rien n’est définitivement acquis pour elle, voire pour le français, malgré la très optimiste projection (750 M en 2050 !...) bien trop répandue.

Priorité naturelle, indispensable, à la langue française, qui conditionne tout le reste, mais en faisant une place nécessaire dans les écoles africaines aux langues nationales, même très locales, partout où c’est possible, pour ancrer les élèves dans le contexte et les valeurs de leurs cultures ("aucun dialogue ne peut se faire au mépris des identités"), ce qui n’est pas incompatible – au contraire ! - avec l’ouverture offerte par le français. Francophonie populaire, pour et par les femmes, les jeunes, les Jeux de la Francophonie, les actions de terrain, avec de vrais experts qu’il faut plus entendre dans "les instances", et associer à l’exécution sur place, avec les forces vives locales, en concentrant les faibles moyens budgétaires (quelques dizaines de millions d’euros aux programmes !) sur des pays choisis, en renonçant enfin à cette plaie des institutions internationales : l’élargissement à tout va et le saupoudrage corrélatif, inefficace.

Découlent de ce qui précède des propositions concrètes, de bon sens, que plusieurs fonctionnaires du ministère français de la Coopération - à la suite des "humanistes coloniaux" à la Delavignette et Lyautey - proposaient eux aussi depuis des années, à l’interne, et dans des articles et ouvrages. Correspondances...

Le ressort profond : l’humanisme, encore une fois. L’être d’abord, sans négliger l’avoir. Œuvrer, par la Francophonie, laboratoire de la diversité culturelle et d’un véritable "vivre ensemble", contre la marchandisation universelle et l’uniformisation mondiale de la pensée, tenter de s’élever à la fraternité. Merci !

Découvrez cette richesse dans ce livre "de choix" ! Puissent les décideurs s’en inspirer, en France et ailleurs !

Albert Salon, ancien ambassadeur

Ce contenu a été publié dans Nouvelles2020-2021. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.