La France et la guerre des langues : où en sommes-nous ?

La France et la guerre des langues : où en sommes-nous ?

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L’essayiste Henri Gobard et le paladin de la Francophonie Philippe Rossillon (années 1960), François Mitterrand peu avant sa mort en 1996, divers observateurs français (Claude Hagège, Michel Serres…), européens, africains, américains, et nos associations qui se battent depuis quatre décennies pour le français et la Francophonie, ont en commun une sérieuse analyse : une guerre est faite à la France. Particulièrement à la langue française, parce qu’elle est depuis longtemps, et reste, à la fois un des principaux facteurs d’unité du pays encore indocile que Condoleeza Rice recommandait de "punir", et une rivale principale de l’anglo-américanie en langue et culture, en civilisation et conception du monde. Cette guerre est ancienne. Elle prend actuellement une forme particulièrement dangereuse : la tentative d’imposer l’anglais comme seule langue officielle des institutions de Bruxelles malgré le Brexit. Pour en prendre la mesure, il faut lire, dans nos "nouvelles" : "L’offensive" d’Yves Montenay ; ainsi que l’entretien accordé à l’Express par Jacques Toubon" pour les 25 ans de sa loi. L’essentiel y est. Y est dénoncé le rôle de zélés auxiliaires que jouent celles de nos "élites", y compris dirigeantes, que feu Michel Serres nommait "les collabos de la pub et du fric". L’heure est au combat.

L’empire, lui, est dans son rôle invétéré, constant et opiniâtre dans ses orientations et actions. Nous en prenons acte. Ainsi que de son raidissement récent, plus dur avec ses vassaux, face à la montée de très puissants rivaux C’est donc surtout contre la redoutable "cinquième colonne" dont il bénéficie en France que nous menons nos combats associatifs. Contre l’abandon, le reniement, de ce que nous sommes, de notre langue comme de nos intérêts fondamentaux de nation millénaire et de foyer d’une francophonie mondiale. Contre notre auto-vassalisation. Nous en connaissons les terrains principaux : nos universités et grandes écoles que l’on sabote et veut faire passer à l’anglais avec la complicité du ministère et la complaisance des tribunaux administratifs ; l’audio-visuel facteur d’anglo-américanisation depuis les accords Blum-Byrnes de 1946 (30% de films de Hollywood imposés sur nos écrans de cinéma) ; et la publicité, que le Conseil constitutionnel, à la suite d’un recours, avait soustraite en 1994 à la compétence déjà trop limitée de la loi Toubon. L’article 2 de notre Constitution est pourtant bien clair : "La langue de la République est le français". Ajouté en 1992 à notre demande grâce à l’aide de nos amis parlementaires, il est contourné, car de plus en plus gênant.

Nos lecteurs connaissent déjà les actions menées par ALF depuis 1992. Ils savent que, maintenant, en synergie avec ALF, presque toutes les autres associations indépendantes pour le français mènent ensemble une véritable "Résistance". Quelques résultats apparaissent. Ainsi, le Président de la République a pu annoncer, le 20 mars 2018, sous la Coupole, sa politique pour le français et la Francophonie. Une première. Il a aussi adopté notre projet, lancé en 2001, d’Institut de la Francophonie à Villers-Cotterêts, et l’a doté de moyens. Nos actions et manifestes, tel récemment le "Manifeste des cent" commenté de manière large, inusitée, dans les médias, sont moins occultés, méprisés, raillés par iceux.

Ce début de sursaut peut prendre de l’ampleur. Car le politiquement correct du déni, et du consentement suicidaire au remplacement linguistique, semble se fissurer également dans deux autres domaines très liés à celui de la langue et de la culture : par le regain d’intérêt pour la Nation ; et par la forte montée de vrais débats sur l’excès d’immigration lorsque les gens refusent l’assimilation, voire l’intégration. L’espérance demeure donc pour notre langue. Nourrissons-la tous par nos actes, par l’engagement personnel et la générosité.

Albert Salon

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