François Hollande et la Francophonie

François Hollande et la Francophonie

François Hollande Francophonie langue française
François Hollande et la Francophonie

Alors que le nouveau président, François Hollande, entre en fonction, il nous a semblé intéressant de reproduire les réponses faites par le candidat au réseau des Maisons de la Francophonie. Réponses faites via Jean-Paul Bachy, président de la région Champagne-Ardenne, en charge du projet francophone dans l’équipe de campagne. Puissent ces engagements être suivis de faits. Nous nous attacherons à les lui rappeler. MAR. (lire également ci-dessous, la lettre de François Hollande au groupe Phénix)

1 – Des actes forts qui rassemblent sur des fondamentaux

1.1) L’action politique a besoin de symboles forts. L’inscription de la Francophonie dans la Constitution française, à l’article 87, suite à la réforme adoptée lundi 21 juillet 2008 par le Congrès en fait partie.

Accepteriez-vous de marquer votre mandat par un autre geste symbolique : l’inscription au Panthéon des noms des trois pères fondateurs de la Francophonie décédés, Léopold Sedar Senghor, Amani Diori et Habib Bourguiba ?

F. H. : Votre suggestion est intéressante. Mais je ne suis pas sûr que l’on puisse limiter aux trois noms cités la paternité ou l’héritage de la francophonie. Que faites-vous d’Aimé Césaire, et de quelques autres ? Je me propose donc pour répondre à votre idée d’engager une large consultation, en vue d’aboutir à des propositions consensuelles.

1.2) La création d’une Fondation de la Francophonie pour l’économie, chargée de collecter et de redistribuer des fonds (partenariats public/privé), via les mécanismes vertueux de la micro-finance (micro-crédit, micro-épargne et micro-assurance) nous semble nécessaire. Aujourd’hui, près de 80% de la population mondiale est exclue du système financier et 90% n’a pas accès au crédit (Source : PlaNet Finance).
L’une des missions fixée à la Fondation serait de favoriser les partenariats et les investissements directs dans les pays francophones, et notamment ceux d’Afrique, par des entreprises œuvrant dans la valorisation des ressources naturelles et du secteur agricole et agroalimentaire, afin d’instaurer un développement durable.
L’objectif serait non seulement de créer, à partir des entreprises dans lesquelles la Fondation investira, de véritables pôles de développement structurants, mais aussi de favoriser, dans le cadre de programmes internationaux de développement de ces ressources, la mise en place de filières entre les entreprises francophones.

Partagez-vous cette ambition ? Seriez-vous prêt, à l’occasion du sommet de Kinshasa organisé sur le thème “Francophonie, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale”, à lancer une initiative allant dans ce sens ?

F. H. : Les pays attachés à notre culture attendent aussi de la France qu’elle soit acteur de leur développement. Le marché que représentent les populations francophones s’élève à plusieurs centaines de millions d’habitants. Les besoins sont énormes. Pour répondre aux besoins élémentaires de l’Afrique, en termes d’infrastructures, les besoins d’investissement sont évalués à 95 milliards d’euros par an, pendant 10 ans.

A supposer même qu’on la double, l’aide publique que la France finance restera une goutte d’eau face à de tels défis. L’intervention publique en faveur des pays francophones est donc moins une question de budget que de capacité à fédérer les acteurs. La meilleure manière de défendre la culture francophone est d’organiser un "espace économique francophone", s’appuyant sur des partenariats public/privé structurés. Les anglophones ont bien bâti un "Commonwealth". Parce que l’obstacle de la langue n’y existe pas, les espaces francophones ouvrent aux entrepreneurs français d’immenses opportunités de marchés. Encore faut-il les soutenir et les organiser.

