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Le Journal de Montréal Affichage en français: le "Québec ridiculing", c’est assez ! lance un expert en marketing de Toronto (6/3) Le Québec ridiculing doit cesser, selon le président d’une firme de marketing de Toronto, choqué par un reportage de CBC qui suggère que les règlements sur l’affichage en français sont absurdes. "Ce n’est pas juste du Québec ridiculing, c’est carrément du Québec bashing !», s’insurge le mouvement Impératif français... (lien)
Nadia et Gérard Antonin La panthéonisation de Missak Manouchian, "Français de préférence" Le 21 février 2024, Missak Manouchian est entré au Panthéon, avec son épouse Mélinée. Tous les membres de son groupe, jugé comme l’un des plus audacieux de la résistance, l’ont accompagné et leurs noms sont gravés auprès de son tombeau, sur une plaque rappelant leur destin commun...
Missak Manouchian (ou Michel Manouchian), Français d’âme, Français par le sang versé, et son groupe, sont entrés dans la mémoire collective des Français au lendemain de la deuxième guerre mondiale, bien avant d’être honorés au Panthéon. Dès 1949, le poète Paul Éluard, dans son recueil "Hommages", leur consacra un poème, "Légion", poème autour de l’Affiche rouge. En 1955, pour accompagner l’inauguration de la "rue du Groupe Manouchian" dans le XXe arrondissement de Paris, Louis Aragon écrivit "Strophes pour se souvenir", un hommage au poète que fut Missak Manouchian. Quelques années plus tard, Léo Ferré mit ces paroles en musique, sous le titre de "l’Affiche rouge".
Lors de la cérémonie d’hommage de la Nation, les deux cercueils de Missak et Mélinée Manouchian ont été portés jusqu’au Panthéon par des soldats de la Légion étrangère. Le cortège s’est arrêté à trois reprises dans la rue Soufflot pour marquer les étapes de leur vie d’engagement et de courage : "Survivre", "Choisir" et "Résister".
- "Survivre"
Né à Adiyaman le 1er septembre 1906 dans une famille chrétienne sur les rives de l’Euphrate de l’ancien "Comté arménien d’Edesse", dans le sud-est de l’Anatolie, Missak Manouchian est âgé de 9 ans lorsqu’il perd ses parents au cours du génocide des Arméniens de 1915 perpétré par le gouvernement jeune turc dans l’Empire Ottoman, après déjà de nombreux massacres. Son père, Kévork Manouchian, a participé à la résistance arménienne de la ville d’Ourfa ; il y perd la vie, les armes à la main contre l’armée turque. Sa mère, Vartouhie Kassian, est morte à la suite de sévices, de marches forcées et de famine. Écorché vif, Missak est recueilli par une famille kurde. Puis, il est envoyé avec son frère Garabed dans un orphelinat américain au Liban, alors sous protectorat français. Il se réfugie dans la poésie et apprend le métier de menuisier pour s’arracher de sa condition. Il écrit ses premiers poèmes à l’âge de 11 ans. Il s’éveille également à la civilisation française, à sa littérature et à sa langue. C’est d’abord par les lettres que la France devient sa patrie de cœur.
"J'ai laissé derrière moi mon enfance au soleil nourrie de nature,
Et ma noire condition d'orphelin tissée de misère et de privation ;
Je suis encore adolescent ivre d'un rêve de livre et de papier".
Extrait de Vers la France, de Missak Manouchian.
- "Choisir"
A 18 ans, il émigre à Marseille avec son frère - qui meurt de tuberculose trois ans plus tard - comme réfugié apatride, mais aussi comme travailleur. Trois jours après son arrivée, il est déjà embauché dans les chantiers navals de la Seyne-sur-Mer. Après quelques mois, il se rend à Paris et intègre les usines Citroën en tant que tourneur-fraiseur. C’est dans la capitale que Missak Manouchian cultive sa sensibilité artistique.
Assoiffé de culture française, il fréquente la Bibliothèque Sainte-Geneviève, où il cultive son amour pour la littérature en consultant les romans de Romain Rolland, d’Henri Barbusse, et en dévorant les poèmes de Rimbaud, Hugo ou Baudelaire. Il intègre progressivement des cercles d’intellectuels et commence à faire connaître ses écrits à des écrivains et à des directeurs de revues. Il suit les cours de littérature et de philosophie, en auditeur libre, à la Sorbonne. Avec un ami arménien, il participe à la création, en juillet 1930, d’une revue littéraire, Tchank (l’effort en arménien), remplacée un an plus tard par la revue Machagouyt (culture). Il y publie les traductions de poèmes de Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, ainsi que ses premiers écrits.
