6) XVIIIe siècle
Histoire langue française XVIIIe siècle
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Le temps des philosophes et des révolutions
Le 18ème siècle est le siècle des philosophes, des encyclopédistes et de la Révolution. Dans la littérature dominent Voltaire, Beaumarchais et Marivaux. Dès avant la Révolution l’idée du développement nécessaire du français fait son chemin.
La Révolution va faire de la diffusion de la langue affaire d’État. L’enseignement primaire est créé en 1791, il s’agit alors de mettre une école dans chaque commune. L’ancien système d’enseignement est aboli, à tous les niveaux on tente d’instituer un enseignement du français en français. Cette politique n’a été qu’ébauchée notamment en l’absence de maîtres en nombre suffisant, mais les grands principes de l’enseignement moderne sont mis en place. Les écoles normales sont alors crées.
L’Abbé Grégoire fait procéder en 1790 à une grande enquête dans toutes les communes sur l’état du français et des patois. Les réponses reçues en 1790-91 montrent que sur cinq français, deux environ ignorent le français, que deux autres le connaissent mal et un seulement le parle couramment. Elles permettent également de déceler l’existence de 30 patois, pourtant, les réponses locales sont souvent favorables au français souhaitant en développer l’enseignement. Il remettra son rapport en 1794 "sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser la langue française.".
Dès la Convention s’instaure une véritable politique linguistique nationale contre les patois, qui représentent des obstacles aux idées révolutionnaires, et contre le latin qui représente l’ancien régime. La loi du 2 Thermidor an II stipule que "nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française.".
Le français pénètre les classes populaires et les campagnes, son usage croit considérablement entre 1789 et 1815. L’acquisition du français devient une des formes de l’égalité, et l’unification linguistique une affaire nationale. A la fin du siècle, on estime qu’un français sur sept sait lire et écrire. L’Empire marque un recul, il rend la prééminence au latin.
En Europe, le français est la langue des cours et de la diplomatie. En 1783 l’Académie de Berlin met au concours l’étude des causes de l’universalité de la langue française. Il en sortira le Discours sur l’universalité de la langue française de Rivarol. La cour de Prusse parle français, c’est également le cas en partie au Piémont, en Autriche, en Suède, en Russie et en Hongrie.
Aux colonies c’est plutôt une époque de régression avec la perte des Indes et surtout du Canada en 1763. La Révolution va accroître l’intérêt pour le français en Europe et les conquêtes de l’empire vont contribuer à augmenter sa diffusion. En même temps, la diffusion des idées de nation et les invasions françaises vont créer un mouvement inverse de lutte pour les langues nationales.
La langue
Les R finaux disparus réapparaissent : si menteur était vulgaire au 17ème face à menteu au 18ème c’est l’inverse, il y a là une influence de l’orthographe sur la prononciation. Le I en hiatus tend à disparaître (piété prononcé désormais pyété et non plus pi-été).
L’orthographe est bouleversée, dans l’édition de 1740 du dictionnaire de l’Académie Française la graphie d’un mot sur quatre est modifiée. A la fin du 18ème le passé simple a quasiment disparu de la langue parlée notamment du fait de la complexité de nombre de ses formes. Il en est de même de l’imparfait du subjonctif.
L’orthographe
La 2ème édition du dictionnaire de l’Académie Française (1718) marque peu de changement, sinon l’adoption de l’ordre alphabétique. Environ un dixième des mots est modifié, l’écart reste grand entre l’orthographe officielle et celle des imprimeurs.
La 3ème édition (1740) sous l’influence des philosophes membres de l’Académie Française (Marivaux, Montesquieu, Voltaire, Buffon et d’Alembert) et sous l’égide de l’abbé d’Olivet qui y travaillera sans relâche de 1727 à 1768 a la volonté de rattraper le retard et se traduit par une grande réforme, environ 5 000 mots sur 20 000 auront leur graphie modifiée.
Les hiatus sont supprimés (beuveur devient buveur) les S devant consonnes sont remplacés par des accents circonflexes (fenestre devient fenêtre), l’usage du Y est limité (ayeul devient aïeul), beaucoup de consonnes doubles sont supprimées (appaiser devient apaiser) ainsi que nombre de consonnes étymologiques (sçavoir devient savoir)
La 4ème édition (1762) met en usage le è (E moyen), elle limite l’utilisation des accents circonflexes les réservant aux voyelles longues (soûtenir devient soutenir). Le Z final est remplacé comme marque du pluriel par S ainsi que Corneille l’avait demandé un siècle avant (amitiez devient amitiés, bontez bontés et aimez aimés..). Enfin nombre de termes savant issus du grec sont en partie simplifiés : alchymie devient alchimie, asyle asile, hybride hibride, phelgme flegme, déthrôner détrôner, paschal pascal, scholarité scolarité...)
La 5ème édition (1798) ne marquera pas l’histoire : beaucoup de ses modifications seront oubliées dans les éditions suivantes : analise pour analyse, échoir pour écheoir... Du point de vue graphique, cette édition prend acte de l’abandon définitif du S long (trop proche du F) à l’intérieur des mots ("des carrosses" par exemple, s’écrivait avant "des caroes"). Les imprimeurs abandonnent également le & pour le ET.
Le vocabulaire
L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert parait en 1751, elle accueille tous les termes techniques, scientifiques il s’agit de décrire les connaissances et non plus de se limiter au "bon usage". Le vocabulaire nouveau foisonne : député, exécutif, bourse, agronomie, pomme de terre... Après l’italien et l’espagnol, à côté du latin et du grec dont la science fait grand usage (oxygène, démocratie, sceptique...), l’anglais devient une source d’apport dans le domaine scientifique, technique et politique.
Ces apports peuvent être soit visibles (budget, club...) soit discrets l’anglais fournissant nombre de mots d’origine latine ou française qui directement ou par dérivation s’intègrent dans la langue (gouvernemental, sentimental...) Avec la Révolution, les termes grossiers ou populaires vont faire leur apparition dans la langue écrite (bougre, foutre...), ainsi que de nombreux termes liés à l’action politique nouvelle (légiférer, pactiser, conscription, département, sans-culotte...). Les termes techniques se répandent dans le langage courant, notamment tous les termes liés au système métrique (mètre, gramme...) dont les préfixes sont empruntés au latin et au grec.
L’apport de l’argot dans la littérature s’est banalisé dans le langage courant. Les créations récentes sont rares sinon le verlan, sorte d’argot paresseux qui se contente d’inverser les syllabes pour créer des mots (ripou pour pourri, meuf à partir de femme).
Les emprunts à l’anglais ou plutôt à l’anglo-américain sont de plus en plus nombreux notamment dans les domaines des techniques, du sport et des médias.
Marc-Antoine Renard
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