Lettre au Crédit Agricole : nouvelles dénominations de filiales en anglais

Lettre au Crédit Agricole suite à nouvelle dénomination de filiales avec des noms anglais (février 2010)

Crédit agricole colonisation banque protestation langue française


Avenir de la langue française
34 bis rue de Picpus
75012 Paris

Le président
nos réf. : AS/129

M. Jean-Marie-Sander
président de la Fédération Nationale du Crédit Agricole
M. René Carron
président du Crédit Agricole SA
M. Philippe Brassac
directeur de la FNCA
M. Georges Pauget
directeur du Crédit Agricole
président du Crédit agricole CIB

Paris, le 18 février 2010

Messieurs les présidents, Messieurs les directeurs,

Halte à la perte d'identité !

Le Crédit Agricole est suffisamment connu sur la planète pour ne pas singer la concurrence. Vos filiales : Calyon rebaptisée "Crédit agricole Corporate & Investment Bank", et BforBank, nouvelle structure sur Internet, avaient-elles besoin de s’affubler d’étiquettes anglo-américaines ?
Étonnante aussi votre campagne publicitaire avec un acteur écossais qui exprime en anglais divers slogans. Nous avouons mal comprendre votre démarche.

La meilleure langue de l’exportation étant la langue du client, vos filiales à l’étranger doivent être aptes à répondre dans la langue du pays d’implantation : bien sûr en anglais au sein de populations anglo-saxonnes, mais en allemand, arabe, chinois, portugais, russe…ailleurs.

Quant à la France, vous ne pouvez ignorer que de récents sondages pour différents organes (Le Parisien, La Croix, Ouest-France et tout récemment pour l’Atelier) montrent l’inquiétude des Français quant à l’avenir de leur langue à laquelle ils sont profondément attachés.

Nous constatons, certes, que des médias, des publicitaires* et certains intellectuels, voire nos propres dirigeants, "modeux" ou "suiveurs", négligent volontairement ou non le sentiment populaire. Mais nous serions heureux que vous, Crédit Agricole, première banque française, née de nos terroirs, ne fussiez pas de ceux qui croient intelligent, rentable, de faire basculer notre pays dans la langue anglo-américaine et de servir ainsi au mieux, non plus les intérêts de la France et des Français, mais ceux d’un empire qui prétend encore exercer une hégémonie mondiale, alors même que les valeurs presque uniquement mercantiles et égoïstes qu’il sert pourraient amener son propre effondrement et celui de nos économies, comme la grande crise née l’an dernier le démontre amplement. Ignorer ou faire semblant d’ignorer aujourd’hui le danger de la contamination serait, selon nous, tout bonnement criminel pour notre pays.

Ne vous coupez pas de vos bases françaises et ne reniez pas le pays et le peuple qui vous ont fait. Maintenez haut et fort une présence nationale et internationale en langue française, sans perte de votre identification ; un nom de famille ne change pas en se déplaçant à travers le monde. Si vous voulez bien y réfléchir et vous élever au-dessus de ce que l’on peut qualifier de "malheureux air du temps", vous y gagnerez respect, image, et l'approbation de vos caisses régionales actionnaires, et de vos clients.

Ne pas "arracher le français" qui est notre cœur commun : cette demande vous est adressée autant et plus qu’à tous les dirigeants et responsables de notre pays.

Nous aurions plaisir à avoir un échange avec vous à ce sujet. Dans cet espoir, nous vous prions de recevoir, Messieurs les présidents et directeurs, l’expression de notre considération très distinguée.

Le président
Albert Salon,
ancien ambassadeur,
docteur d’État ès-lettres