"Vingt ans après "
Le 13 octobre 2014 au Sénat, un bilan des 20 ans de la loi Toubon du 4 août 1994
loi Toubon politique langue française
Rendons hommage aux organisateurs de la rue de Valois (DGLFLF et Comité d’Histoire) qui ont, dans leur optique, bien organisé ce colloque, pour un public très choisi de 150 personnes.
Ouvert par Mme Catherine Tasca, sénatrice, ancienne ministre de la Culture, clos par l’ actuelle, Mme Fleur Pellerin, marqué par M. Jacques Toubon, Défenseur des Droits, ministre de la Culture et de la Francophonie de 1993 à 1995, ce colloque a été réussi aussi dans notre optique associative, parce que, volens nolens, il a révélé l’actuelle absence de volonté politique en matière de français et de Francophonie. Bravo, à cet égard, à MM. Amirshahi, Cassen, Dubois, Legendre, Le Glaunec, Lévy-Leblond, Salengro, aussi à M. Toubon!).
Trois des associations agréées pour veiller à l’application de la loi, seules invitées, y étaient.
Le paladin de nos causes Philippe Rossillon et d’autres des années fastes ne sont plus. Mais les mousquetaires du roi sont encore là pour la plupart. Ils voient aussi arriver des jeunes qui seront là pour les « vingt ans plus tard » du nouveau Vicomte de Bragelonne. Leurs cœurs rouge vif saignent au spectacle des sinistres éteignoirs d’enthousiasmes, brise-élan, tue-Cyrano, casse-France, qui marquent ce qui n’est plus aujourd’hui une glorieuse « époque » selon Péguy, mais une pauvre « période » grise et pénible de notre histoire.
Alexandre Dumas retrouve dans son Vingt ans après les héros des « Trois Mousqutaires », et un contexte politique peu changé malgré la Fronde, la puissance royale restant dominante.
Les mousquetaires de la fin du 20ème siècle, eux, sont devenus en ce 21ème orphelins de la puissance publique. Ils continueront à ferrailler pour l’intérêt général, la langue française et l’honneur, mais sont très loin de retrouver après 20 ans le soutien du pouvoir dont leurs ancêtres avaient bénéficié au 17ème siècle.
Pis : ils constatent avec douleur qu’ils sont des gêneurs. Leurs actions sont moins ignorées que sciemment occultées**. En fait, par repentance et complaisance, mamelles d’une fausse France, on les cloue au pilori. Car, jusqu’en ce colloque où l’auto-satisfaction des politiques et des fonctionnaires à peine troublée par les constats discrets mais honnêtes de sociologues, a dominé, nos mousquetaires ont osé dénoncer la pire mutilation de la loi Toubon qu’a constituée l’article 2 de la loi Fioraso. Cet article a en effet ouvert en grand les vannes de l’enseignement en anglais dans nos universités et grandes écoles. Alors que tout le colloque a tendu à faire entrer dans les têtes que la loi Toubon a eu de bons effets, n’est plus ridiculisée mais admise, et qu’il faudrait se réjouir de ce qu’au moins un « droit au français », nouveau slogan-paravent-rassurant, a été nettement affirmé dans tous les textes. Jusque dans celui de la loi Fioraso ! Cela est du reste vrai. Ce serait satisfaisant si ce droit n’était pas bafoué par l’offre d’enseignements exclusivement en anglais par les établissements, dans le silence de leurs ministères de tutelle, auxquels pourtant la loi amendée du 22/7/2013 fait obligation d’accréditer les formations, donc de refuser les illégales
Nos associations ont levé le voile très pudique jeté sur cette grave forfaiture. Elles dénoncent ce nouveau moyen d'angliciser et vassaliser la France. Elles déposent des recours contre les contrevenants à la loi. Elles tiennent à ce qu’Edwy Plénel, dans un quasi éditorial du Monde,
publié en juillet 1994 et fustigé avec force par Bernard Cassen au colloque, qualifiait avec une sorte de délectation de « vielles lunes » et de nostalgie d’une grandeur perdue.
Au coin avec bonnet d’âne les associations** qu’il est malséant et malodorant de fréquenter !
Dormez, bonnes gens ! Les policiers de la pensée, officiers du guet euro-compatibles adoubés « young leaders », veillent sur la pax americana de notre Cité, belle Provins médiévale que l’on peut laisser se bercer de beaux rêves de résistance
Albert Salon
* Le compte rendu officiel de ce colloque sera peut-être disponible sur le site www.dglf.culture.gouv.fr
**La vérité historique sur le rôle des associations depuis 40 ans est rétablie dans la note ci-dessous adressée au Comité d’Histoire du ministère de la Culture.