Missak choisit deux fois la France, par sa volonté de jeune homme arménien épris des grands poètes français, puis par son sang versé pour notre pays. Mais bien avant de prendre les armes pour défendre la liberté, Manouchian s’est armé de mots :
"Il me semble que dans la rue les gens
Luttent terriblement avec le temps,
Et à chaque instant, de victoire en victoire,
Pour l’avenir s’élève une armée…"
Sa poésie exprime la nostalgie de son pays meurtri, sa souffrance d’étranger apatride, son aspiration à un amour fraternel entre les hommes et sa colère contre les injustices.
En 1935, il devient rédacteur en chef du journal Zangou (du nom d’une rivière qui traverse Erevan, capitale de l’Arménie), publié sous l’autorité du HOC, comité de secours à l’Arménie. C’est au sein de cette organisation qu’il fait la connaissance de Mélinée, rescapée du génocide arménien comme lui, qu’il épouse en 1936. Elle sera le grand amour de sa vie, et c’est à elle qu’il dédiera sa dernière lettre restée à la postérité.
- "Résister"
Attaché viscéralement à la France, pays des Lumières et des Droits de l’Homme, il rêve de devenir Français. Il dépose alors une première demande de naturalisation en 1933, en pleine période de marasme économique et de chômage massif. Il est débouté sous prétexte qu’il n’a pas de revenus réguliers. En octobre 1939, il s’engage comme volontaire dans l’armée française. Il est alors affecté dans une unité stationnée dans le Morbihan. Eu égard à son attachement profond à sa patrie d’adoption et afin de pouvoir combattre l’ennemi en première ligne, il renouvelle sa demande de naturalisation pour obtenir la citoyenneté française. Bien qu’il ait reçu l’aval du préfet et de son chef de régiment, cette seconde demande est à nouveau refusée. En 1943, Missak Manouchian rallie la résistance du FTP-MOI, (groupe communiste des Francs-Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre immigrée), alors seul groupe résistant à mener des actions de lutte armée contre l’occupant à Paris. Il en devient le chef militaire en août 1943.
Le 16 novembre 1943, Missak Manouchian est arrêté en région parisienne par les brigades spéciales de la police française qui combattent au service de l’armée allemande, après une longue filature. Dans les jours qui suivent, les FTP-MOI sont massivement arrêtés et livrés aux allemands. Les autorités d’occupation allemande organisent en février 1944 un procès très médiatisé, notamment par le biais de "l’Affiche rouge", affiche qui vise à décrédibiliser l’action de ces résistants étrangers. Mais, contrairement à l’effet attendu, cette affiche devient l’emblème de l’héroïsme et du courage des hommes et des femmes qui ont sacrifié leur vie pour libérer la France. Après un procès qui se déroule à huis clos et qui ne laisse aucune place au doute quant à son dénouement, Missak Manouchian et vingt-deux de ses camarades sont condamnés à mort le 19 février 1944. Ils sont fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Seule Olga Bancic est déportée et guillotinée en Allemagne.
Dans leur ouvrage intitulé "Alerte francophone – Plaidoyer et moyens d’actions pour les générations futures", Albert Salon et Alfred Gilder écrivent : "Aux yeux du monde, la France passe pour une nation littéraire. A juste titre. Car la littérature française, plus encore que les autres œuvres de l’esprit, parle aux hommes du monde entier depuis huit siècles. Car elle porte la plume au point d’incandescence suprême. Ce lieu d’excellence, de magistrature de l’esprit, support essentiel du rayonnement français, ce que André Brincourt nomme "langue française, terre d’accueil" est assez connu pour épargner de longs développements."
Orphelin de parents et de patrie, car "fautif" d’être né au sein d’une famille chrétienne dans l’Empire ottoman, Missak Manouchian, féru de littérature française, a choisi la France comme terre d’accueil. Il a sacrifié sa vie pour une France qu’il a tant chérie.
Nadia et Gérard Antonin