Welcome ou la démission anglomane du cinéma
cinéma américanisation welcome
La sortie du film Welcome de Philippe Lioret avec Vincent Lindon est l’occasion de faire un point sur la dérive anglomane des titreurs de films.
Quelque soit la qualité de ce film, sans doute grande, je n'irai pas le voir...
Nous étions habitués aux films états-uniens ou anglais ne traduisant plus leurs titres, comme en pays conquis, (quelques exemples récents : Last chance for love, Burn after reading, Frozen river, Of time and the city
). Nous avions également nombre de films d’autres pays dont les distributeurs se croient obligés de nous imposer leurs titres en anglais : Back soon (Islande), H-Story (Japon), Kitchen stories (Norvège), Sleep dealer (Mexique !) [Le comble du ridicule est d'ailleurs atteint quand Arte diffuse le 1er avril le film hongrois Szép nàpok,
sous le titre Pleasant days quand il s’intitule, pour les germanophones Schönen Tage !]
Nous avons maintenant une multiplication de films français se voulant tellement plus internationaux et titrant également en anglais, comme par exemple : 2 days in Paris de Julie Delpy, Home d’Ursula Meier et Thierry Spicher avec Isabelle Huppert, Hello Goodbye de Graham Guit avec Fanny Ardant et Gérard Depardieu, King Guillaume de Pierre-François Martin-Laval, LOL (laughing out loud) de Lisa Azuelos avec Sophie Marceau et donc Welcome.
Cette façon de titrer ses œuvres en anglais veut implicitement dire : excusez-nous nous ne sommes pas anglo-saxons, les seuls qui aient vraiment le droit, au fond, de faire des films, mais on essaye de se mettre au niveau. Le spectateur ainsi bien formaté finira toujours par préférer les originaux aux copies et aller voir directement les films anglo-saxons.
Il en est de même pour certaines bandes-son de films français qui sont entièrement en anglais. Le dernier cas qui nous ait été donné de voir c'est celui de Romane par moins 30 d'Agnès Obadia, agréable comédie en coproduction franco-québecoise qui se passe dans les deux pays. Pour faire découvrir la musique de l'autre, en quelle langue croyez-vous que soit la bande son ? A 100 % en anglais (non j'exagère la chanson de fin est en espagnol !), il est vrai que les québecois ne savent pas chanter, c'est bien connu !
En dehors des titres de films et des bandes-son, le mal semble plus profond. Le Monde, le 17/1/2009 titrait sur un "Record pour les films français à l'exportation" nous disant que : "[...] le record 2008 tient à un homme, Luc Besson [réalisateur, en autres, de Joan of Arc]. Parmi les quatre films les plus vus par les spectateurs étrangers, trois sortent de son entreprise, Europacorp. Il est vrai que tout avait été fait pour ça : des films tournés en anglais, sur des arguments internationaux, avec des vedettes anglo-saxonnes : le marché visé n'était en rien l'Hexagone."
Peut-être, mais si les films sont tournés en anglais avec des vedettes anglo-saxonnes et des arguments internationaux, c'est à dire se passant aux États-Unis(!),(on peut penser qu'il est également plus simple que tous les techniciens soient anglo-saxons) en quoi ces films sont-ils encore des films français ? La seule solution pour exporter des films est-elle de devenir américains ?
Cette politique de Gribouille ne fait qu'habituer un peu plus les spectateurs mondiaux à une vision unique du monde et à l'uniformisation générale des esprits. La profession cinématographique d’un des rares pays à maintenir une certaine résistance au rouleau-compresseur états-unien* semble hélas, consciencieusement, méthodiquement, scier la branche sur laquelle elle est assise ! (Comme quand elle avait attribué 7 césars, à un film, Le pianiste , tourné en anglais.)
Marc-Antoine Renard
* La part de marché des films français est d'environ 45% contre 44,5% pour les films états-uniens (alors que dans le reste de l'Union européenne la part des films nationaux est plutôt de l'ordre de 20% contre plus de 70% pour celle des films états-uniens.