Un coup d’État impérial de la Commission européenne

Un coup d’État impérial de la
Commission européenne

1) La lente préparation

Europe Brexit langue française
Un coup d’État impérial de la Commission européenne

Le Royaume-Uni avait enfin obtenu en 1973 son admission dans le Marché Commun d’alors, bien après le départ du Général de Gaulle qui y était opposé, et à la suite d’un accord conclu avec le Président Pompidou.
Cet accord comportait notamment un engagement britannique de respecter la position alors dominante du français dans les institutions européennes et d’envoyer à Bruxelles des fonctionnaires parlant le français. L’accord tint quelque temps. L’élargissement à tout va le rendit caduc. Les vagues successives de nouvelles admissions servirent les positions de l’anglais, et les gouvernements britanniques se mirent assez vite à exploiter au maximum cette chance pour leur langue et leur influence. Le besoin ressenti comme vital de la protection des États-Unis par les derniers entrants anciens membres ou vassaux de l’Union soviétique, fut déterminant dans le basculement vers l’anglais, et les gouvernements belges, luxembourgeois, et hélas français, ne cherchèrent pas à faire obstacle à ce qui devint ces dernières années une véritable hégémonie linguistique impériale.

2) Le coup d’État post-Brexit

Le Brexit voté en juin 2016 rendait cette hégémonie encore moins légitime dans une Union européenne qui est diversité linguistique, culturelle, économique et politique, protégée par la charte européenne des langues officielles et de travail de ses institutions (règlement n°1 de 1958 modifié). Cela d’autant plus que l’anglais langue maternelle passait de 16% avant le départ effectif à 1% seulement de la population totale au début de 2020, date de confirmation du Brexit, du début des négociations entre Bruxelles et Londres, et de l’arrivée de Mme Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission.    

Or, il est apparu aux yeux des nombreux partisans du maintien du statu quo ante qu’il ne pouvait être question de perdre l’hégémonie acquise au cours de décennies d’efforts opiniâtres. La Commission, suivie plus tard par le Parquet européen, prit tout simplement, illégalement et illégitimement, la décision - relevant pourtant du seul Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement de l’Union – de faire en pratique de l’anglo-américain sa "langue commune", c’est-à-dire sa langue de travail quasi unique. Cela sans soulever de véritable levée de boucliers, notamment des gouvernements, français inclus.

3) Les associations françaises se sont d’abord armées contre ce coup d’État

Avenir de la Langue française (ALF), COURRIEL, l’AFRAV et Défense de la Langue Française (DLF en Pays de Savoie), décidèrent en 2019 de créer un Haut Conseil de la Langue française et de la Francophonie, d’abord national, puis international, composé de hautes personnalités influentes, patriotes linguistiques de toutes professions et orientations politiques, afin de disposer d’une force de Résistance plus puissante et crédible que les associations, fussent-elles groupées en synergie, et de peser sur les décideurs, ainsi que, par les media, sur l’opinion publique. Après avoir réuni 20 autres associations porteuses de leur projet, elles purent annoncer le 18 juin 2020 par un communiqué de presse, la création du Haut Conseil français, comprenant 24 associations, dont toutes les plus importantes de France pour le français et la Francophonie, et une centaine de hautes personnalités. Depuis lors, à la faveur de premières actions menées, ce Haut Conseil français (HCLFF) en est venu à comprendre 29 associations françaises et plus de 140 personnalités membres, et à établir des sections en Belgique, au Québec, en Suisse romande et jurassienne, et une section "internationale" de hautes personnalités individuelles hors de ces pays, portant à 180 personnalités le total du Haut Conseil international (HCILFF). L’extension se poursuit à la faveur des actions conduites.

4) Actions du Haut Conseil et de ses associations et personnalités membres

La première action forte du Haut Conseil fut la lettre ouverte collective adressée le 14/9/2020 - et rappelée le 1er février 2021 - à l’Élysée, à diverses autorités, à de nombreux media et parlementaires. Ont répondu par diverses voies les Secrétaires d’État MM. Jean-Baptiste Lemoyne (chargé de la Francophonie) et Clément Beaune (chargé des Affaires européennes, par deux lettres au Haut Conseil du 7 décembre 2020 et 9 mars 2021). Nous avons ainsi reçu l’annonce de "mesures importantes pour le français" que le Président de la République entendait prendre lors de la présidence française du Conseil européen au 1er semestre 2022. Y sera associée l’inauguration par le Président de la Cité internationale de la Francophonie à Villers-Cotterêts, dont ALF avait lancé publiquement le projet sur place le 9 octobre 2001, et qui fut repris à notre demande par l’Élysée dès 2017.

En attendant, les retombées médiatiques ont enfin été intéressantes : articles dans Le Monde (Mme Mushikiwabo de l’OIF), L'Express (Feltin-Pallas), Libération (Quatremer), Marianne (P-Y. Bournazel, député), jusqu’à des entretiens télévisés d’Albert Salon (TV5 décembre, TVLibertés janvier, Russia Today mars), et surtout d’Éric Zemmour (CNews. février et juin 2021). Plusieurs grands articles de fond dans Causeur le 23 mars 2021, ont été rassemblés sous le titre "Langue française : la France n’est pas une région de l’Union européenne !". Ajoutons diverses citations et évocations dans plusieurs quotidiens et périodiques à l’occasion du 20 mars 2021, journée mondiale de la Francophonie. A été rapportée aussi notre dénonciation publique de l’imposition d’une une nouvelle carte d’identité à tous les Français. Prétendue "nationale", elle est en fait franco-européenne avec le drapeau européen (illégal depuis le referendum de rejet de la "Constitution Giscard" en 2005), et bilingue français-anglais. Nous cherchons à la faire déclarer illégale et inconstitutionnelle, alors même que les Allemands ont traduit la leur en anglais et en français.

