Proposition de modification de la loi sur la langue française (suite)

Proposition de modification de la loi
sur la langue française (suite)

par Guy Dalens


Guy Dalens a fait une proposition de modification de la loi sur la langue française (dite "Loi Toubon") [ Texte de la proposition ]

Il répond ici aux remarques de 3 intervenants : Jean Marie Rouart, Kléber Rossillon, Christian Philip.


Jean Marie Rouart (message du 17 juillet 2023 envoyé à Albert Salon)


Cher Monsieur l’Ambassadeur, même si je ne le manifeste pas assez, je tiens à vous féliciter chaleureusement pour les efforts inlassables que vous menez –quasiment seul- en faveur de notre malheureuse langue française. Ce sera bientôt une langue morte. Je trouve votre projet tout à fait louable et passionnant. À un détail près.
Il faut éviter qu’il devienne une loi punitive. Je ne suis pas favorable à l’idée des amendes. En revanche qu’un contrat passé en franglais ou en écriture inclusive soit caduc me paraît une formule plus opérante. Encore bravo pour tout ce que vous entreprenez. Je vous félicite chaleureusement.

Réponse
Quand on veut faire l’amour il faut accepter l’odeur âcre de l’accouplement. Il n’y a pas d’échappatoire.
La concurrence entre les langues est une autre réalité ; implacable et mortelle pour celle qui ne veut pas lutter ou n’a plus la force ou la volonté de combattre. Alors elle disparaîtra ou deviendra une langue morte.
C’est là où veut nous amener le monde anglo-saxon ; il est en train d’y parvenir avec l’appui de notre élite dévoyée, à tous les niveaux.
Dans ce combat nous ne pouvons plus nous permettre de faire de l’art pour l’art, agir en gants blancs. C’est ce que faisait autrefois le droit de la concurrence ; il était beau dans sa jurisprudence. Mais les responsables se sont progressivement aperçus qu’il fallait des sanctions pécuniaires à l’appui de leur jurisprudence pour être efficace.
Je partage ce point de vue.
Sur ces prémisses, vous comprendrez pourquoi j’estime que le contenu de votre message n’est pas cohérent On ne peut à la fois soutenir que la langue française est en train de crever et refuser les moyens pour la sauver.
Il n’y a que la jument de Roland pour posséder toutes les vertus dans le non-être.


Kléber Rossillon (message du 11 juillet 2023 adressé à Albert Salon)

Une proposition de loi doit s’appuyer sur un état des lieux pour proposer des articles qui constituent des avancées par rapport à la loi actuelle mais pas des bouleversements qui ne passeront jamais.
On ne peut pas obliger les écoles de commerce à enseigner en français dans la
situation actuelle.
Mais en obligeant les contrats commerciaux à être intégralement en français et en le faisant respecter, on peut inverser une tendance.

Réponse
L’auteur paraît vouloir rester dans le cadre de la loi du 4 août 1994, dite loi Toubon.
Ce n’est pas ma position pour les raisons exposées dans mon introduction.
Rester dans les mêmes ornières a son charme mais aussi l’inconvénient de figer les situations.
L’état des lieux a été fait et refait depuis longtemps et il eût été redondant de recommencer.
Obliger les écoles de commerce à faire les cours  en français relève de l’intérêt général et de la loi. Pas de l’intérêt particulier.
Ma proposition de loi n’apporte pas de bouleversements comme vous paraissez le penser. Elle se borne à gommer les faiblesses de la loi actuelle et de proposer des solutions :

  • Les sanctions trop faibles, peu efficaces.
  • Sortir de l’ombre le rôle de l’Académie française.
  • La création d’une Autorité de la langue française chargée de centraliser les actions dans ce domaine et d’en tirer une jurisprudence homogène.

