Contribution au Grand débat – Guy Dalens

Contribution au Grand débat

Europe brexit langue française

Nous publions ici les contributions de Guy Dalens au Grand débat : ses doléances sur le cahier de sa commune, suivi de son très bon texte sur le français à Bruxelles qui détaille son point de vue. MAR

1) La reconquête de la langue française à Bruxelles qu’il y ait Brexit ou pas Brexit

Ce qui se passe actuellement est illégal et illégitime
Nous ne voulons pas être un protectorat anglo-américain
Nous avons les armes pour faire cesser cette situation (cf. ci-après)

2) Un référendum sur la construction européenne

Actuellement nous avons une Europe fédérale qui broie les peuples à petit feu

Nous voulons une Europe qui respecte les peuples et leur langue

La reconquête de la langue française à Bruxelles

Cette reconquête n’est pas tributaire du Brexit ou du non Brexit.

Cette reconquête passe par un affrontement entre le peuple français et ses dirigeants et Bruxelles. Nous détenons l’arme de dissuasion.

Maurice Druon, ancien secrétaire de l’académie française, rappelait le comportement de Mme Thatcher qui disait obstinément « I want my money back » à propos du rabais britannique. Que ne déclarons-nous pas, avec la même obstination « Je veux ma langue ».

La France est un des plus gros contributeurs au budget communautaire : 20 milliards en 2018 contre 18,7 milliards en 2017. Potentiellement, il y a là un moyen de pression considérable et décisif. Un levier pour changer la donne, le rapport de force.

Nous pourrions soutenir que nous ne paierons plus notre contribution si la langue française n’est pas remise au niveau qu’elle avait jusqu’ici. Et nous ne paierons plus si la langue anglaise continue d’être utilisée à Bruxelles, alors que les Anglais ont quitté le navire.

Nous ne risquons rien, sauf des remontrances et des sanctions juridiques formelles.

En face de peuple français il y a un tigre de papier ; Bruxelles n’a ni police ni armée pour nous contraindre.

Nous le savons. Le socle communautaire repose sur la servitude volontaire pour reprendre l’expression d’Étienne de La Boétie. Il ne tient qu’à nous de nous affranchir.

Nous croyons à une autre Europe, celle qui respectera les nations et leur langue.

Guy Dalens, adhérent d’Avenir de la Langue Française


À la reconquête de la langue française à Bruxelles, Brexit ou pas Brexit

"Si nous reculons sur la langue, nous serons emportés purement et simplement.
C’est à travers notre langue que nous existons dans le monde autrement
que comme un pays parmi d’autres.
[1]"
Georges Pompidou

Ce cher Georges, il avait tout compris

Ses successeurs ne le suivront pas, ils préféreront regarder passer les trains, comme les vaches, sans broncher[2]. Et pourtant, cette élite au cœur desséché prétend toujours diriger notre pays. Comment diriger un pays, là, où il n’y a plus de sang, de lien charnel avec notre peuple, avec notre passé, notre langue et notre terre ! Avec elle, "La République une et indivisible, notre royaume de France.[3]" était partie en fumée, dans nos souvenirs. Heureusement, nos souvenirs sont tenaces et indestructibles.

En quinze ans (1975-1990), les Anglais ont fait disparaître, éradiqué le français, l’italien, l’allemand, les langues de travail des pays fondateurs de la communauté.

Et notre élite trouve ça bien. Elle s’est tue. Se tait.

Et il faudrait qu’on dise "Amen".

Qu’on tende la nuque pour qu’elle frappe encore et encore.

Nous devons prendre la relève sans elle, sans cette élite à l’intelligence déficiente, qui n’est plus une élite pour nous, puisque chaque jour elle nous trahit.

Breton nous l’avait dit il y a déjà longtemps : "… nous vivons en conflit ouvert avec le monde immédiat qui nous entoure, monde ultra-sophistiqué, monde qui, sous quelque aspect qu’on l’interroge, s’avère, devant la pensée libre, sans alibi. De quelque côté que je me tourne, c’est dans le fonctionnement de ce monde la même apparence de déraison froide et hostile, le même cérémonial extérieur sous lequel se distingue tout de suite la survivance du signe à la chose signifiée. Ce sont toutes les valeurs intellectuelles brimées, toutes les idées morales en déroute, tous les bienfaits de la vie frappés de corruption, indiscernables. La souillure de l’argent a tout recouvert...[4]"

Faisons un rêve

Sur son chemin de Damas, notre président de la République a rencontré Paul de Tarse, vêtu d’un gilet jaune, qui l’a amené à une conversion radicale, après une sorte d’illumination. Il lui a dit : "Va à la reconquête de ta langue devant ton peuple, devant les marchands du Temple de Bruxelles et soit ferme et sans faiblesse ; tu retrouveras alors le goût particulier de la France". Il lui a dit encore : "Frappe à la tête, n’écoute pas les défaitistes, ceux qui veulent t’entraîner vers l’abîme. Je te donne l’ordre de partir à la reconquête de ta langue. Suis, les deux pistes que je te donne. Les salauds à tête d’hypocrites crieront, tu les laisseras glapir avec les castes qui les soutiennent ; ils fermeront leur gueule si tu restes ferme. Car, ils n’ont pas de caractère et ramperont devant celui qui est le plus fort. C’est toi qui peux être le plus fort parce que c’est toi qui détiens le pouvoir d’actionner les manettes.