Deuxième action politique, nous invitons moult parlementaires français à créer enfin un intergroupe Sénat-Assemblée sur français-Francophonie, les premiers saisis ayant été le sénateur André Vallini, ancien ministre de la Francophonie, et le député J. Krabal (Aisne : Villers-Cotterêts...) membre du Haut Conseil.

M. Jacques Krabal nous avait déjà, en 2017, apporté une aide puissante à l’adoption par l’Élysée de notre projet (de 2001), d’"Institut de la Francophonie"au château de François 1er. Ce Secrétaire général parlementaire de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), relevant de l’OIF, a écrit - dans notre sens post-Brexit - à Mme Ursula von der Leyen, à l’Élysée et à la Secrétaire Générale de l’OIF, Mme Louise Mushikiwabo.

C’est en liaison avec M. J. Krabal et l’APF, ainsi qu’avec Philippe Carron et l’association Langue française de Suisse romande et jurassienne, que nous menons notre troisième grande action politique : nous avons saisi en février-mars 2021, dans les langues respectives des pays les plus grands, des députés de tous bords politiques et de tous pays membres du Parlement européen afin d’y obtenir un débat et le vote d’une résolution contre l’imposition illégale et forcenée de l’anglo-américain "langue commune" à la Commission et au Parquet de l’Union et pour le retour au règlement n°1 de 1958 modifié, charte des langues officielles et de travail d’icelle. Dans le même but, M. Sassoli, Président du Parlement européen, et le Médiateur européen, ont été saisis par nos soins.

Action politique complémentaire : la recherche d’alliés hors de France

  1. a) En Allemagne, notre partenaire habituel, la puissante association Verein
    deutsche Sprache (VDS
    30 000 membres), sollicitée pour, d’une part,
    nous apporter des preuves en allemand de discriminations linguistiques
    subies par des Allemands lors de réunions de travail dans tel ou tel organe
    de la Commission, pour soutenir notre recours ci-dessous décrit en Tribunal européen, et d’autre part, soumettre à la Chancelière, puis à son successeur après les élections du 26 septembre 2021, la suggestion de soutenir le Président français en Conseil européen contre la "langue commune".
  2. b) Auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie
    (OIF,
    directement concernée par la place du français en Europe, et dont 14 États sur 88 sont aussi membres de l’Union européenne), afin que le Sommet francophone de novembre 2021 à Djerba se saisisse de la question du multilinguisme et du français en UE et adopte une recommandation au Conseil européen du début de 2022, sous la présidence française.

Parallèlement et en soutien à la voie politique, nos associations porteuses du Haut Conseil ont emprunté une voie juridictionnelle : un recours devant la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE). Dûment averti du très grand risque d’échec, le Haut Conseil et ses associations porteuses, dont ALF, ont jugé que l’honneur, le respect de leur raison sociale, leur interdisait de rester sans réagir en Justice à l’imposition de l’anglo-américain. Le HCILFF - simple réseau sans personnalité juridique - a soutenu l’association habilitée ALF. Celle-cia saisi le 18 mai en recours gracieux la Commission et le Parquet européen. Elle a ensuite, par son avocat, déposé le 3 août en Tribunal européen (pour la CJUE) un recours en annulation des deux décisions (du 9 juin) de rejet des recours gracieux par Mmes Ursula von der Leyen et Laura Kövesi.

L’intérêt du recours – quelle que soit son issue, c’est une question de dignité – tient aussi à la politisation et à la médiatisation que le Haut Conseil et ses associations continueront d’assurer tout au long de cette voie juridictionnelle.

Le Haut Conseil et ALF étudient aussi avec leurs avocats une action devant la justice européenne contre le "Certificat Covid de l’UE", où l’anglais occupe une place disproportionnée.

Enfin, nos associations envisagent d’organiser en mars 2022 une manifestation en France, apoliticienne, unitaire, pour demander une vraie politique pour le français et la Francophonie et le respect de la diversité linguistique et culturelle de l’Europe et du monde. Si le rétablissement réel et efficace de l’équilibre post- Brexit des langues de travail des institutions européennes en cause, est annoncé alors par le Président de la République, nous ne manquerons pas de saluer comme il se doit, ainsi que l’inauguration de notre projet à Villers-Cotterêts, ce beau geste régalien, à la fois culturel, de grande politique, civilisationnel.

Nous avons maintenant : un actif réseau d’associations et de hautes personnalités, une volonté commune, ALF au secrétariat général du Haut Conseil, des experts, un avocat spécialisé, des crédits votés, et une ouverture plus grande des médias.

Nous avançons...Haut les cœurs !

Albert Salon, docteur d’État ès lettres, secrétaire général du Haut Conseil, fondateur en 1992 et maintenant président d’honneur d’Avenir de la Langue française (ALF).
Fait à Paris le 2 septembre 2021

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