Lettre à Nicolas Sarkozy, président de la République, au sujet de l'anglais utilisé dans un commando de chasseurs-alpins composé uniquement de français (3 avril 2010)
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Avenir de la langue française
34 bis rue de Picpus
75012 Paris
Le président
75008 Paris
Monsieur le Président de la République,
Nos associations soussignées ont l’honneur d’attirer solennellement votre attention sur les graves atteintes portées à la langue française par divers ministères et corps d’État qui devraient pourtant être garants de son respect sous votre autorité, dans le droit fil des orientations claires données dans vos discours du 9 mars à Caen, du 20 mars 2008 Boulevard Jourdan, et du 20 mars 2010 au Palais de l’Élysée.
Seize associations, dont treize françaises, ont organisé le 30 mars 2010 au Salon du Livre une conférence de presse réussie. Nous joignons à cette lettre l’invitation justificative de la conférence dans laquelle vous pouvez trouver une liste des graves atteintes subies dans les principaux domaines de l’activité nationale. Nous y joignons aussi le communiqué de presse largement diffusé qui en a rendu compte, et la citation de son principal animateur : le grand linguiste Claude Hagège, Professeur au Collège de France : "Il faut nous battre, car il s’agit bien d’une guerre".
Forts de cette annexe révélatrice de l’ensemble des dérives, nous nous contentons d’évoquer ici plus en détail ce qui se passe au sein de nos armées.
Ainsi, un commando de chasseurs-alpins en exercice franco-français dans les Alpes s’est exprimé en anglais lors d’échanges entre hommes au sol et hélicoptère de couverture. Interrogé à cet égard, le représentant de la DICOD a répondu "dans certains exercices comme celui-ci, l’usage est d’employer l’anglais".
Il sévit donc, au sein de notre Défense nationale, certaines pratiques qui portent atteinte à notre identité même car, si un corps doit protéger la Nation, il ne peut se dissocier de sa langue. L’autorité à laquelle il est soumis ne saurait y tolérer l’emploi d’une langue étrangère entre Français.
Il en va de même de l’usage imposé de la langue anglaise au sein de l’état-major international installé à Lille sous commandement français. Cet organisme comprend 88 personnes dont 70 étrangers, parmi lesquels 21 anglophones seulement. Or, la langue de travail doit être l'anglais. Ainsi impose-t-on à des militaires français, sur notre sol national, sous les ordres d'officiers français, de parler une autre langue que la leur. Les mêmes dispositions sont déjà appliquées à Strasbourg au sein du corps européen, qui ne comporte qu'une infime minorité d'anglophones, et à Toulon dans un état-major correspondant à celui de Lille.
L'article 2 de notre Constitution dispose que la langue de la République est le français. Nos militaires se voient donc imposer une mesure qui est manifestement anticonstitutionnelle, et qu’ils seraient habilités à refuser d’exécuter sans sortir de la légitimité ni de la légalité.
Afin d’assurer la survie et la pérennité de notre langue en tant que langue nationale et internationale au rang qui lui est dû, il est essentiel d’en imposer l’usage ainsi que le veulent la Constitution, la loi Toubon et les rappels effectués par Madame Alliot-Marie alors Ministre de la Défense :
"Conformément à la loi n° 94-665 du 4 août 1994, qui impose l'usage obligatoire mais non exclusif de la langue française dans des domaines déterminés, le français reste la langue officielle des états-majors de réaction rapide si chaque militaire français doit maîtriser suffisamment la langue anglaise pour des opérations multinationales menées dans le cadre de l'OTAN ou de l'Union Européenne, cette langue n'est en aucun cas utilisée dans le cadre d'opérations nationales." Force est de constater que cette instruction claire n’est pas exécutée.
Cette situation montre, une fois de plus, la nécessité d'une extrême vigilance et d’une action déterminée si nous ne voulons pas contribuer à l'émergence d'un monde unipolaire et à la disparition d’un élément essentiel à l’humanité.
Il est fondamental que les diplomates, les militaires, les scientifiques, les enseignants, les hommes d’affaires et naturellement tout représentant de la France, s’expriment en français, sans quoi notre langue perdra tout crédit et laissera un monde où la francophonie et sa langue deviendront nostalgies, ou peut-être révoltes.
Soucieux de défendre la langue, l’identité et les valeurs qui sont nôtres et dont vous êtes le représentant et le garant, nous vous prions, Monsieur le Président, de bien vouloir, en tous lieux et circonstances où vos compétentes et votre autorité s’exercent, redonner à notre langue sa place et, à son usage, les obligations et devoirs qui conviennent.
Nous vous prions, Monsieur le Président de la République, d’agréer l’expression de notre très haute considération.
Le président
Albert Salon,
ancien ambassadeur,
docteur d’État ès-lettres