Colloque du CSA Quel avenir pour la langue française dans les médias audiovisuels ?
Organisé au Collège de France à Paris, lundi 9 décembre 2013
CSA médias colloque langue française
Quelques observations subjectives
Rendons au moins grâce à Patrice Gélinet, à l'origine du colloque, de l'avoir organisé ce qui a permis de mettre le sujet sur la place publique et d'avoir ainsi des relais dans la presse. Le colloque ouvert par Olivier Schrameck président du CSA, comportait 3 tables rondes.
Une première sur "La langue française dans les médias audiovisuels de la francophonie" où l'on a analysé la situation comme l'a fait par exemple, Marie-Christine Saragosse, directrice de France Médias Monde : "5ème langue de communication, 220 millions de locuteurs, 8,5% du PIB mondial, 5,4% de la population et 14 % des exportations de contenu audiovisuels", Sylvain Lafrance, professeur HEC Montréal, ancien vice-président exécutif de Radio Canada qui a relevé le manque de combativité des médias français face à la domination anglo-saxonne citant l'exemple des titres non traduits comme "The voice" qui est traduit par "La voix" au Québec mais pas en France. La dite "ministre chargée de la francophonie" Yamina Benguigui, a conclu la matinée avec un gros retard, en ânonnant un discours que visiblement elle découvrait, butant sur les mots, faisant de grosses fautes de français, parlant notamment de "la radio Canada"...
Une 2ème table ronde plus "intellectuelle" avec notamment Alain Rey, Marc Fumaroli, Bernard Cerquiglini et Érik Orsenna d'un bon niveau d'échanges. Alain Rey a notamment souligné "qu'avant on faisait des fautes mais on savait que c'était des fautes maintenant on ne le sait même plus, la paresse est partout". Soulignant aussi que "s'il y a toujours eu des mots nouveaux dans le français de toutes provenances, aujourd'hui 50% des mots nouveaux sont exclusivement issus de l'anglais sans adaptation (comme on le faisait par exemple avec paquebot pour packet boat) et que des tournures anglo-américaines sont adoptées telles quelles (une situation sous contrôle)." Jacques Toubon, auteur de la loi du 4 août 1994, de son côté a demandé qu'au moins l'on "instaure des contraintes de respect de la langue française pour le service public"
La 3ème table ronde a réuni les médias dont TF1, M6, France 2, France culture, NRJ et Skyrock
Les chaînes de télévision se sont contentées d'évoquer le travail de réponse aux courriers des téléspectateurs et de leurs actions pour améliorer le langage utilisé par les journalistes ou les présentateurs. Sans que personne ne parle de l'écrasante majorité de programmes anglo-saxons (par exemple à l'heure de grande écoute la veille, les 22 chaînes de la TNT gratuite passaient 13 séries ou films anglo-saxons, contre 5 programmes français et 1 film italien
soit quasiment les 2/3 [sans compter les 2 chaînes d'information et la chaîne sportive])
On a eu droit à Maryam Salehi, directeur (sic !) délégué à la direction générale de NRJ Group (sic !) qui a eu le culot de s'afficher comme groupe de radio francophone en s'abritant derrière d'autres stations du groupe (Chérie FM ou Rires et chansons qui ne font que rediffuser des tubes anciens) quand sa station principale NRJ est une grande pourvoyeuse de mots anglais et de chansons anglo-américaines (Ils doivent diffuser leurs chansons françaises vers 3 h du matin pour respecter leurs quotas). Le slogan de cette station, d'écoute souvent obligatoire dans de nombreux lieux publics, est d'ailleurs : "Hit music only", celui du groupe (group !) étant "On air, Online, On demand" (sic !)[1]. Pierre Bellanger président de Skyrock, pour sa part, dit que la chanson française n'est pas un problème pour sa station qui diffuse surtout du rap. Nicolas Jacobs, médiateur de l’information de France 2 lui, trouve que des expressions comme "low cost" sont intraduisibles (sous les moqueries de beaucoup des autres intervenants et du public). On est rassuré sur la volonté du service public de faire respecter la langue de son pays ! Jérôme Bouvier, médiateur de Radio France propose des actions fortes dans les médias lors de la journée de la langue française [le 20 mars]. Tout ce petit monde se met d'accord pour la mise en place d'une charte, les chaînes privées étant plus réticentes.
Après, intervention forte d'une adhérente d'une association de traducteurs qui a dénoncé une certaine démission générale face à l'anglais puis celle du président d'ALF, Albert Salon qui a asséné une vigoureuse critique contre "La soupe servie aux productions culturelles états-uniennes comme l'invitation systématique par les deux principales chaînes, la publique comme la privée, au moins une fois par semaine, au JT du soir d'un acteur, producteur ou autre vedette des États-Unis"
Conclusion avec la lecture du discours de la Ministre de la culture qui parfois a quelques accents volontaires sur la résistance à la soumission (!)
Que de tous ces beaux débats sorte quelque chose de concret, cela reste à démontrer.
MAR
[1] Elle s'est d'ailleurs plainte de la difficulté que son groupe aurait à faire respecter les quotas, la production française ayant chuté de 60 % en 10 ans. La rhétorique du pompier pyromane : les radios telles NRJ n'encourageant aucun artiste français ou francophone et ne prenant aucun risque sauf celui de passer des tubes déjà bien vendus aux États-Unis, comment s'étonner d'une telle baisse. Pourtant en nombre d'albums vendus la production française est toujours nettement en tête 13 sur les 20 albums les plus vendus en 2013 (des albums qui passent rarement sur NRJ ).