La clarification des articles 6 colloques) et 8 (et 11 de la loi de 1994) est nécessaire.
Certaines pratiques (Colloque et Enseignement universitaire en anglais) cherchent à imposer de nouvelles règles dérogatoires à une loi d’ordre public.
Une dérogation n’a pas vocation à perdurer, sinon elle s’incruste lentement pour devenir subrepticement une règle.
La tolérance excessive à l’égard d’une langue étrangère fusse-t-elle dominante est discriminatoire et n’est pas acceptable.
Ce n’est pas à la langue française de plier le genou devant la langue anglaise sur notre territoire, car c’est bien d’elle dont il s’agit.
La loi française n’est pas là pour défendre la langue anglaise en France pour complaire à des professions particulières.
Celle-ci est bien assez grande pour se défendre sans qu’on lui donne un coup d’épaule supplémentaire, alors qu’elle cherche depuis longtemps à nous détruire, patiemment, méthodiquement.
L’exemple de ce qui s’est passé (et qui se passe) à Bruxelles est significatif.
Alors qu’elle était l’une des premières langues de travail de la communauté, sinon la première, la langue française a été progressivement écartée au profit de l’anglais. En une vingtaine d’années (1975-2000), les Anglais ont éradiqué le français, l’italien, l’allemand les langues de travail des pays fondateurs de la communauté. Et cette situation s’est encore aggravée avec la politique pratiquée par la Commissaire allemande actuelle. Malgré le départ des Anglais de la communauté, on veut continuer à nous imposer de travailler dans la langue anglaise comme s’il n’y avait pas suffisamment d’autres langues en Europe pour échanger et pour vivre.
Il suffit.
Depuis les serments de Strasbourg échangés au IXe siècle entre les petits-fils de Charlemagne, la langue française mène un combat pour durer, se maintenir à son rang.  Aucune raison de s’arrêter dans ce combat à mort.


Christian Philip (message du 12 juillet 2023 transmis par Salon)
Accord sur l’essentiel du texte.
Ceci dit : pour les colloques obliger les Français à s’exprimer en français. Difficile de l’imposer à des étrangers ne parlant pas français et qui seront traduits.
Pour l’enseignement dire comme aux Pays-Bas 2/3 en français.
À la publicité ajouter les logos des collectivités locales.

Réponse
Le logo est un support. Il figure déjà dans mon texte : "Toutes publicités, quels que soient les supports …)".
Ma proposition se borne à poser les principes de la loi et n’entend pas rentrer dans les détails, abordables à un autre stade de la discussion.
La réponse sur les colloques est déjà faite (voir ci-dessus).
Je rappelle que l’article 6 de ma proposition prévoit un service d’interprétation.
Ainsi, le malheureux étranger perdu dans la jungle française, pourra suivre les débats sans difficulté.
Un texte juridique n’est pas fait pour tomber dans la compassion en faveur de la langue anglaise.

Guy Dalens
est membre d’Avenir de la Langue française et du Haut Conseil international de la langue française et de la francophonie


Rappel de la Proposition de modification de la loi sur la langue française de Guy Dalens

 Vu l’article 2 de la Constitution de 1958 modifiée.

Article 1er

Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France.
Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics.
Elle est le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie.

Article 2 : Autorité et agents chargés
de l’application de la loi et sanctions

Une Autorité de la langue française est instituée.
Elle est chargée de réprimer les infractions à la loi sur la langue française.
Elle peut se saisir d’office. Elle peut être saisie par le ministère de l’Économie, le ministre de la Culture, l’Académie française, les entreprises publiques ou privées, les collectivités territoriales, les syndicats, les organisations agréées de défense de la langue française ou de consommateurs, les associations de défense de la langue française qui peuvent se prévaloir d’actions dans ce domaine, les chambres de commerce et d’industrie.
En cas d’infraction à la loi, elle peut infliger une sanction pécuniaire.
Si le contrevenant est un particulier, le montant maximum de la sanction est de trois millions d’euros. Si le contrevenant est une entreprise, le montant maximum et de 10% du chiffre d’affaires.
L’Autorité peut décider que sa décision sera publiée.
L’Autorité peut être consultée par l’administration.
Les agents de la Direction de la concurrence et de la consommation (D.G.C.C.R.F) sont habilités à rechercher les infractions à la loi sur la langue française. Ils agissent de leur propre chef ou sur demande de l’Autorité.
Les infractions sont relevées par procès-verbal ou font l’objet d’un rapport. Ils sont transmis à l’Autorité.
Dans tous les départements où est installée la D.G.C.C.R.F, une cellule est organisée ; elle est composée d’au moins deux agents ; ceux-ci sont spécialement chargés de la recherche des infractions à la langue française.

Remarque :
Disposition qui s’inspire étroitement du droit de la concurrence portant sur les pratiques anticoncurrentielles par la création d’un Autorité particulière et par les sanctions.
La création de l’Autorité de la langue française est le pivot de la loi nouvelle.
Les sanctions sont dissuasives et la recherche des infractions est centralisée vers un organisme unique.
En inscrivant au début de la loi les dispositions de l’article 2, le contrevenant voit tout de suite les risques auxquels il s’expose.