Le responsable du groupe du travail francophonie - développement, Jean-Paul Bachy, est allé me représenter, ainsi que l’Association Internationale des Régions Francophones, au sommet économique panafricain de Ouagadougou en Février. A l’occasion du forum mondial de la langue française, à Québec du 2 au 6 juillet prochain, se tiendra aussi une rencontre des entreprises francophones. Je partage votre idée de créer une Fondation de la Francophonie pour l’économie. Ses modes d’organisation restent à définir. Le sommet de Kinshasa peut être une opportunité pour en débattre.

1.3) Le réseau des Chaires Senghor de la Francophonie, plateformes de formation et de recherche sur la Francophonie, a été créé en 2002. Les Chaires sont implantées dans 16 universités (dont deux avec statut d’observateur). L’objectif est de mettre en place progressivement au moins une Chaire Senghor par pays membre de la Francophonie.

Pouvez-vous vous engager sur un soutien effectif du gouvernement français au déploiement des Chaires Senghor de la Francophonie, notamment en France ?

F. H. : Je proposerai à la conférence des présidents d’université (CPU) de travailler sur ces programmes avec les chaires Senghor et nous déciderons, ensemble, de la position à adopter.

1.4) Il n’y aura pas de Francophonie "populaire" et légitime sans appropriation par l’opinion publique. L’implication des élus, locaux et nationaux, est ainsi indispensable.

Seriez-vous favorable à ce que le Gouvernement présente à l’automne 2012, avant le sommet de Kinshasa, une déclaration au Parlement suivie d’un débat sur la francophonie qui permettra de placer l’ambition francophone au cœur de la France ?

Seriez-vous favorable à la création, au moment du vote du budget par le Parlement, d’un examen spécifique par les élus de la Nation des crédits dévolus à la francophonie et à l’influence de la France, aujourd’hui répartis entre plusieurs ministères ?

F. H. : Actuellement, l’équipe du pôle francophonie réfléchit aux formes les plus efficientes permettant de défendre nos valeurs. Si la francophonie reste, de toute évidence, un projet transversal, il ne suffira pas de décréter ou de revenir à la loi Toubon pour que, immédiatement, nos concitoyens, nos ministères, nos élus aient un réflexe de défense de ces valeurs. Nous réfléchissons actuellement à la mise en place, au sein de l’Élysée, d’une cellule francophonie aux moyens élargis. Un grand débat, suivi d’actions ciblées et continues en direction des élus pourraient contribuer à ancrer ce sentiment d’appartenance à la communauté francophone.

2 – Dynamiser la politique d’influence de la France et de l’espace francophone

2.1) Culturelle dès sa fondation, la Francophonie doit désormais, si elle veut conserver durablement son aire d’influence, s’ouvrir plus au monde économique. La constitution d’un corps de Volontaires de la Francophonie pourrait en être, avec la Fondation de la Francophonie pour l’économie, l’un des outils.
Nous proposons de créer, dans un premier temps à l’échelle de la France en nous appuyant sur les mécanismes développés par l’Agence du Service Civique, ces Volontaires de la Francophonie. Sur le modèle des volontaires internationaux, chaque jeune Français pourrait choisir, à la fin de ses études, de partir en francophonie donner un à deux ans de sa vie sur un projet économique. Cet investissement ne pourrait se faire que dans des entreprises purement locales (il ne s’agit pas de fournir une main d’œuvre bon marché aux groupes internationaux) ou dans des projets à vocation économique soutenus par des ONG. Ce système pourrait également être ouvert aux adultes actifs, chômeurs ou retraités.

Êtes-vous favorable à la création des Volontaires de la Francophonie ?
Pouvez-vous prendre l’engagement de lancer les études de faisabilité d’une telle initiative ?

F. H. : Il me semble pertinent de former TOUS les volontaires, quel que soit leur âge, qui, actuellement, partent à travers le monde, à nos valeurs francophones et ne pas isoler spécifiquement un corps de volontaires. Une telle initiative pourrait être rapidement mise en place et les résultats mesurés dans les trois ans à venir.

