Félicitations "très ironiques" de militants de Suisse et du Québec à l’adresse de la classe politique française
Francophonie langue française colonisation : Nos amis militants québécois et suisses font chorus pour exhorter les Français à sortir de l’asservissement consenti par trop de leurs élites dirigeantes. Albert Salon
La loi Toubon, mais de quoi parle-t-on ?
Quel ravissement que de sillonner les routes touristiques de France et de Navarre et de constater cet hilarant bilinguisme français-anglais prêt à battre le pavillon d’une "diglossie" en devenir et d’entendre avec soulagement votre chef de cabinet porter aux nues, et ce avec une assurance confondante, les bienfaits de la loi n°94-665 du 4 août 1994, loi dont les dispositions sont merveilleusement bafouées, détournées ou vidées de leur contenu par un pouvoir transfuge et non moins jouissif… en marche vers un suicide linguistique et, a fortiori, culturel !
La bouillie saxonne, le peuple en redemande
Comment vous féliciter pour votre empressement à vouloir faire du français le patois d’une république où l’anglo-américain vous prend à la gorge dès que l’on débarque dans l’Hexagone, à laisser s’enfoncer dans une inénarrable bouillie langagière une nation béate d’admiration devant les chimères "saxonnes" qui viennent pourtant lui ravir ce qu’elle avait de plus cher au monde, à savoir sa langue et sa culture ?
Éradiquons, éradiquons, il en restera toujours quelque chose
Comment vous savoir gré d’avoir réussi à mener si habilement et sans état d’âme cette magnifique politique d’arrachage de langue, d’avoir magistralement insufflé à tous les ministères un virus aussi insidieux que des métastases en pleine furie, processus de "déculturation" hautement toxique qu’une presse décomplexée a fait sienne, pervertissant à son tour et à la hussarde un public malléable à souhait… et transformé depuis en "mutant de Panurge" ?
Les Éduens, ces Celtes qui nous inspirent
Comment ne pas rester béat d’admiration à vous voir, à l’instar d’un chef d’État investi d’une mission jupitérienne, considérer comme un signe de prestige et de civilisation – les braves Éduens vous avaient précédé avec cette même attitude servile – ce qui n’est qu’avilissement et asservissement et comment ne pas vouer une admiration sans borne à votre remarquable acharnement à vouloir faire table rase d’une langue que les non-francophones s’arrachent pourtant et que d’aucuns considèrent comme un chef d’œuvre de l’humanité ?
Le français vaut bien un fromage, non ?
Quel régal de surprendre les plus grands commis de l’État ouvrir tout grand leur bec et rivaliser de leur indéfinissable ramage "anglobalisant", ce sabir résolument incompréhensible qui finit par asseoir de manière éclatante la redoutable réputation que se sont taillée à l’étranger et le politique et le décideur français, ces derniers, en baroudeurs aguerris, poussant en ahanant le coche de l’ogre du numérique qui s’apprête à ne faire de leur langue qu’une bouchée orgiaque !
Le français, une noble Dame si perturbante
Comment ne pas applaudir à pleines mains la merveilleuse et non moins généreuse loi Fioraso, laquelle aura permis à des élus à la capitulation bravache de livrer, menottes aux poignets, l’université française au "globish" – pour les maternelles, le prédateur "ricain" est en embuscade – opération ultra-stratégique et ingénieuse montée à la sauvette par les joyeux godelureaux d’une classe politique dont la haine et un profond dégoût de soi n’en peuvent plus d’ envoyer à la casse une langue prestigieuse… six pieds sous terre, la noble Dame et que l’on n’en parle plus !
Ne dit-on pas que l’histoire se répète ?
Comment ne pas rester le souffle coupé d’enthousiasme devant le réjouissant spectacle qui rappelle aux non-amnésiques les heures les plus sombres d’une histoire où "la France de l’exception culturelle", à de multiples reprises, s’est vautrée comme une dévergondée en mal de sensations dans la fange de la soumission – ce jusqu’à en perdre toute dignité – et de regarder avec émerveillement le premier quidam ou intellectuel venu enfoncer avec le plus tordant délice ces clous ravageurs qui scelleront définitivement son sort à une langue agonisante qui, pourtant, ne les a jamais lâchés ?
Quand le naturel revient au galop
Quelle merveille que de vous entendre louer dans tout le landerneau francophone la créativité et la vivacité de la langue-souche de la Francophonie, de faire pour elle des tonnes de projets mirifiques et, dans le même temps, d’assister au summum du délire élyséen lors du dernier sommet de la Francophonie, où, vous et vos sbires, lui assénez – et avec quelle maestria – le coup de grâce en nommant à la tête de l’OIF ces désopilants fantoches qui s’emploient à bouter définitivement la langue française dans la poubelle de l’histoire de leur propre pays.
Quand l’Europe part à l’assaut de ses "vilains petits patois"
Comment vous dire merci d’avoir laissé s’insinuer dans les hautes sphères européennes la langue unique de ces prédateurs aux dents bien acérées, d’avoir favorisé, par votre anglolâtrie débordante, l’essor de ces mercenaires à l’appétit vorace dont les desseins de compactage humain et culturel ne sont plus à démontrer, les ultimes coups de sape étant généreusement portés par le je-m’en-foutisme déconcertant d’une populace en goguette… et qui n’en est plus à une contradiction près ?
Les fumeurs ne sont pas les seuls à enfumer
Qu’il est réconfortant de recevoir de votre fidèle aide-de-camp de l’Élysée toutes ces encourageantes fins de non-recevoir, ce verbiage creux et tout en incohérences, ces réponses qui ne transpirent que duplicité et compromission avec les géants du tout-anglais, cet invariable "enfumage" haut en couleur qui nous somme si poliment et à mi-mot de la boucler… oui, de bâillonner séance tenante une langue que les prétendues "élites" se hâtent, à la manière d’iconoclastes avisés, de dépecer avec cet engouement qui ferait se tordre de rire le vieil Hugo dans sa tombe !
Et que la joie demeure
Comment enfin ne pas hurler de joie devant les morceaux épars d’une langue en pleine et folle débandade, devant cette sémillante langue française qui ne nous accompagnera ni ne nous embrasera plus l’âme pour très longtemps encore, mais dont le doux et précieux souvenir restera à jamais gravé au plus profond de ceux qui croyaient encore en l’universalité de son génie et de sa magie ?
L’Humanité ne mérite-t-elle pas beaucoup mieux que cette piètre image de subversion linguistique et culturelle ?
Philippe Carron, responsable du collectif romand Langue française, Suisse
Jean-Paul Perreault, président d’Impératif français, Québec