Inauguration de la Cité internationale de la Langue française

Inauguration de la Cité internationale de la Langue française au château de Villers-Cotterêts

lundi 30 octobre 2023

château de Villers-Cotterêts
villers-cotterêts cité internationale langue française

Le Haut Conseil international de la Langue française et de la Francophonie qui réunit 38 associations (dont 31 françaises) dans un esprit "transpartisan" publie son communiqué. Deux d'entre-elles ont souhaité le compléter avec le leur. Un rappel historique de Thierry Saladin figure également ci-dessous.


Communiqué de presse sur l'inauguration de la Cité internationale de la Langue française

Le Haut conseil international de la Langue française et de la Francophonie [HCILFF] (38 associations pour le français et 192 personnalités membres) se réjouit de l’inauguration le 30 octobre de la Cité internationale de la Langue française au château de Villers-Cotterêts.

Il rappelle qu’il s’agit d’un projet entièrement associatif présenté le 7 octobre 2001 au château, et adopté en 2017 par le couple élyséen dûment remercié.

Le Haut Conseil regrette que son représentant, seul invité, n’ait pas été autorisé à s’exprimer le 30 octobre au micro au nom des 38 associations qu’il rassemble. Il déplore que l’État donne ainsi à penser qu’il ne semble pas s’engager à ouvrir ce remarquable instrument aussi à la dynamique société civile.

Le Haut Conseil souhaite vivement que ce château magnifiquement restauré, ne soit pas une simple muséification du français sans forte et constante animation aussi par la société civile nationale et internationale.

Si la Cité n’était que la partie positive d’un "en même temps présidentiel" cachant mal la partie négative déjà condamnée sans complaisance par le Haut Conseil, le français pourrait bien régner dans son somptueux temple de Villers-Cotterêts, alors que l’on continuerait à laisser l’anglo-américain s’imposer à terme à Bruxelles, à Alger, dans le Sahel, à Rome... et à Paris."

Contact : Albert Salon, docteur d’État ès lettres, ancien ambassadeur, secrétaire général du Haut conseil international; albert.salon0638@orange.fr


Histoire de la Cité internationale de la langue française et de la francophonie, lancée par les associations, réduite à une coquille vide dépouillée de la francophonie par Emmanuel Macron

par Thierry Saladin

Pour le lecteur pressé

Le lundi 30 octobre 2023, donc demain, aura lieu l'inauguration de la Cité internationale de la langue française au Château de Villers-Cotterêts.

Vous ne pourrez pas ne pas en entendre parler. En effet, présence de Macron oblige, les médias ne devraient pas rater l'occasion de vous en faire part, et ce jusqu'à plus soif : télé, radios et autres médias dominants de la presse. Ce sera l'évènement de la journée en France.

Mais voilà : il se pourrait que la présentation de cet événement — le narratif, comme on dit de nos jours — soit quelque peu arrangé, réécrit. Peut-être même idéalisé, etc... et ce au profit (à la gloire ?) de qui vous savez.

Aussi, nous allons tenter de vous conter l'histoire de ce projet : la vraie, ou peu s'en faut. Celle dont aucun média ne vous parlera, bien évidemment.

Développement

Comme vous le savez, avec la Cinquième République née à la fin de 1958, tous les présidents de la République qui se sont succédé, jusqu'à Chirac inclus, ont eu la volonté de laisser après eux leur empreinte, une trace dans le patrimoine architectural de la France. C'est-à-dire à Paris.

De Gaulle étant déjà un monument à lui tout seul, puisque appartenant à l'Histoire, il n'en éprouvait sans doute pas le besoin.

En revanche Pompidou, grand amateur d'art moderne, lança le projet du Centre Beaubourg (Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou). Une concrétisation que finalement il ne put voir, du fait de la maladie qui écourta son mandat.

Pour Giscard, ce fut le musée d'Orsay et l'Institut du Monde Arabe.

Pour Mitterrand, ce fut Le Grand Louvre avec notamment sa pyramide de verre et d'acier, l'Opéra Bastille, La Grande Arche, et aussi la Bibliothèque Nationale de France (la Grande Bibliothèque), entre autres.

Pour Chirac, grand érudit en civilisations africaines et asiatiques, donc en arts premiers, ce fut le Musée du quai Branly. Désormais appelé Musée du quai Branly-Jacques Chirac.

Or, à partir de 2007 avec Sarkozy — qui rappelons-le se présentait comme l'homme de " la rupture " — tout va changer. En effet, lui ainsi que ses deux successeurs Hollande et Macron, n'ont visiblement pas la préoccupation de leurs prédécesseurs. Faudrait-il y voir un manque de culture ? Chacun jugera. Mais c'est ainsi.

Rappelons que l'Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) est considérée comme l'officialisation de la langue française* puisque sous le sceau royal de François 1er on peut y lire notamment :

* En lieu et place du latin. Et absolument pas contre les langues régionales, comme on peut le lire ou l'entendre parfois...