 

Article 3 : Académie française et Commissions de terminologie

Les Déclarations de l’Académie française sur la langue française ont valeur normative et s’incorporent à la loi sur la langue française.
Ainsi la Déclaration de l’Académie française sur l’écriture inclusive du 29 octobre 2017 a pour conséquence d’interdire cette écriture en France. Le contrevenant s’expose donc aux sanctions de la loi sur la langue française.
Les termes retenus par les Commissions de terminologie sont obligatoires dès qu’ils ont été entérinés par l’Académie française.

Remarque :
L’Académie française est une des sources du droit de la langue française.
Les statuts de l’Académie française signés par Richelieu disposent en son article XXIV :  "La principale mission de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences".

Article 4 : Publicité

Toutes publicités, qu’elles que soient les supports utilisés ou les lieux, doivent être rédigées en français.
Dans le cas où la langue française est utilisée avec d’autres langues, la langue française doit être nettement prédominante par la taille des caractères employés.

Remarque :
Cette disposition reprend d’une manière synthétique les articles 2,3 et 4 de la loi actuelle et les ramènent à l’essentiel. Si on tient à garder le contenu desdits articles, il convient de les reprendre dans un décret ou une circulaire interprétative.

 

Article 5 : Contrats

Tous les contrats passés en France doivent être rédigés en français.
Ils ne doivent pas contenir de termes étrangers.
Dans le cas où le contrat est conclu avec des personnes étrangères, ledit contrat peut comporter des versions dans la langue de ces personnes.

Remarque :
Des passages du texte actuel sont supprimés car inutiles et encombrent l’essentiel.
Sur le rôle de l’Académie française, ce point est reporté à l’article 3 ci-dessus.

 

Article 6 : Colloques, congrès, manifestations

Les colloques organisés en France sont tenus dans la langue française.
Les intervenants doivent s’exprimer dans la langue française.
Ils peuvent être accompagnés d’un service d’interprétation.
Les documents distribués avant ou pendant la réunion doivent être rédigés en français. Ils peuvent être accompagnés de traductions.

Article 7 : Revues, publications

Les entreprises qui bénéficient de subventions publiques sont tenues de respecter la loi sur la langue française.

Article 8 : Enseignement

La langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que les thèses et mémoires dans les établissements publics et privés est le français.
Les écoles étrangères accueillant des élèves de nationalité étrangère ne sont pas soumises à cette obligation.
Les écoles de commerce sont tenues de faire les cours dans la langue française.
Les enseignants et responsables d’université qui ne respectent pas la loi sur la langue française, dont le fondement est l’article 2 de la Constitution de 1958, tombent sous le coup des sanctions de l’article 3 ci-dessus (le montant maximum de la sanction pour un particulier est de 3 millions d’euros). En outre, ils s’exposent à l’exclusion de l’université.

Article 9 : Marques

L’emploi d’une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d’une expression ou d’un terme étrangers est interdit, dès lors qu’il existe une expression ou un terme équivalent dans la langue française.
Le non-respect de cette disposition entraîne les sanctions de l’article 3 ci-dessus.

Article 10 : Subventions

L’octroi par les collectivités ou les établissements publics, de subventions de toute nature, est subordonné au respect de la présente loi.
Le non-respect de cette disposition entraînera la restitution de la subvention et des sanctions prévues à l’article 3 ci-dessus.

Article 11 : Relations avec l’Union européenne

Dans ses relations avec l’Union européenne, les fonctionnaires ou agents représentant la France doivent s’exprimer, parler et écrire en français.
Les dossiers transmis à l’Union européenne  sont rédigés en français.
Les dossiers transmis par l’Union européenne non rédigés en français ne sont pas traités par les autorités françaises ; ils doivent être retournés immédiatement à l’Union européenne.
Le non-respect de cette disposition est sanctionné :

  • par l’exclusion de l’agent fautif de l’instance à laquelle il participe ;
  • pour faute disciplinaire au regard du statut de la fonction publique ;
  • par les sanctions prévues à l’article 3 de la présente loi.

Remarque :
Disposition nouvelle qui rappelle que l’agent qui représente la France doit respecter sa propre langue.
Outre les sanctions de la présente loi en tant que particulier, il peut être poursuivi au titre des sanctions du statut de la fonction publique.

 

Article 12

La présente loi est d’ordre public.

Guy Dalens, membre d’Avenir de la Langue Française et du Haut Conseil International de la langue française et de la francophonie

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