Pinocchson et nos médias ou la mort d'un chanteur utilisée comme matraquage publicitaire colonial
Michael Jackson chanson américanisation colonisation
Pinocchio, pantin désarticulé, émouvait parce qu’il voulait être homme.
Michael Jackson a ému parce qu’il voulait être et chanter tous les humains de tous sexes, races et couleurs.
Mais la mise en scène de sa fin, de ses obsèques, puis de son culte, sous l’énorme nuage de la mousse médiatique et de l’affairisme américain, a dû déranger beaucoup de gens dans le monde victimes malgré eux de cet épandage. Notamment en France, où Mme Lagarde a eu le courage, que je crois représentatif d’une bonne partie de l’opinion, de prendre calmement ses distances.
Alors que nos médias, les télévisions publiques en tête, ne se sont pas contentés de suivre l’exemple des médias américains et plus largement occidentaux : ils en ont « rajouté » pendant plus d’une semaine! Jusqu’à l’apothéose le soir de l’enterrement : alors que la BBC World et la Deutsche Welle, tout en faisant une large place à la cérémonie, ont tenu à parler aussi, dans leur créneau horaire, de ce qui se passait ailleurs qu’à Los Angeles, France 24 et la publique France 2 n’ont parlé d’autre chose qu’en dehors du temps normalement imparti aux informations du jour.
Ce qui eût dû, en ramenant les choses à leurs justes proportions, ne prendre que deux à trois minutes des "infos", et faire l’objet de programmes spéciaux hors "20 heures" plus développés à destination des jeunes et autres "fanas" du chanteur, a en fait occupé toute la demi heure !
Cela va bien au-delà du désir compréhensible de nos médias de couvrir l’actualité, au demeurant plus "jeune-occidentale" que mondiale.
Cela rejoint ce que nos associations dénoncent périodiquement : l’utilisation du précieux temps d’antenne du journal télévisé pour présenter et "vendre" pendant de longues minutes des chanteurs, danseurs, acteurs, cinéastes, voire boxeurs, américains avec de larges extraits de leurs œuvres.
Comment cette publicité à peine déguisée sous l’ "info culturelle" est-elle payée ?
Une commission parlementaire devrait se pencher sur cette question.
Du reste, il n’est pas tout à fait exclu que l’on découvre que la corruption, ou la simple illégalité des ressources ainsi procurées (à qui ?), n’est qu’accessoire, et qu’il s’agit surtout d’un conformisme des médias et de trop de nos "élites" dans l’auto-vassalisation à l’égard de l’Empire du moment. Ce qui rejoindrait la vaste offensive en cours tendant à abaisser la France et à la soumettre à un modèle que la crise a pourtant dévalorisé, au monde anglo-saxon, à ses intérêts et à sa langue.
Car enfin, au cours de cette folle période, "on leur en a fait bouffer", à nos Français, encore plus qu’aux autres Européens : la saga du chanteur, les pompes et paillettes, les hystéries et vices américains, les "pipoles" d’Outre-Atlantique et américanisés de chez nous, les chansons en anglais, et les commentaires à peine traduits, comme si notre destin était de vibrer à l’unisson des Américains, de devenir des sujets de ce qui prétend - encore - être un empire mondial.
Peut-être nos Français en ont-ils eu une indigestion ? Peut-être vont-ils finir par comprendre ce qui est en jeu ? Et ruer dans les brancards?
Espérons !
Albert Salon, docteur d’État ès lettres, ancien ambassadeur