Souviens-toi, la première piste est utile à poser dans le contexte, mais la seconde est décisive et, elle t’appartient, à toi seul. Ta main ne doit pas trembler quand tu décideras de l’actionner. Je te le répète, soit implacable. Tu joues ta vie, l’image que tu laisseras dans l’histoire de ton pays, ta langue devant notre avenir, notre république, notre royaume de France".

  1. Première piste : La langue anglaise n’a aucune légitimité ni historique ni financière à être la langue de la communauté

Échappant à tout bon sens c’est-à-dire à la raison, une certaine élite dévoyée et mondialisée, vassalisée par l’empire américain, voudrait que nous continuions à discourir en anglais dans la communauté européenne, alors que les Anglais s’en vont, comme s’il n’y avait pas suffisamment d’autres langues en Europe pour échanger et pour vivre.

Cette langue n’était pas utilisée lors de la fondation de la communauté et celle-ci ne s’en portait pas plus mal.

Les Anglais veulent quitter l’Europe. C’est leur choix. Et ce choix qui leur est propre leur incombe totalement. Nous n’avons pas à nous plier à leurs exigences, ni à les comprendre ni à faire preuve de compassion ou de tolérance. C’est pourtant ce que nos élites cherchent à instiller au quotidien avec la saga du Brexit qui n’en finit pas depuis bientôt trois ans, comme si nous étions responsables de leurs tergiversations.

Ayez pitié de nous, pauvres pécheurs, avec leurs mains tendues et leur voix qui nous chuchotent dans leur brouillard "nous voulons le beurre et l’argent du beurre". Il faudrait que nous assumions le problème de la frontière avec les deux Irlande qu’ils ont ébranlées, divisées pendant 700 ans ; de leur problème avec la City, car là il y a beaucoup de fric en jeu ; de leur problème avec l’Écosse qu’ils ont crucifiée à Culloden ; du problème du ravitaillement comme si nous étions en guerre...

Tout ceci ne vient pas du peuple anglais qui a voté le Brexit.

Il y a une connivence entre l’élite anglaise mondialisée et l’élite mondialisée de la communauté. Singulière collusion qui s’est instituée dans le but de faire capoter le vote du peuple anglais. L’une montre les difficultés insurmontables qu’il y aurait à quitter la communauté, l’autre, en ne faisant preuve d’aucune souplesse pour trouver une solution au départ du Royaume-Uni. Et puis, ne faut-il pas montrer aux autres États membres qu’on ne quitte pas le bercail de la communauté comme on veut, même après le vote d’un peuple qui veut retrouver sa liberté, sa souveraineté. Il y a trop d’intérêts mercantiles à protéger.

Alors, ils font tout pour faire traîner, pour empêcher la rupture, pour que rien ne change, avec à la clé un nouveau référendum dont les dés seront pipés pour leur donner raison, et montrer que le peuple s’était trompé. C’est la démocratie à la sauce bruxelloise.

Ce que nous pouvons dire :

Les Anglais doivent partir avec l’ensemble de leur bagage. Nous ne devons pas accepter qu’ils laissent derrière eux le cadeau empoisonné de leur langue qui, si elle reste, s’avérera délétère et mortelle, pour nous et pour les autres. Elle restera délétère et mortelle si nous continuons de fonctionner comme le veulent les fonctionnaires communautaires.

Ce n’est pas à des fonctionnaires de la communauté de se faire les chantres, les défenseurs de cette langue.

Nous disons assez à cette mascarade, à cette colonisation douce mais insupportable qui voudrait perdurer, derrière eux et sans eux. Nous ne voulons pas être un protectorat anglo-américain.

Aucune légitimité ni historique ni économique ne justifie le maintien de cette langue dans la communauté.

Je reprends ici ce que j’avais déjà exprimé dans un article de septembre 2018.

Historique

La construction européenne a toujours été combattue par les Anglais, de l’extérieur ou de l’intérieur. De l’extérieur, par la création de la "zone de libre-échange" avec laquelle ils tenteront de faire pièce au Marché commun constitué par les six États membres fondateurs : Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, pays dits du Benelux, Italie et la France.

Devant l’échec de cette action extérieure, ils chercheront à y pénétrer, pour la saper de l’intérieur.

Pendant quelques années, ils se heurteront à l’intransigeance de De Gaulle qui mit son veto à leur demande d’adhésion : ce fut par deux fois avec M. Macmillan, puis une fois avec M. Wilson.

De Gaulle parti, la danse des cabris pouvait commencer, sous la présence patiente et obstinée des Britanniques.