Art. 111. De prononcer et rédiger tous les actes en langue française

Et parce que de telles choses sont arrivées très souvent, à propos de la [mauvaise] compréhension des mots latins utilisés dans lesdits arrêts, nous voulons que dorénavant tous les arrêts ainsi que toutes autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice qui en dépendent, soient prononcés, publiés et notifiés aux parties en langue maternelle française, et pas autrement.)"

Une décision royale intervenant à une époque qui, après avoir vu des Villon et autres Rabelais, SVP !, connaît alors des Marot, et même des Ronsard, du Bellay, Baïf, Dorat, etc. qui vont constituer La Pléiade, et notamment rédiger le manifeste Défense et illustration de la Langue française (La Deffence et Illustration de la Langue Francoyse), et même des Montaigne qui annonceront encore d'autres géants de la littérature française lors du siècle qui suivra : Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, pour ne citer que ceux-là. Sans oublier les très grands des deux siècles et demi qui suivront...

Autrement dit la langue française s'apprête à connaître trois siècles au cours desquels elle sera hissée au plus haut niveau par de très grands auteurs...

Ainsi et de manière incontestée pendant toute cette période, elle deviendra également la langue de la diplomatie. Et ce jusqu'en 1919 avec le traité de Versailles...ou un très mauvais coup va alors lui être porté. Et d'autres vont suivre. Hélas !

Donc ce projet de Cité internationale de la langue française a une histoire. Et cette dernière ne commence pas en 2022. Ni en 2012, ni en 2007 et pas davantage en 2017, mais... en 2001.

En effet, le 7 octobre de cette année-là, des associations de défense de la langue française*, Avenir de la langue française (ALF) et le Forum francophone international (FFI) avaient ensemble lancé du balcon du château (" Mon plaisir ") un appel aux chefs d’État de la Francophonie.

* d'authentiques hérauts, et même des héros : de vrais poilus de cette nouvelle Grande Guerre, et qui ne passent jamais — ô grand jamais ! — dans les médias. Et dont aucun n'aura le privilège, bien entendu, de faire partie demain des quelque 500 invités officiels...

Aucun ? Si un seul : et c'est sans doute grâce à Mme Brigitte Macron que ce monsieur de 88 ans, toujours bon pied bon œil, et infatigable défenseur de la langue française sera présent. Mais... il n'aura pas droit à la parole, lui. (voir plus loin)

Oui, cet appel fut lancé le 7 octobre 2001, à l'endroit-même où François Ier avait promulgué le 25 août 1539 son célèbre édit sur la langue française. Le français devenait donc la langue du roi et aussi des tribunaux.

Mais écoutons ces hérauts :

(...)Devant de hautes personnalités françaises, belge, québécoise, haïtienne, au balcon, 250 personnes étaient venues dans la cour, surtout de Paris, à 74 km de là, représentant plusieurs dizaines d’associations françaises pour le français et la Francophonie. Un Comité de soutien avait alors été constitué, composé de hautes personnalités françaises et étrangères très diverses : anciens ministres, parlementaires, académiciens, diplomates, historiens, chefs d’entreprise, présidents d’associations concernées…

Pendant 17 ans, [ndr: donc jusqu'en 2018] ces associations ont maintenu une pression en faveur du projet, et recherché des mécènes, sachant fort bien que leur projet se heurtait à la vacuité des caisses de l’État et à l’absence de volonté politique.

Le 16 septembre 2017, journée du patrimoine, le couple présidentiel ayant été saisi par nos associations, appuyées par un député de la circonscription et par Stéphane Bern, auteur d’une émission sur la Princesse palatine [ndr : il s'agit de l'épouse de Philippe d'Orléans, le frère de Louis XIV] et le rayonnement du château au XVIIème siècle sous les Orléans, le Président de la République annonça son intention d’adopter le projet. Il le confirmera lors de sa déclaration de politique francophone, le 20 mars 2018 sous la Coupole, en reprenant les têtes de chapitre de notre projet.

En fait, déjà pendant sa campagne électorale, le candidat Macron avait été sensibilisé à cette affaire par des élus et porteurs associatifs dudit projet.

Ce qui se passera demain est donc l'œuvre de quelques représentants d'associations de défense de la langue française, déjà bien malmenée à l'époque, mais pas autant qu'aujourd'hui.

Nous tenons aussi de cet infatigable militant parmi ces lanceurs de l'appel de 2001, qu'en fait la décision présidentielle de reprendre le projet fut quelque peu influencée par Madame Brigitte Macron. Mais aussi plus ou moins par deux membres de la famille Macron.

Le projet initial, porté donc à bout de bras pendant 22 ans, devait être la Cité internationale de la Langue française et de la francophonie. Mais en haut lieu on a décidé de supprimer ce dernier mot. " C'est assez révélateur, d'ailleurs " pour citer ce monsieur, ancien ambassadeur de France à Maurice, qui craignait de ne jamais voir ce projet se concrétiser de son vivant. Nous l'avons dit: il sera l'unique invité parmi les lanceurs du projet en 2001, dont quelques-uns ne sont, hélas, plus de ce monde...