2.2) La création d’un Erasmus francophone constitue une priorité pour éviter la fuite des cerveaux francophones du Sud vers les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. En effet, c’est aujourd’hui la situation à laquelle on assiste, et il est vital de redonner aux étudiants francophones du monde entier le sentiment d’un lien privilégié. Il faut ouvrir les filières d’excellence, les Écoles normales supérieures, les grandes écoles de commerce, Polytechnique, aux étudiants francophones non français.
Il faut également investir dans des structures d’accueil rénovées pour pouvoir faciliter les échanges entre les Universités francophones. Tel serait l’objet des accords qui constitueraient l’armature du Programmes Erasmus francophone. L’agence universitaire de la Francophonie paraît le cadre naturel pour gérer efficacement un tel programme.

Êtes-vous favorable à la création d’un Erasmus Francophone ?
Pouvez-vous prendre l’engagement de lancer les études de faisabilité d’une telle initiative, en lien avec l’OIF ?

F. H. : Comme je l’ai déjà annoncé, j’abrogerai, dès mon élection, la circulaire Guéant qui a accéléré un processus de désintérêt des élites francophones du Sud à l’égard de la France. Une de mes premières mesures sera d’accorder à tout lycéen qui obtiendra le baccalauréat français partout dans le monde, et sous condition de ressources, un visa automatique afin qu’il puisse venir étudier dans l’enseignement supérieur français. J’étudierai, avec l’AUF et l’OIF, les modalités de la création d’un Erasmus francophone.

2.3) A l’instar de l’IHEDN en France, la création d’un Institut des Hautes Études francophones permettrait de familiariser l’élite aux défis de la mondialisation et à l’intérêt de la Francophonie tout en renforçant le sentiment d’appartenance à la Communauté francophone. L’Institut pour l’Étude de la Francophonie et de la Mondialisation, créé au sein de l’Université Lyon III en 2001, est l’embryon d’une Science Po Francophone.
Nous proposons de lui confier la création de l’Institut des Hautes Études Francophones dont le rôle sera d’accueillir les élites des pays francophones.

Êtes-vous favorable à la création d’un Institut des Hautes Études Francophones, basé à Lyon ?

F. H. : En lien avec la Conférence des présidents d’université (CPU) et l’AUF, j’étudierai la faisabilité d’un IHEF sur lequel IFRAMOND pourrait apporter son expertise. Il nous faudra néanmoins réfléchir aux modalités de fonctionnement d’une telle structure afin de ne pas l’isoler mais au contraire montrer à ses participants la richesse du multilinguisme et donc de la francophonie. Sa localisation pourrait aussi être pensée hors de nos frontières. Enfin, en période de restrictions budgétaires, la mutualisation des moyens déjà existant devra aussi être étudiée.

2.4) La Francophonie est un espace politique, culturel, c’est donc avant tout un espace humain. La création d’un "visa francophone", étudié en son temps par le ministère des Affaires Étrangères, permettrait de mieux concilier politique migratoire et francophonie, dans le respect, naturellement, des traités signés et des accords internationaux qui lient la France au sein de l’Europe. La création d’un "visa francophone", sur le modèle du visa Commonwealth, donnerait aux francophones la possibilité de se déplacer plus facilement dans la francophonie. Il constituerait une réponse adéquate à nos partenaires anglophones, montrant que la France a aussi su aménager un espace géoculturel souple et ouvert. Les procédures administratives pourraient ainsi être moins arbitraires, plus claires et simplifiées, de manière à optimiser le service rendu au public et à faciliter la vie de l’usager.

Ce "visa francophone" serait un signe tangible et concret de l’adhésion de la France à une Francophonie crédible et ambitieuse.
Ce pourrait être l’occasion de réaffirmer les liens entre la Francophonie et l’immigration et reconnaître ainsi l’apport pour la France de cette diversité culturelle et sa légitimité en terre de France.

Êtes-vous favorable à la création d’un "visa francophone" ?
Pouvez-vous prendre l’engagement de reprendre les études de faisabilité d’une telle initiative ?