L’engagement des Britanniques dans le Marché commun puis l’Union européenne sera toujours partiel. Ils disposent de conditions particulières sur plusieurs actions communautaires :

  • Ils ne sont pas adhérents à la monnaie unique européenne (euros) ;
  • Ils ne font pas partie de l’espace Schengen ;
  • Leur participation au budget communautaire n’est pas équitable pour les autres États membres avec l’introduction du rabais britannique, après les interventions acharnées d’épicière de Margaret Thatcher pendant cinq années (Je veux qu’on me rende mon argent ou dans sa langue à elle "I want my money back"). Ce qui a permis à l’Angleterre de réduire sa contribution au budget européen au détriment de pays comme la France.
  • Le Royaume-Uni est le seul membre à ne pas contribuer au budget à hauteur de ses revenus : sa part était de 9, 77 % en 2014 contre 14, 56 % pour la France qui possède une population équivalente.

Elle a réussi à amoindrir, par ses coups de boutoir continuels, la Politique agricole commune (PAC) au point que cette dernière dans le budget européen a fondu de 66 % à son lancement en 1962 à 40 % en 2014 (**).

Économique

Je donne ici des extraits de l’article d'Yves Montenay, vice-président d’ALF, paru dans le n°59 de la revue Avenir de la langue française qui pose le problème avec le plus d’acuité.

"L’hégémonie de l’anglais à Bruxelles a des conséquences économiques que connaît peu le grand public.

Le rapport Grin a chiffré à des dizaines de milliards de dollars par an l’avantage pour le Royaume-Uni et ses entreprises. Sa conclusion mérite d’être intégralement citée :

  • Le Royaume-Uni gagne, à titre net, au minimum 10 milliards d’euros par année du fait de la domination actuelle de l’anglais.
  • Si l’on tient compte de l’effet multiplicateur de certaines composantes de cette somme ainsi que du rendement des fonds que les pays anglophones peuvent, du fait de la position privilégiée de leur langue, investir ailleurs, ce total est de 17 à 18 milliards d’euros par année.
  • Ce chiffre serait certainement plus élevé si l’hégémonie de cette langue venait à être renforcée par une priorité que lui concéderaient d’autres États, notamment dans le cadre de leurs politiques éducatives respectives ;
  • Ce chiffre ne tient pas compte de différents effets symboliques (comme l’avantage dont jouissent les locuteurs natifs de la langue hégémonique dans toute situation de négociation ou de conflit se déroulant dans leur langue) ; cependant, ces effets symboliques ont sans doute aussi des répercussions matérielles et financières". (***)

Nous ne devons plus accepter que l’anglais soit la langue dominante de la communauté, au besoin par des actions légitimes au regard de notre seule conscience. Le corset illégal et illégitime dans lequel les puissants du jour veulent nous enfermer doit être combattu et brisé.

  1. Deuxième piste : La reconquête de la langue française à Bruxelles

Cette reconquête n’est pas tributaire du Brexit ou du Non-Brexit comme voudraient nous le faire croire certains commentateurs toujours à la remorque des Britanniques. Peu nous importe le choix définitif que ces derniers feront.

La reconquête de la langue française passe par un affrontement entre le peuple français et Bruxelles.

Passe par un affrontement entre "La République française une et indivisible, notre royaume de France" et Bruxelles et ses serviteurs.

Et nous détenons l’arme dissuasive.

Maurice Druon rappelle le comportement de Mme Thatcher qui disait obstinément "I want my money back". Que ne déclarons-nous, avec la même obstination : "Je veux ma langue !"

La France est un des plus gros contributeurs au budget communautaire : 20 milliards en 2018 contre 18, 7 milliards en 2017.

Potentiellement, il y a là un moyen de pression considérable et décisif. Un levier pour changer la donne, le rapport de force.

Encore faut-il l’utiliser. Ce sera le rôle de notre président s’il exécute les conseils de Paul de Tarse.

Mais le peuple de France y veillera.

Nous pourrions soutenir que nous ne paierons plus notre contribution si la langue française n’est pas remise au niveau qu’elle avait jusqu’ici.

Et nous ne paierons plus si la langue anglaise continue d’être utilisée à Bruxelles alors que les Anglais ont quitté le navire.

Nous ne risquons rien, sauf des remontrances et des sanctions juridiques formelles.

En face du peuple français il y a un tigre de papier ; Bruxelles n’a ni police ni armée pour nous contraindre.

Nous le savons. Le socle de ce système repose sur la servitude volontaire pour reprendre l’expression d’Étienne de La Boétie. Il ne tient qu’à nous de nous affranchir.

Notre langue vaut bien ce combat. Peut-être, le dernier avant qu’il ne soit trop tard.

Nous croyons à une autre Europe, celle qui respectera les nations et leur langue.

Guy Dalens, membre d’Avenir de la Langue Française

 


[1] Cité par M. Druon dans « Ordonnances pour un État malade » et audition devant la commission des affaires étrangères ; Compte-rendu n° 26, mardi 08/02/2005.

[2] À l’exception de la loi n° 94-665 du 04/08/1994, malheureusement mutilée par le Conseil constitutionnel et peu respectée.

[3] Charles Péguy, cité par Mme D. Mayer dans son livre du même nom, titre et p. 8.

L’argent suite, « Les Cahiers de la quinzaine », 1913, p.145.

[4] André Breton, « Position politique du surréalisme » (conférence du 01/04/1935, Prague).

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