La guerre au français de Marie-Hélène Verdier

La guerre au français de Marie-Hélène Verdier

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La guerre au français

Le titre du livre est explicite. Nous sommes en guerre : linguistique, culturelle, politique. L’ennemi, on le connaît : un courant de déconstruction, né chez nous dans les années 70, renforcé aux États-Unis ("alliés et ennemis de toujours" disait François Mitterrand) depuis une vingtaine d’années, auquel se joint un Canada multiculturel fluid gender, avec l’aide, partout "des collabos de la pub et du fric" (Michel Serres), sans oublier la contribution active de nos institutions européennes. En témoigne l’écriture inclusive, championne d’exclusion, au nom d’un égalitarisme révolutionnaire, qui fait rage actuellement, comme le montre brillamment Marie-Hélène Verdier dans les pages qu’elle consacre à ce fléau.

Elle nous rappelle quelques évidences. Née du latin, la langue française est intimement liée à notre histoire, et s’est développée avec l’écrit. Son acte de naissance est le Serment de Strasbourg (842). L’Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) est toujours en vigueur. Une langue n’est donc pas un lieu de combat idéologique. De ces dates gravées dans la chair de France, découlent des conséquences : d’abord, l’orthographe française n’est pas phonétique mais étymologique ; la Nouvelle orthographe (N.O.) venue du Canada, ne saurait faire loi : elle est une tolérance. Deuxièmement, le genre grammatical n’est pas le sexe, et le masculin "n’exclut" pas le féminin : il a une valeur extensive. Troisièmement, la suppression du circonflexe et l’ajout d’un appendice e aux mots pour les féminiser est un ovni linguistique. La lettre e, en effet, n’est aucunement un suffixe féminin comme en témoigne notre lexique. Une femme "médecin" n’est donc pas "votre médecine."

Contre ce rouleau compresseur du progressisme, nos associations et le Haut Conseil international de la Langue française et de la Francophonie ont lancé une campagne médiatique et politique afin que notre Président s’oppose à l’imposition illégale et illégitime — post Brexit ! - de l’anglais comme langue commune, à la Commission et au Parquet européens. Certes, business is business, mais faudrait-il oublier que, si la langue française a eu pour vocation d’être la langue diplomatique, c’était pour des raisons sérieuses et pérennes : clarté dans l’expression des idées, précision et concision, langue de culture qui a forgé l’Europe ? Sont donc entrés dans ce combat pour notre langue deux preux valeureux Marie-Hélène Verdier — non "preuse", n’en déplaise à certaines féministes ultra – et Alain Borer, auteur du beau livre "De quel amour blessée…" qu’aime citer l’auteur de la Guerre au français. Ces compagnons d’armes, poètes aventuriers familiers de Rimbaud, ont pour seule épée leur amour de la langue, et sa connaissance. Férus de grec et de latin, ils ne sont ni des Trissotin ni des précieux mais des guerriers de la beauté, de l’intelligence, de la culture. Enracinée, pour sa part, en terre d’oc et en terre d’oïl — Provence, Auvergne, Île-de-France — Marie-Hélène Verdier ferraille dans ce livre avec allégresse et constance. À fleuret pas toujours moucheté, elle cible les ennemis de la langue dans un style vif, volontiers elliptique, usant de l’ironie, désabusée parfois, il est vrai, devant l’inaction de certains, tout comme elle n’hésite jamais à monter au créneau dans les journaux en ligne pour sonner l’alarme, inlassablement, avant qu’il ne soit trop tard. À ma recension, elle a souhaité ajouter que, comme Aragon dans Les yeux d’Elsa, dont elle cite l’admirable texte "La leçon de Ribeirac", elle sait que le moment est venu d’"entrer en résistance.". Elle sait aussi que si notre langue est, par construction, ouverte à l’autre, elle n’est pas la langue "archipélique du Tout Monde" comme en témoigne "son" François Cheng, longtemps son voisin sur la Montagne Sainte Geneviève.

En exergue à son essai, l’auteur a mis l’alexandrin célèbre de Du Bellay qui participa à la Défense de la langue française : "France, mère des arts, des armes et des lois". Son livre est un appel vibrant à la responsabilité de nous tous, des politiques, en premier. La langue française, inscrite dans l’article 2 de la Constitution, garantit, en effet, l’unité du pays. Quand prendra-t-on conscience en haut lieu que notre langue, faite pour rayonner à l’étranger, se doit d’être forte à l’intérieur. Or, on ne la maîtrise plus à l’école : l’unité de notre pays est donc en jeu. Oui, foin de la déploration, de l’indifférence, du mépris ; en guerre, l’heure est à l’action !

Albert Salon

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