F. H. : Nous reprendrons les études menées sur cette question. Je m’engage à ce que les services des visas, au sein de nos ambassades, soient à nouveau rattachés au Ministère des Affaires Étrangères et non plus au Ministère de l’Intérieur ce qui évitera l’arbitraire que vous dénoncez avec raison.

2.5) Le lancement d’une plateforme "e.francophonie" pourrait être au cœur du renouveau de la francophonie classique par la mise en œuvre d’un plan majeur de développement de la "francophonie numérique".
Les sphères d’influence passent aujourd’hui par des solutions mobiles. Le numérique francophone doit devenir un processus essentiel et puissant au service du développement de l’influence francophone (une francophonie revivifiée car utile).
Cette "force de frappe" numérique, dont les prémices ont été lancés sous ce quinquennat, serait mise au service de nos productions culturelles, intellectuelles, industrielles, commerciales d’origine française et/ou francophone.
La "e.francophonie" serait, par exemple, utilisée pour la mise en place d’actions de co-développement, via notamment des systèmes numériques d’enseignement sur le modèle de l’université médicale virtuelle francophone (co-développement avec 20 pays dans le domaine mère-enfant pour lutter contre la mortalité maternelle et infantile). Ces actions concernent les pays de l’OIF, mais aussi, dans une optique d’extension de notre zone d’influence, les pays méditerranéens et les pays fortement émergents (Brésil, Inde, Russie et Chine).
Par ailleurs, le portail "e-francophonie" pourrait permettre de participer à la lutte contre l’illettrisme et d’aider les migrants futurs peu scolarisés à l’apprentissage de notre langue et de nos modes de fonctionnement nationaux.

Êtes-vous favorable à la création d’un portail "e-francophonie" ?
Pouvez-vous prendre l’engagement de lancer les études de faisabilité d’une telle initiative, en lien avec l’OIF ?

F. H. : Cette proposition de création d’une plateforme est pertinente et devra s’appuyer sur les expériences déjà menées, notamment avec les campus numériques. Ce dossier est à travailler avec l’OIF et l’AUF, sans oublier de consulter nos partenaires québécois, très en avance sur ce type d’enseignement. Je demanderai que cette question soit portée à l’ordre du jour du sommet des chefs d’État à Kinshasa.

2.6) Pour répondre à la forte demande de français dans le monde, la formation des enseignants de français et en français ne peut être différée.
La mondialisation du XXIe siècle récompensera les pays qui auront été les plus habiles dans l’épanouissement et l’expansion de leur propre aire d’influence régionale, condition sine qua non de débouchés économiques pour les entreprises et d’enrichissement culturel pour tous. L’ouverture à marche forcée d’Institut Confucius, le développement des Instituts Cervantes dans le monde témoigne de cette compétition très ouverte. C’est à la France de jouer un rôle moteur.

Pouvez-vous prendre l’engagement, via notamment l’Institut Français, le réseau des Alliances Françaises et les médias (TV5 Monde notamment), de densifier notre réseau linguistique et culturel ?

F. H. : La formation des enseignants en français est une problématique bien réelle et influe sur la perte d’influence de la France, en nette accélération depuis 5 ans. La formation et l’éducation sont, comme vous le savez, une de mes premières priorités. Les créations de postes doivent aussi concerner les enseignants de français à l’étranger. Nous devons aussi repenser nos modes de fonctionnement tout en renforçant l’aide apportée à l’action des Alliances Françaises.

La demande d’apprentissage du français reste considérable dans le monde et a même tendance à s’accroître. La pérennité de la langue n’est en effet pas seulement un enjeu dans les pays où elle est parlée par la majorité de la population (Afrique et Maghreb par exemple). Elle l’est aussi dans les pays où l’influence française reste vive pour des raisons historiques (Vietnam, Cambodge, Louisiane). Il ne faut surtout pas les oublier. Elle l’est enfin sur tous les continents, notamment dans les pays émergents (Chine, Russie, Europe centrale, Amérique du Sud) où son prestige reste intact aux yeux des élites et des jeunes générations.

