2020, année des institutions de la Francophonie l’État français va-t-il enfin y porter un réel intérêt ?
Francophonie politique OIF : Le 20 mars journée mondiale de la Francophonie fête le traité de Niamey de 1970. 21 chefs d’État dont M. Pompidou, ont alors créé l’ACCT (Agence de Coopération culturelle et technique), ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). L’année 2020 marque son cinquantenaire. Elle verra aussi en octobre à Tunis le XVIIIe Sommet des chefs d’État des 88 pays membres de l’OIF.
L’histoire institutionnelle de l’OIF occulte les vrais créateurs, les militants : l’article p. 5 : "Combats associatifs pour la Francophonie" permet de mesurer leur importance.
Cet éditorial traite du seul rôle de l’État français, de ses gouvernements.
Avant l’époque contemporaine, trois facteurs furent déterminants pour créer et étendre l’espace mondial du français : la littérature ; l’essaimage chrétien, surtout catholique, des missionnaires francophones fournis en grand nombre par la France et la Wallonie ; et l’action politique et culturelle propre des rois de France, surtout François 1er, Louis XIII avec Richelieu, et Louis XIV*. La première colonisation : Canada, Inde (perdus sous Louis XV) fit partie du facteur régalien.
Voyons comment les gouvernements récents ont traité cet héritage pluriséculaire.
La IIIe République, de "Géographes", "radsoc", patriote, très laïque, des Clemenceau, Ferry, Combes, puis des Blum, Herriot, fut colonialiste (apogée : l’Exposition coloniale de 1931), mais plus pénétrée de "mission civilisatrice" que les autres impérialistes. Jusqu’à continuer à aider au dehors les "œuvres" missionnaires d’enseignement et de soins sur le budget de l’État, voire sur les fonds secrets*...
La IVe République, aux prises avec les guerres d’Indochine, puis d’Algérie, et les "non-alignés" (conférence de Bandoeng, 1955), a eu pourtant une active politique de création d’écoles, centres culturels, alliances françaises, à l’étranger.
La Ve présente, en ce domaine, deux phases : expansion, puis lent déclin. Jusqu’en 1974 : expansion forte, sous de Gaulle, puis Pompidou : paix puis coopération avec l’Algérie ; indépendances des colonies africaines, coopération généreuse avec elles, envoi massif de "coopérants" ; visite triomphale de juillet 1967 au Québec, bien suivie ; traité de Niamey en 1970 ; "force de frappe" linguistique et culturelle "tous azimuts" comme la nucléaire, avec les directeurs Jean Basdevant puis Pierre Laurent...
1974 marque une césure, symbolisée par la première conférence de presse de M. Giscard d’Estaing, en partie en anglais. Sous tous les présidents qui se sont succédé, on a constaté un intérêt moins soutenu pour la Francophonie. Discours restés favorables, mais de plus en plus teintés de "mondialisme" ; lent déclin de la coopération et de la politique culturelle au dehors : crédits et priorité francophone diminuant ; au moins le Président Mitterrand, beaucoup plus terroir et culture que ses successeurs, a-t-il contenu le mondialisme et le "globish", et a-t-il convoqué, en 1986 à Paris et Versailles, le premier Sommet de la Francophonie, le Québec y devenant "gouvernement participant".
Entre MM. Giscard et Macron, les trois présidents ont tous, en fait, glissé sur la pente évoquée. M. Hollande a mal servi la Francophonie multilatérale, et africaine, en pesant lourdement en faveur de l’élection, par le Sommet de 2014, de Mme Michaëlle Jean, gouverneur du Canada fédéral, pour succéder à l’éminent Sénégalais M. Abdou Diouf.
M. Emmanuel Macron, sur la même pente, a eu, en même temps, en son couple, le mérite de s’approprier l’ambitieux projet d’Institut de la Francophonie à Villers-Cotterêts, lancé dès 2001 par nos associations ALF et FFI. C’est encourageant et porteur, si sa réalisation en cours n’est pas détournée vers un simple musée : "das Museale", étant, écrivait Ernst Jünger, un signe de moindre créativité de notre époque.
Nous ne sommes certes plus aux temps héroïques de 1958 à 1974. Or, la Communauté francophone organisée reste non seulement une chance extraordinaire pour la France, à la hauteur de laquelle ses derniers gouvernements ont hélas été incapables de s’élever, mais une "bonne nouvelle" civilisationnelle pour l’humanité, par son immense potentiel d’échanges économiques et de coopération exemplaire pour le développement et, plus encore, de dialogue tant nord-sud qu’est-ouest des cultures et religions.
Il faut que nos gouvernements l’entendent à nouveau. À nos associations de continuer le combat pour la cause méconnue, en attendant des jours meilleurs. Ils viendront...
Albert Salon
*Cf. la thèse de doctorat d’État ès-lettres d’Albert Salon "L’action culturelle de la France dans le monde", Paris, Sorbonne 1981.