Le Sommet francophone d’Erevan et nous

Le Sommet francophone d’Erevan et nous

 

Francophonie politique OIF Arménie

Nous : nos associations promeuvent avec ténacité depuis plusieurs décennies le français et la Francophonie. Elles ont fortement contribué avec nos amis parlementaires à l’inscription dans la Constitution française : en 1992 du français langue de la République, puis en 2008 de la Communauté francophone mondiale, aujourd’hui structurée dans l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Elles se réjouissent que des dizaines de chefs d’État et de gouvernement des "pays ayant le français en partage" ont pu tenir une 17ème réunion de leur Sommet biennal les 11 et 12 octobre à Erevan, Arménie. Le premier fut réuni en février 1986 à Paris et Versailles par le Président François Mitterrand. Celui, très important aussi, de 1997 à Hanoï, donna à l’OIF ses structures actuelles. Il la dota d’un Secrétariat général, dont le premier responsable fut le distingué Égyptien Boutros Boutros-Ghali, dont les États-Unis venaient d’obtenir le remplacement à la tête de l’ONU. Son seul digne successeur fut Abdou Diouf.

Le Sommet d’Erevan ne saurait être qualifié "historique" comme ceux de 1986 en France et de 1997 au Vietnam. Sur son thème "Vivre ensemble", son contenu, ses résultats, nos lecteurs liront les deux articles de Farhat Othman et Yves Montenay, en page de ce bulletin.

Ici, il ne sera question que de nos attentes non satisfaites, de la vive déception ressentie : L’importance de la réunion des Chefs a été presque occultée par l’hommage festif et collectif – certes intéressant - rendu à Charles Aznavour(ian). Nous déplorons l’élargissement continu, vers une sorte d’ONU bis, sans approfondissement corrélatif, alors que le budget de la coopération multilatérale en OIF, et même de la coopération bilatérale, reste au mieux stable. Le cas du nouveau membre l’Irlande donne à penser que l’on pourrait faire entrer la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui pourraient faire valoir de meilleurs arguments que bien d’autres membres actuels… Comble de la plaisanterie, alors qu’on laisse à la porte Israël, membre de l’ONU, avec des centaines de milliers de francophones maternels dans sa population, de peur d’indisposer - voire de faire fuir - des membres arabo-musulmans…Nous avons depuis longtemps souligné – aussi à nos responsables – que favoriser l’élection de la ministre rouandaise Mme Louise Mushikiwabo était une grave erreur de calcul, et une faute politique.

L’importance de la Francophonie économique, jamais reconnue dans les faits, sabordée par "DSK" lors de la conférence ministérielle de 1998 à Monaco, qui devait mettre en œuvre les décisions pertinentes prises en 1997 lors de l’important sommet de Hanoï, reste en fait ignorée malgré diverses déclarations récentes et les rapports de Jacques Legendre, Jacques Attali et de Pouria Amirshahi. L’occasion pour un réaménagement du statut des langues officielles dans les institutions de l’UE fournie par le Brexit, a certes, notamment à la suite de nos pressions multiples et grâce au Secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, été - Oh ! Très très prudemment - évoquée à Erevan, en Conférence ministérielle de la Francophonie, deux jours avant le Sommet des Chefs, mais ne l’a plus été, les 11 et 12/10, officiellement à leur niveau.

Tout cela amène nos associations, et beaucoup d’observateurs, à se poser des questions sur l’existence d’une réelle volonté politique française de faire réussir la Francophonie, potentiel unique, fabuleuse chance pour la France (de même que son domaine maritime et ses DROM-COM, eux aussi insuffisamment protégés et développés), et surtout pour les autres pays membres, et pour la civilisation et l’humanisme dans le monde.

Or, surtout à gauche, les adversaires du Président de la République propagent, de plus en plus vigoureusement depuis l’élection présidentielle de 2017, l’image complotiste osée d’une oligarchie mondialiste, surtout anglo-saxonne, ayant, avec l’aide de "collabos de la pub et du fric" (Michel Serres) que la France a toujours produits en nombre, propulsé M. E. Macron à la tête de la France pour la détruire. En cause est alors la colonne vertébrale de la France : l’État, vers lequel - et vers son chef - nos compatriotes sont habitués depuis des siècles à se tourner pour la conduite de leur destin collectif.

Donc déboussolés et profondément déstabilisés, si on réussit à leur faire croire que le chef de l’État, clef de voûte de nos institutions, pourrait être activement complice, voire exécuteur efficace, d’un plan de destruction d’une France et d’une Francophonie gênantes pour l’Empire. Ces détracteurs féroces invoquent les graves affaires d’Alstom et d’autres fleurons industriels amenés à s’effacer devant la concurrence anglo-saxonne ou germanique. D’autres agitent les rumeurs douteuses d’abandon de notre industrie nucléaire militaire et civile, ou de notre siège au Conseil de Sécurité de l’ONU, ou encore l’instauration d’un vote transfrontières aux élections européennes. Mais le peuple français pourrait être encore mieux convaincu d’une forfaiture ou trahison de son État, si les injustes détracteurs savaient mieux utiliser et monter en épingle les indices tangibles et fortes présomptions allant déjà dans le sens du grand remplacement chez nous, par l’anglo-américain, de la langue française qui est l’histoire de la France, son ressort, et son âme.

Car, chez nous, comme l’État, notre langue est le premier fil qu’il faut tirer pour détricoter le tissu national. Dans le sens également de l’abandon de nos cousins francophones en Afrique et ailleurs, ainsi que de la Communauté francophone mondiale organisée (OIF) dont le Secrétariat général vient d’être confié au Rouanda). Dans ces domaines culturels vitaux, la crainte populaire d’une sorte d’OPA progresse. Conscience croissante pouvant s’étendre à d’autres domaines. Comprenant enfin qu’il est dépossédé, dépouillé d’intérêts fondamentaux et de sa personnalité, le peuple pourrait sans doute avoir une de ces réactions qu’il a eues dans sa longue histoire et se lever à l’appel…de qui, à faire quoi ?...

Il convient de tout faire pour éviter que les Français ne soient amenés à croire à la pertinence de toutes ces "odieuses accusations "!

Albert Salon

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