L’enseignement du français est trop souvent de type académique alors que le besoin des populations locales réside d’abord dans l’accès à l’enseignement technique et professionnel.

3 – Défendre la Francophonie… en France !

3.1) Nous avons tous en tête le festival "Francofffonies" lancé en 2006 par le gouvernement de l’époque.
Durant 7 mois, plus d’un millier de manifestations francophones ont ainsi vu le jour sur le territoire national, mêlant initiatives publiques et privées.
Dans cet esprit, et dans la droite ligne du Mois de la Francophonie lancé en mars en Rhône-Alpes (62 communes participantes, plus de 300 manifestations en 2012) et de la semaine de la langue française et de la francophonie, il nous semble pertinent de sanctuariser une grande fête de la Francophonie tout au long du mois de mars (le 20 mars est la journée mondiale de la Francophonie).
Cette manifestation nationale, relayée par les collectivités territoriales, permettrait de mobiliser les structures culturelles et associatives autour de la thématique francophone.

Êtes-vous favorable à la création d’un Mois de la Francophonie à l’échelle nationale ?
Pouvez-vous prendre l’engagement de lancer cette initiative ?

F. H. : Ma réponse sera brève : OUI au mois de la francophonie et à une grande fête les 20 mars. Les évènements dramatiques qui se sont déroulés à Toulouse ne m’ont pas permis de m’exprimer ce 20 mars, mais il serait pertinent de faire un temps fort de la francophonie dans tous les pays.

3.2) Le réseau des Maisons de la Francophonie, fonctionnant sur le modèle réussi des Maisons de l’Europe, est en cours de création. Lieux d’échanges de partage et de culture, de rencontre, de travail, de réflexion et d’action, ces Maisons abritent le siège de nombreuses associations et ONG locales ayant un lien avec la Francophonie. Ces Maisons, implantées en Rhône-Alpes, PACA, Bourgogne pour l’instant, sont aussi à l’initiative de conférences, expositions, événements autour de la Francophonie.

Pouvez-vous prendre l’engagement d’apporter votre concours et votre soutien à la poursuite de la constitution de ce réseau des Maisons de la Francophonie ?

F. H. : Oui, j’apporterai mon soutien à l’extension de ce réseau, avec l’aide de l’OIF, des réseaux d’élus (AIMF et AIRF) en accord avec les collectivités territoriales sur le terrain.

3.3) Nous proposons que les programmes scolaires, du primaire au supérieur, fassent une place à la Francophonie au travers de son histoire, de sa géographie, mais aussi de son ambition et de ses auteurs.
On sait à quel point certains enfants ou adolescents, issus de l’immigration, peinent à s’identifier à la culture française tout en étant dans l’impossibilité de retrouver leurs origines, ce qui crée chez eux un fort malaise identitaire. Sachant que la France et sa langue ont été, en grande partie, célébrées par des écrivains originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, d’Asie ou encore de Québec, la Francophonie pourrait servir de passerelle entre leurs racines parentales et leur citoyenneté présente.
Par exemple, la connaissance d’un Kateb Yacine ou d’un Sembène Ousmane, qui ont su si bien chanter les cultures africaines et françaises, permettrait aux jeunes Français issus de l’immigration de mieux appréhender leur double culture.

Pouvez-vous prendre l’engagement d’étudier l’introduction, dans les programmes scolaires, d’un volet francophone ?

F. H. : Je demanderai au nouveau ministre de l’Éducation Nationale d’intégrer cette question au sein de la problématique beaucoup plus large des programmes scolaires afin d’aider nos jeunes français, quelle que soient leurs racines, à percevoir le lien qui, à travers cette langue, nous unit à d’autres pays. Le support du livre comme vecteur de la connaissance de la langue est essentiel. Un effort est à faire pour contribuer à la diffusion des éditions françaises et des ouvrages scolaires en français dans le monde. L’action de la CONFEMEN est à renforcer sur ce point.

