Dors-tu content, Voltaire ?
Lettre ouverte aux quatre cavaliers de l’Apocalypse du français
Fioraso globish universités colonisation Voltaire
à Mesdames et Monsieur les Ministres Aurélie Filippetti, Yamina Benguigui, Geneviève Fioraso, et Laurent Fabius
L’article 2 du projet de réforme des universités présenté par Mme Fioraso et voté par une majorité complaisante ouvre les vannes de l’enseignement en anglais dans nos facultés.
C’est en globish-pour-tous, y compris pour les étudiants francophones, notamment français.
C’est le signal fort d’un changement de langue, d’abandon à terme rapproché du français par la partie comprador de la bourgeoisie française qui accepte, pour de petits intérêts, sa vassalisation à l’empire anglo-saxon et à l’oligarchie internationale de la finance. Le Président de la République l’avait pourtant pourfendue dans sa campagne en 2012. Son gouvernement légalise aujourd’hui ce que les Valérie Pécresse, Pierre Tapie et Richard Descoings avaient préparé dès 2007. En acceptant seulement des amendements cosmétiques dont on peut légitimement douter de la mise en application sur le terrain par un milieu universitaire avide d’anglais pour appâter et peut-être pêcher des étudiants de pays émergents. Souvenons-nous qu’en 1763, lors du traité de Paris qui entérinait la cession de l’immense Nouvelle France à l’Angleterre, Versailles n’avait sauvegardé que St-pierre et Miquelon pour la pêche à la morue Nos brillants intellectuels d’alors avaient presque considéré comme une victoire d’avoir récupéré les Antilles, riches "îles à sucre". Le célèbre Voltaire, qui avait beaucoup investi dans le "commerce triangulaire" avec les Antilles, avait aisément consolé les salons de l’époque en raillant la perte de "Quelques arpents de neige au Canada !". Déjà !...
Musset, bien plus tard, a pu écrire : "Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire ?"
Aujourd’hui, tout un chœur de beaux esprits une "élite vassale-bobo" nous explique qu’il faut passer à l’anglais, et jeter par-dessus bord notre langue, notre culture, notre reste d’indépendance et la voix originale de la France, pour quelques poissons émergents. Abandonner aussi ces "quelques arpents de forêts et de sables" de l’immense Francophonie mondiale. Elle constitue pourtant un atout formidable, comme le soulignent Pouria Amirshahi, Jacques Attali, Claude Hagège, Bernard Pivot, grandes voix d’une gauche à vues hautes. Mais les frêles épaules de nos dirigeants des prétendus "partis de gouvernement" sont bien incapables de la valoriser. Ils n’ont guère de vision autre que de soumission (obéissance au "Il faut punir la France !" de Condoleeza Rice ? ?).
Notre Constitution dispose en l’article 2 : "La langue de la République est le français".
Le gouvernement actuel comprend, du reste, des ministres chargés de la langue française en France : Mme Aurélie Filippetti ; de la Francophonie mondiale : Mme Yamina Benguigui ; et de notre réseau encore magnifique d’écoles privées et publiques, religieuses et laïques, de lycées et filières universitaires en français, d’instituts et centres culturels, d’établissements nombreux et prestigieux de l’Alliance israélite universelle, de la Mission laïque, de l’Alliance française, dans le monde entier, ainsi que de la coopération pour le développement : M. Laurent Fabius !
Or, aucun de vous, Mesdames et Monsieur les Ministres, ne s’est élevé de manière audible contre ce funeste article qui sape et nie vos propres raisons de rester ministres.
Votre gouvernement, solidaire non autour de vous mais autour de Mme Fioraso, s’est rabattu sur de pauvres arguments dont l’indigence n’a pu sérieusement vous convaincre. Vous avez cédé aux pressions mondialistes, aux "collabos de la pub et du fric" (Michel Serres), en n’écoutant ni vos raison et conscience, ni les grandes voix précitées, ni le peuple.
C'est plus que la coupure, déjà suffisamment dénoncée, de ce gouvernement avec le peuple, c'est la rupture avec des mouvements plus que respectables, qui ont le seul tort d'être "contre la pensée unique" (Claude Hagège) et contre sa langue unique.
Goya écrivait "el sueño de la razón produce monstruos : le sommeil de la raison engendre des monstres".
Ces monstres, plus tard, troubleront douloureusement vos consciences.
Peut-être ont-ils déjà commencé ?
Albert Salon, docteur d'État ès lettres, ancien ambassadeur, commandeur du Mérite national, président d'associations pour le français et la Francophonie.