L’Allemagne remonte, l’allemand aussi !

L’Allemagne remonte, l’allemand aussi ! Et nous ?

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Nous reproduisons ici un article publié dans le numéro de juin 2010 de "Sprachnachrichten", revue du VDS-Verein deutsche Sprache (Association pour la langue allemande), la plus importante association de défense et promotion d’une langue nationale en Europe, avec ses 40 000 membres en Allemagne et dans le monde. Il montre la perte de prestige de l'anglais dans la publicité en Allemagne :

La présente édition des Sprachnachrichten traite de la langue allemande dans la publicité, d’où elle paraissait presque absente jusqu’à récemment. Je me dispenserai ici de citer tous les anglicismes ridicules de sale jusqu’à x-mas shopping avec lesquels le monde des affaires croit pouvoir attraper des clients. Vous en connaissez tous assez.

Mais, hormis quelques exceptions – "Renault : créateur d’automobiles" [ndlr : en français dans le texte] – la fuite hors de l’allemand si fréquente dans le monde de la pub ne mène pas du tout aux succès commerciaux que les fuyards en attendent. Les formules publicitaires en anglais, en particulier, passent souvent à côté de leurs cibles. D’abord, beaucoup de gens ne les comprennent pas. (……….). Ensuite, une de mes étudiantes en maîtrise a relevé que les textes anglais, à la différence des textes allemands, ne sont en mesure d’éveiller aucun sentiment chez la plupart des personnes interrogées ; l’anglais laisse froid. A cela s’ajoute que huit années de gouvernement de Bush, couplées avec telle ou telle catastrophe financière (des firmes en faillite telle Hypo Real Estate, avaient préféré prendre des noms anglais) ont fait que tout ce qui vient d’outre-Atlantique a perdu beaucoup de prestige en Allemagne.
Cela vaut aussi pour la langue anglaise. Des formules publicitaires en anglais ou en denglish [ndlr : correspond à notre franglais] ont pris un goût prononcé de "seconde qualité". Si vous ajoutez que la moindre friterie dégoulinante de graisse se bombarde City Grill, les désignations de produits en anglais ne se remarquent même plus, n’offrent plus rien d’original. Beaucoup de consommateurs y voient tout au contraire du bon-marché et du quelconque. Qui fait aujourd’hui sa pub en anglais dit en fait : "Je suis une entreprise du tout-venant, chez moi vous trouvez ce que vous trouvez n’importe où ailleurs". Ce message n’est évidemment pas très bon pour les affaires.

Même les maîtres de pub allemands, toujours un peu à la traîne, ont fini par s’en aviser. Sur la page internet www.slogans.de on trouve une liste complète de nouvelles formules publicitaires, dont la plupart sont de nouveau en allemand.

Ainsi pouvez-vous constater, chers amis du VDS, qu’il se fait des choses. Je vous en prie, joignez vos efforts aux nôtres, afin qu’à l’avenir les choses continuent à évoluer dans le bon sens.(………). Je vous salue en confiance.

Walter Krämer

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Le VDS est lié, dans les actions associatives communes en Europe, notamment dans le Comité international syndicats associations du 9 mars 2009, à la fois à Défense de la langue française et à Avenir de la langue française, qu’il soutint en participant en 2005 à sa marche de Villers-Cotterêts pour la diversité culturelle.
J’ai plaisir à traduire ici l’article du Pr Walter Krämer, Président du VDS, sur le caractère de plus en plus inadapté de l’utilisation absurde de l’américain dans la publicité. Ses arguments fort pertinents valent pour les Espagnols, les Italiens et, naturellement, les Français. Chers lecteurs employez-les sans modération, attaquez firmes et publicitaires pour les faire revenir au français.
Pendant longtemps, le VDS, a lutté avec acharnement, dans un contexte encore plus hostile que le nôtre, car revendiquer l’allemand passait pour du nationalisme germanique. Les "élites" confites dans le catéchisme de la repentance post-nazie, récité sagement avec une application digne d’élèves des écoles coraniques, condamnait son action. Depuis le Mondial de ballon rond organisé en 2006, cette période se termine. L’Allemagne s’est redressée et se redéploie, décomplexée, sur bien des fronts. Le VDS a longtemps invoqué avec envie l’exemple français : "a langue de la République" dans notre Constitution, la loi Toubon, l’œuvre de terminologie, l’agrément de nos associations pour des actions contentieuses…
L’Allemagne revendique maintenant l’allemand, chez elle et au dehors. Le VDS peut, à son tour, devenir un modèle invocable. Amis lecteurs, faites pression partout, pour que la France ne soit pas en reste pour son français !
En cette période fort troublée en Europe, chez nous, en Belgique, songez à ces vers d’opiniâtre espoir – en français – d’Émile Verhaeren :
Le passeur d’eau, les mains aux rames,
A contre-flot, depuis longtemps,
Luttait, un roseau vert entre les dents."
Albert Salon.
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