3.4) Un certain nombre de disciplines universitaires ont aujourd’hui tendance à adopter l’anglais (y compris des sciences "molles" comme la gestion, le management dont les concepts sont facilement adaptables en Français…).

Faisant fi de l’article 2 de la Constitution française qui fait du français la langue de la République, nous notons régulièrement une volonté de modifier la loi Toubon pour permettre aux établissements d’enseignement supérieur (grandes écoles et universités) d’enseigner totalement en langue anglaise. La charge est actuellement menée par la Conférence des Grandes Écoles.
Il est illusoire de croire que pour conquérir une part importante dans le marché mondial de l’enseignement, il suffirait de copier le modèle anglo-américain. Les bons étudiants préféreront toujours l’original à la copie.

Nous assistons déjà à l’émergence d’un nouveau critère de jugement dans les commissions de recrutement universitaire : "la capacité à faire cours en anglais", qui a peu à voir avec les capacités intrinsèques disciplinaires d’un futur universitaire. Nous assistons également à l’obligation faite par des responsables de cycles universitaires d’imposer dans les services statutaires des enseignants des cours en anglais.
Par ailleurs, des revues scientifiques en français ont été exclues de la nomenclature des revues cotées dans les procédures d’évaluation menée par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou le Conseil national des universités (CNU) !

Pouvez-vous prendre l’engagement de renforcer la loi Toubon afin d’affirmer définitivement la primauté du français sur l’anglais sur le territoire national notamment dans le monde du travail, de l’enseignement et de la recherche ?

Pouvez-vous prendre l’engagement de favoriser le multilinguisme dans l’enseignement et de rendre obligatoire le recours au trilinguisme et non au bilinguisme anglais/français quand la seule langue française n’est pas jugée suffisante, pour imposer l’enseignement à égalité de deux langues étrangères à tous les niveaux de l’enseignement du primaire au supérieur ?

F. H. : La question est multidirectionnelle et la défense du français passe aussi par l’acception d’autres langues étrangères dans l’enseignement. Une de mes premières mesures sera de rappeler à Bruxelles que le Français est la deuxième langue officielle des institutions européennes et demander à ce que ce règlement soit respecté.

En imposant un retour aux fondamentaux au sein de l’Europe, nous entamerons cette démarche qui n’a pas été défendue depuis plus de 15 ans. Je demanderai aussi l’institution d’un classement européen de nos établissements d’enseignement supérieur, projet en cours auprès de la CPU ; le classement de Shanghai laisse une part significative aux établissements anglo-saxons puisqu’il ne répertorie que les publications en anglais des chercheurs. Le même type d’actions est à mener au niveau des Nations Unies (où le français est aussi, au même titre que l’anglais, la langue officielle) et dans l’ensemble des organisations internationales.


ALF a toujours, dans les vingt ans de son existence, donné le plus large écho aux principales déclarations et aux actes - souvent divergents - des présidents de la République et chefs de gouvernement qui se sont succédé à la tête de l'État, en matière de langue française et de Francophonie. C'est donc avec le même empressement, et le même espoir inlassablement renouvelé, que nous diffusons cet entretien fort prometteur. Nos principales associations porteuses de la marche du 18 juin 2011 vont d'ailleurs demander à être reçues ensemble aussi tôt que possible par le Président de la République, puis par les principaux responsables de la nouvelle politique.
Albert Salon

Une superbe lettre de M. François Hollande sur sa politique du français et de la Francophonie

Plusieurs de nos associations avaient fait passer depuis des mois à des amis de M. Hollande proches de nous (d'ALF, de DLF, mais aussi d'autres associations, notamment de ce groupe Phénix, plusieurs fois signataire de nos appels et documents) nos propositions communes de politique du français et de la Francophonie.
M. Hollande, alors candidat, a répondu le 10 avril à Phénix cette lettre substantielle, fort intéressante, qui reprend une partie de nos analyses et propositions.
Certes, loin de rejoindre la position collective - reconnue largement comme très équilibrée et raisonnable - de toutes nos associations sur les langues régionales et minoritaires, le nouveau Président a, lors de sa campagne, annoncé aux mouvements régionalistes (soutenus par Bruxelles et l'Allemagne) qu'il demanderait au Parlement de ratifier la Charte européenne de ces langues. Sur ce point très important à la fois pour le français et pour l'unité de la République, nous ne pourrons pas l'approuver.

