Halte à l’emploi incorrect de "digital" !
par Nadia Antonin
langue française numérique anglomanie : Avec le développement des technologies de l‘information et de la communication (TIC), nous avons assisté à une prolifération de termes anglo-saxons dans de nombreux secteurs. Ce phénomène constitue une menace et expose l’utilisateur francophone à des abus de langage ainsi qu’à de nombreuses erreurs de compréhension ou d’interprétation des différents concepts utilisés.
Pour illustrer ce propos, nous allons nous pencher sur le terme anglais "digital". Ce dernier a pris de l’ampleur et il apparaît aujourd’hui comme inévitable.
Nombreux sont ceux qui traduisent cette notion par "digital" en français. Ainsi, d’aucuns parlent de "croissance digitale", de "stratégie digitale", de "transformation digitale", de "digitaliser l’activité judiciaire", etc. De nos jours, le mot "digital" est mis à toutes les sauces. Lors de séminaires, réunions ou conférences, nombreux sont ceux qui emploient l’adjectif "digital" au lieu de "numérique" malgré la recommandation officielle. Cet anglicisme est insupportable et exaspérant !
La traduction de "digital" en anglais par "digital" en français est incorrecte. Le Petit Robert rappelle que la recommandation officielle est "numérique" et le Larousse précise que "digital" est déconseillé et vieilli.
L’adjectif digital en français signifie qui appartient aux doigts, se rapporte aux doigts". Il est issu du latin digitalis "grosseur d’un doigt", lui-même dérivé de digitus, "doigt". De ce concept latin, a été tiré "digit" en anglais ayant deux sens : le premier est "chiffre", le second "doigt" et digital, qui signifie "numérique". En restant dans la même famille de "digital", il faut remplacer "digitaliser" et "digitalisation" par "numériser" "et numérisation".
Comme de nombreux secteurs, celui des moyens et systèmes de paiement est victime de l’invasion d’anglicismes notamment depuis l’apparition des moyens de paiement électroniques. Face à cette menace, un groupe de travail avait été mis en place en 1993 au sein du Comité français d’organisation et de normalisation bancaires (CFONB). Il s’était fixé comme objectif de redéfinir ces nouveaux moyens de paiement et de donner l’équivalent en français des concepts fondamentaux liés à leur utilisation et à leur sécurisation.
Concernant les moyens de paiement, on a vu apparaître récemment dans certains rapports et publications officielles, le concept de "monnaie digitale de banque centrale". Cette expression a été choisie par certains auteurs pour traduire "Digital Central Bank Currency" (DCBC)". Il s’agit en l’espèce d’une monnaie émise par une banque centrale, totalement dématérialisée qui, pour la Banque de France, revêtirait deux formes : une monnaie centrale dite de "gros", utilisée exclusivement pour dénouer les transactions financières entre la banque centrale et les banques commerciales ou d’autres institutions financières et une monnaie centrale dite de "détail" qui ne remplacerait pas les pièces et les billets mais qui offrirait au grand public une alternative, une monnaie numérique publique, émise et garantie par l’État.
En tant qu’ardents défenseurs de la langue française, n’hésitons pas à rappeler en toutes circonstances que le mot "digital" en français est incorrect.