Lettre au Conseil supérieur de l’audiovisuel : pluralisme du service public

Lettre au président du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) :
Protestation et demande instante d’intervention pour rétablir le pluralisme dans le service public (juin 2016)

Candelier CSA audiovisuel pluralisme protestation français


Jean-Jacques Candelier
député du Nord (16e circonscription)
vice-président de la Commission de la Défense nationale et des forces armées 

Somain, le 23 mai 2016

à Monsieur Olivier Schrameck,
président du CSA

Objet : Protestation et demande instante d’intervention pour rétablir le pluralisme dans le service public

Monsieur le Président du CSA,

Nous avons l'honneur de solliciter votre haute intervention à propos du traitement indigne dont a fait l'objet la conférence de presse qui, à mon initiative et celle de l'association COURRIEL., s'est tenue à l'Assemblée nationale le 11 mai dernier sur le thème : "défense de la langue française contre la politique du tout-globish".

Cette manifestation avait par ailleurs le soutien des députés Pouria Amirshahi (PS) et Daniel Fasquelle (LR), des sénateurs Eric Bocquet, Cécile Cukierman et Dominique Watrin (PCF), des associations "Avenir de la langue française" (ALF), ASSELAF, AFRAV", Défense de la langue française, et MM. Albert Salon (ancien ambassadeur, ALF) et Philippe Loubière (linguiste, ASSELAF) y ont pris la parole ès qualités.

Alors que cette conférence a été un succès quantitatif (salle pleine à craquer) et qualitatif (elle était soutenue par Yves Duteil et Gilles Vigneault, par des syndicalistes CGT et CFE-CGC, par de hautes personnalités de la science comme M. Claude Hagège, linguiste mondialement connu et M. Laurent Lafforgue (Médaille Fields de mathématiques), des lettres comme MM. Alain Borer, Dominique Noguez, Francis Combes et Charles-Xavier Durand, spécialiste de l'impérialisme linguistique, je déplore qu’aucun journaliste du service public de l'audiovisuel, aucun journaliste des radios et télévisions privées ne se soient déplacés.

C'est à peine si un journaliste de France-Culture s'est signalé la veille au soir de la conférence sans que sa rédaction donne la moindre suite (la défense du français n’intéresse-t-elle donc ni la "France" ni la "Culture" ?) !

Encore plus gravement, les jours qui ont suivi la conférence, les rédactions des médias audiovisuels ont consacré un temps appréciable – celui-là même qu'elles avaient refusé à la conférence de presse ? – aux prétendus "nouveaux mots du français" qu'une maison d'édition très ouverte à l’anglicisation de notre langue, présente comme d'anodins "emprunts".

Alors même qu'il s'agit souvent de substitutions pures et simples d'un mot anglais aux mots français existants ou aux termes francophones que s'efforce d'introduire la commission officielle de terminologie financée par les contribuables.

Il s'agit donc manifestement d'une censure à l'encontre d'un point de vue et d'un étouffement du pluralisme politique (car quoi de plus politique, au sens noble du mot, que la manière dont est traitée la "langue de la République" - cf. l'article II de la Constitution), d'une volonté - consciente ou inconsciente, peu importe - d'étouffer le débat sur l'arrachage en cours de notre langue, qui est aussi celle de la Francophonie internationale – au profit du tout-globish porté par la mondialisation financière et notamment, par les partisans du Traité transatlantique qui est pourtant si contesté.

L’argument selon lequel la conférence de presse était "hors actualité", que pourraient brandir des rédactions de mauvaise foi, est par avance irrecevable : ces derniers temps en effet, M. le Secrétaire d’État à la Francophonie a justement fustigé l’"hymne" en anglais que Carrefour ("Market" ou "City" ?) prétend imposer aux supporteurs des Bleus et la polémique a fait rage contre la chanson partiellement en anglais qui "représentait" la France au concours de l’Eurovision…

Dans ces conditions, nous vous prions d'intervenir pour qu'au plus tôt, les responsables de nos associations de défense de la langue française soient invités à s'exprimer dans des conditions dignes sur les antennes des différentes chaînes du service public et des télévisions privées, elles aussi assujetties à un devoir de pluralisme, d’impartialité… et de civisme linguistique.

Nous n'hésitons pas à caractériser l’absence de médias comme une censure méprisante, symptomatique du refus de soumettre au débat citoyen l’entreprise d’arrachage et de substitution linguistique qui s’accomplit en silence dans notre pays.

Plus que jamais nous sommes décidés à prendre la parole sur la langue avant que ne soit devenue irréversible l'éviction de notre langue au profit d'une langue unique, facteur de pensée, de politique et d'économie uniques. Notre langue, qui est peu à peu marginalisée dans les domaines les plus divers (sciences, université, cinéma, chanson, enseignes commerciales, voire "produits" de services publics comme l'EDF, la SNCF, etc.), est le lien des liens, le socle de la République, la mémoire vive de notre histoire, le premier service public de France, le ciment de la Francophonie mondiale. Il est hors de question pour nous tous d'accepter qu'elle soit assassinée en silence, ce serait un comble !

Dans l’attente de votre prompte intervention, dont je vous remercie par avance, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président du CSA, l’expression de mes salutations distinguées.

Jean-Jacques Candelier, député du Nord

copie à :
Mme Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la communication
M. André Vallini, secrétaire d’État au développement et à la Francophonie
G. Gastaud et M. Varnier pour l’association COURRIEL