Mais, comme nous l'avons fait pour ses prédécesseurs, nous pouvons diffuser, citer, invoquer, en toutes circonstances qui s'y prêteront, le contenu très encourageant de cette réponse à Phénix.
Des occasions d'invocations pertinentes - et de rappels fermes - de la position présidentielle nous seront peut-être fournies par de nouvelles dérives de l'administration, des services publics, ainsi que par l'éventuelle forfaiture de tels ministres ou représentants de la France qui s'exprimeraient en anglais là où des traductions du français vers d'autres langues s'imposeraient, traductions qu'il suffirait d'exiger en invoquant les textes nationaux et internationaux en vigueur. Albert Salon


FRANÇOIS HOLLANDE

Madame, Messieurs,

Vous avez bien voulu m'interroger sur l'action que je mènerai, si je suis élu, en faveur de la langue française et de la francophonie.

Je considère que l'atout formidable que représentent plus de 220 millions de locuteurs francophones dans le monde a été négligé, voire méprisé, par l'actuel gouvernement. Dans mon discours public du 18 mars au Cirque d'Hiver, j'ai déclaré ma ferme intention de défendre notre langue, la langue française. Je veux qu'elle soit davantage promue. La Francophonie est une grande cause, non pas seulement pour la France mais pour ces 220 millions d'humains qui nous font le bonheur, qui nous donnent la fierté de parler notre langue et qui nous reprochent souvent de la défendre si mal, alors que, eux, dans des pays très lointains, parlent le français parce qu'ils veulent parler une langue de liberté et de culture.

Le prochain Sommet de la Francophonie à Kinshasa sera, si je suis élu, l'occasion d'annoncer une politique globale et ambitieuse en faveur de la langue française, conçue non comme un frileux repli identitaire, mais comme un formidable atout en matière d'influence et de rayonnement économique et culturel de notre pays.

Un des axes de cette politique sera le combat pour le multilinguisme, car parler plusieurs langues est une condition de réussite indispensable dans le contexte de la mondialisation. Je m'attacherai à ce que le service public de l'éducation favorise enfin réellement l'apprentissage de deux langues étrangères. La promotion du français et de son enseignement à l'extérieur de nos frontières sera d'autant plus crédible que nous développerons chez nous une offre diversifiée.

La France s'honorera aussi de défendre le droit pour tous de parler sa propre langue sur son territoire. Il y a dans certaines entreprises des dérives regrettables ; je veillerai, si nécessaire par des mesures législatives, à y mettre fin.

Il me sera également nécessaire de renforcer la place de notre langue dans la recherche et l'enseignement supérieur, de façon à constituer un véritable espace scientifique francophone de la connaissance, à travers des mesures très concrètes telles que l'aide à l'indexation des publications. A fortiori, en France, je veillerai à ce que les règles soient respectées dans les colloques, les publications et les cours eux-mêmes.

Très soucieux de la diversité culturelle sous tous ses aspects, je soutiendrai à ['UNESCO une initiative en faveur d'une convention internationale pour la protection et la promotion de la diversité linguistique.

Enfin, je donnerai des instructions fermes à nos représentants dans les différentes instances, à tous les niveaux, pour que l'expression dans notre langue soit respectée dans les instances européennes et internationales.
Je vous prie de croire, Madame, Messieurs, à l'assurance de toute ma considération.

francoishollande.fr
59, avenue de Ségur - 75007 Paris
T
él. : +33 (0)1 56 58 90 40 - cab@francoishollande.fr

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