Langue française – nouvelles d’avril 2022 (2)

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Le Devoir La lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick ne peut être unilingue, tranche la Cour (15/4) (lien)
Français à l'étranger Le français est la 5e langue la plus parlée au monde (9/4) (lien)
Impératif français décerne son Prix Citron au Parlement canadien et à Air Canada (8/4) (lien)
DGLFLF : Le nouveau Vocabulaire de l'éducation et de la recherche est paru (lien)
Nadia Antonin : Le projet pour l’égalité des langues en Europe (ELE)

Le projet pour l’égalité des langues en Europe (ELE)
par Nadia ANTONIN
du 7 au 9 février 2022, s’est tenu le forum "Innovation, technologies et plurilinguisme". Ce forum, organisé par le ministère de la culture via la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), s’inscrivait dans la continuité de la réflexion sur la traduction et le multilinguisme menée dans le cadre du programme de travail des ministres de la culture de l’Union européenne (UE). Il avait pour fil conducteur "le
plurilinguisme dans l’environnement numérique : un enjeu de cohésion sociale et de citoyenneté européenne".
Au programme figuraient quatre thématiques :

  • Le plurilinguisme et la traduction dans une Europe de la culture et de la connaissance face au défi du numérique ;

L’apprentissage et l’enseignement des langues en Europe, leur promotion et leur attractivité par l’innovation numérique Le traitement automatique du langage, la disponibilité des contenus scientifiques, la collecte, l’évaluation et le partage des ressources linguistiques numériques, avec les acteurs des mondes scientifiques, de la recherche et de l’entreprise ;

  • Les technologies du langage, au service du citoyen européen, pour promouvoir les valeurs de l’UE et un sentiment d’appartenance commune.

Parmi les nombreuses interventions, nous avons choisi d’évoquer dans cet article le projet de l’Union européenne pour l’égalité des langues en Europe (ELE) qui nous a été présenté par Joseph Mariani (directeur de recherche au CNRS/IMMI et LIMSI) et François Yvon (chercheur au LISN/CNRS). Ces derniers définissent l’égalité des langues dans l’espace numérique comme "la situation dans laquelle toutes les langues disposent de technologies linguistiques et d’un contexte social, économique et institutionnel qui leur permet de continuer à exister et prospérer avec vitalité à l’ère numérique".

META-Net et les langues européennes
"Le réseau d’excellence META-Net apporte une contribution inestimable à l’élaboration d’une véritable stratégie européenne en faveur du multilinguisme […]
Xavier North, inspecteur général des affaires culturelles

META-Net, le réseau Alliance Technologique pour une Europe multilingue comprend actuellement plus de 50 laboratoires de recherches dans le domaine des sciences et technologies de la langue[1],
dans une trentaine de pays. Ce réseau d’excellence a analysé l’état des ressources et des technologies de la langue dans une collection de Livres blancs "Les langues de l’Europe à l’ère du numérique" sur chaque langue de ces pays, chacun de ces Livres blancs étant rédigé dans la langue concernée et traduit en anglais.
Dans le Livre blanc intitulé "La langue française à l’ère du numérique", les auteurs rappellent que le multilinguisme est "une donnée essentielle de la construction européenne. Il est primordial d’assurer à chaque citoyen européen la possibilité d’utiliser sa langue maternelle et à chaque État européen la capacité de préserver sa culture [ …] peut-on accepter de voir disparaître des langues européennes et les cultures dont elles font partie ?".
Alors que l’anglais dispose de nombreuses ressources et technologies, la majorité des autres langues souffrent d’un manque de support technologique.
Ainsi, les Livres blancs cités précédemment signalent que "21 langues européennes sont en danger d’extinction numérique".

Vers l’égalité des langues en Europe
Le 11 septembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution sur l’égalité des langues à l’ère numérique, à partir d’une étude commandée par le Comité d’évaluation des choix scientifiques et technologiques du Parlement.
Dans cette résolution, il est notamment question de déterminer les moyens les plus adaptés pour parvenir à l’égalité totale des langues à l’ère numérique à l’horizon 2030 et d’élaborer un programme stratégique de recherche, d’innovation et de déploiement en faveur du marché unique numérique multilingue.
Le projet des langues européennes, coordonné par le Centre de recherche irlandais sur le contenu numérique (ADAPT Center), implique non seulement les partenaires du consortium ADAPT Centre, le Centre allemand de recherche en intelligence artificielle (DFKI), l’Institut du traitement des langues et des discours (ILSP) mais également 52 partenaires issus de l’industrie, de la recherche et de nombreux réseaux transnationaux. Le consortium part du principe que l’égalité linguistique numérique ne sera atteinte que lorsqu’une langue ne sera plus sous-financée.
La majorité des langues ne disposent pas de ressources technologiques.
Qu’en est-il pour la langue française ?

Les ressources technologiques pour la langue française
Comme le souligne la DGLFLF, "les technologies de la langue constituent pour les pouvoirs publics une question d’intérêt général : elles contribuent à l’amélioration de la vie quotidienne des français, au développement de l’économie et au renforcement des échanges. Ces technologies permettent de multiples applications telles que la traduction automatique et l’aide à la traduction, la reconnaissance vocale et les commandes vocales ou la synthèse vocale. Il s’agit d’assurer au français une place significative dans ces technologies en tant que langue pivot, mais aussi de développer des nouveaux outils pour
les langues de France dont l’équipement technologique demeure faible
".
Concernant les technologies de la langue pour le français, Joseph Mariani et François Yvon dressent un constat qui révèle notamment :

1) La forte dynamique dont bénéficient les technologies linguistiques ;
2) Les avancées de l’intelligence artificielle et du développement rapide de la technique d’apprentissage profond ;
3) L’existence de multiples sources de données, inégalement activées, archivées, référencées et documentées.
Grâce aux nombreux projets relatifs à la production des données nécessaires au développement des technologies pour la langue française, cette dernière se situe à une excellente place au sein d’un peloton qui rassemble l’allemand, l’espagnol, l’italien et le néerlandais, mais se trouve loin derrière l’anglais.
Cela étant, bien que les technologies de la langue aient fait des progrès considérables au cours de ces dernières années, les auteurs du Livre blanc sur la langue française soulignent que le "rythme actuel du progrès technologique est trop lent".
La question de la Francophonie et l’importance du traitement automatique de la langue française pour assurer son usage et garantir son devenir doivent être une priorité face au défi du numérique.

A cet égard, Joseph Mariani et François Yvon font les recommandations suivantes :
1) Améliorer le recensement et la diffusion des ressources langagières ;
2) identifier et développer les outils de traitement de la langue comme les outils de traduction performants entre le français et toutes les langues européennes ;
3) systématiser l’évaluation des technologies dans des conditions réelles ;
4) renforcer la recherche pluridisciplinaire pour préparer les technologies et les usages de demain.
En conclusion, pour contrecarrer l’usage généralisé de l’anglais dans les environnements numériques et préserver l’avenir de la langue française, la France doit accélérer et  amplifier ses efforts et mettre en œuvre les moyens nécessaires pour développer les nouvelles technologies du langage et de la traduction, les outils du numérique et  ’intelligence artificielle.

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