Ajoutons que parmi les quelque cinq cents personnalités invitées, ne figure aucune association française de défense de la langue française (elle sont six ou sept en France), pas même les responsables des deux associations qui lancèrent l'appel: ALF (Avenir de la langue française, et le FFI (Forum francophone international). Jusque-là, rien de nouveau puisque pour le pouvoir tout se passe comme si les associations n'existaient pas.

Précisons que votre serviteur, bien que déjà militant de la cause depuis des lustres, ne faisait pas partie des "octobristes de 2001".

Cet appel consistait donc à :

restaurer le château, avec un appel à tous les États de la francophonie de faire en sorte que dans leurs projets internationaux, ils inscrivent le château de Villers-Cotterêts pour en faire un lieu de recherche, d'enseignement, de rencontres, de traductions, de bibliothèque, vidéothèque, médiathèque, etc.

Voyant en 2014 que le Qatar entrait dans l'OIF (Organisation internationale de la francophonie)**, — eh oui !— les lanceurs du projet obtinrent de ce pays un financement pour ce projet.

** Sachez que dans l'OIF, nombre d'États ne sont pas du tout francophones. Cependant, ils sont admis sans aucune exigence de la France, même pas d'être tenus d'y envoyer des représentants francophones. Nous, les associations dénonçons cela, mais qui se soucie de notre avis ?

Une lettre fut récemment adressée aux autorités, une fois qu'il fut annoncé que seul Le Président de la République prendrait la parole, et ce à l'exception de quiconque. "C'est comme ça." ont répondu les instances officielles aux lanceurs du projet.

Une vidéo retrace cet épisode (minutage à partir de 31')

Enfin, et contrairement à ce que vous risquez d'entendre demain, pour nous associations, qui sommes sur le front 365 jours par an, cet événement correspond à un enterrement de première classe de la langue française.

En effet, Macron, encore moins que ses prédécesseurs qui déjà étaient loin d'être actifs pour promouvoir le français est indigne d'inaugurer un tel lieu, d'autant que depuis 2017, et même pendant sa campagne électorale n'a jamais raté une occasion de parler en anglais plutôt qu'en français. Il est un fossoyeur de la langue française : ni plus ni moins.

Et probablement ravi de l'être.

De tout ce qu'il dira, il faudra comprendre que sa pensée est exactement l'inverse. Ce type est un anglomane participant en conscience au remplacement du français par l'anglo-américain, déjà en France, et aussi dans les pays africains, notamment par son arrogance vis-à-vis de chefs d'État qui, les uns après les autres, se détournent de notre pays devenu paillasson des États-Unis d'Amérique. L'imposition de l'anglo-américain étant un projet plus vaste encore, puisque mené un peu partout dans le monde depuis le XXe siècle, et même en Ukraine.

"La stratégie américaine semble avoir pour objectif que l’Ukraine non seulement conserve son orientation vers l’Occident, mais qu’elle développe des liens privilégiés avec l’Amérique. Washington pense que cela se produira notamment grâce à la langue anglaise. La stratégie indique que les États-Unis offrent une aide technique au ministère ukrainien de l'Éducation pour améliorer l'enseignement de l'anglais", écrit ainsi Politico.***

*** article original en anglais (Politico)

Alors pourquoi Macron a-t-il accepté finalement ce projet, présenté clé en main par d'authentiques militants de la cause, eux qui n'ont pas cessé, durant plus de vingt ans, de se battre contre vents et marées ? Peut-être tout simplement pour qu'à l'instar de ses lointains prédécesseurs son nom soit rattaché à ce monument. Ce n'est une hypothèse.

En tout cas, il n'y a rien à attendre de lui : sur ce sujet comme sur bien d'autres.

Notre langue française est en effet gravement menacée. Même si quelques linguistes se présentant comme atterrées affirment le contraire (Le français va très bien, merci.), en fait des "cuistres enterrés" pour reprendre le mot d'un vrai défenseur de la langue française, l'écrivain Alain Borer, auteur entre autres de De quel amour blessée.

Il suffit simplement de descendre de chez soi et de regarder l'affichage publicitaire du premier arrêt de bus venu pour voir que la loi Toubon (1994) — résultat du travail de pression et d'influence sur les hommes politiques par des associations de défense de la langue française (eh oui, encore elles !) pendant au moins cinq ou six ans — est violée chaque jour, et que l'État ne fait strictement rien pour qu'elle soit respectée.

Seuls les poilus sont au front.

Au-delà de ces considérations, il restera le projet, mais il n'aura pas le nom initialement prévu, puisque le mot francophonie qui fait référence au rayonnement encore effectif de la langue française dans le monde ne figurera pas. Et ce n'est pas innocent.

Les journalistes vous raconteront donc demain ce qu'ils veulent.

Vous connaissez désormais la genèse et la véritable histoire de ce projet, et notamment ceux, les sans-grades, qui ont travaillé toutes ces années et aussi ceux qui n'ont absolument rien fait mais qui seront demain en bonne place devant les caméras, et ensuite au buffet pour engloutir les petits fours, une flûte de champagne en main. Comme d'hab'.

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