La colonisation de la France et de l’Europe

La colonisation de la France et de l’Europe

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Avenir de la Langue Française a fait état, dans ses bulletins 71 et 72, d’une manœuvre à Bruxelles dans la Commission européenne : le passage illégal et illégitime, subreptice mais massif, à l’anglo-américain comme langue commune, presque unique langue de travail, au mépris tant du droit que de la nature de l’Europe, qui est diversité linguistique et politique. La section France du Haut Conseil international de la Langue française et de la Francophonie (HCILFF), représentative à la fois des activités de la France et de la diversité de ses familles politiques, avait saisi le Président de la République, le 14 septembre 2020, par lettre ouverte collective (lire ci-dessous). Elle l’a saisi à nouveau le 3 février 2021 par une lettre de rappel accompagnée du Communiqué et de la pétition.

Le Haut Conseil prie donc le Président d’user tant de ses pouvoirs constitutionnels en France que de son poids politique au sein de l’Union, pour mettre fin à la pratique illégale et illégitime de la Commission, à laquelle s’est joint le Parquet européen. Depuis la confirmation du Brexit au début de 2020, l’anglo-américain est imposé à marche forcée comme "langue commune". Pratique du fait accompli et de l’étouffement lent. On la fait durer opiniâtrement au mépris du droit continental romano-germanique et des protestations. Laxisme, lassitude, complaisance ou veulerie des victimes aidant, on en vient à faire admettre que la situation illégale établie est devenue normale, puis irréversible. Elle fait alors coutume et jurisprudence. On change ainsi du droit écrit au droit coutumier, à la "common law" des Anglo-saxons. Méthode déjà bien éprouvée à Bruxelles depuis l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, l’Europe continentale passe d’un droit à un autre. Changement de langue accompagné d’un changement de droit : les instruments de l’hégémonie exercée sur le continent se complètent très dangereusement.

Le Haut Conseil a donc souhaité rappeler au Président que laisser la manœuvre aboutir serait se rendre coupable de forfaiture.

C’est bien pour tenter de rompre cette chaîne en cours de consolidation que, tout en empruntant la longue voie juridictionnelle, ALF et le Haut Conseil capteront les étapes d’icelle pour développer la voie médiatico-politique déjà ouverte le 14 septembre 2020, puis en février, marquant chacune des étapes par une action politique médiatisée aussi fortement et efficacement que possible.

Albert Salon


Lettre du 14 septembre 2020 au Président de la République

Paris, le 14 septembre 2020,

À Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République

Palais de l’Élysée - 55 rue du Faubourg Saint-Honoré – 75008 Paris

Monsieur le Président,

Les personnes et associations portées dans la liste jointe se sont constituées le 18 juin 2020 en un réseau informel de la société civile française : Haut Conseil pour la Langue française et la Francophonie, afin de veiller collectivement à une meilleure application de la Constitution par tous les acteurs français. D’abord de son article 2 : "La langue de la République est le français", puis de son titre XIV, article 87, sur la participation de la France à la Communauté francophone.

Nous avions accueilli en 2017 avec un vif intérêt vos engagements de candidat pour le français et la Francophonie. De même le 20 mars 2018 lorsque, dans la présentation de votre politique, vous reprîtes les propositions des associations et leur projet (lancé en 2001) d’"Institut de la Francophonie" à Villers-Cotterêts, dont vous avez bien mis en place les moyens humains et financiers nécessaires à son inauguration en 2022.

Les signaux contraires émis en même temps par vous-même ont été publiquement critiqués, y compris par les associations. Mais nous avons voulu croire qu’ils ne l’emporteraient pas sur votre rôle et votre volonté de Président de promouvoir les intérêts fondamentaux de la France et de sa civilisation. Ainsi nourrissons-nous l’espoir que vous les ferez prévaloir face à des évolutions dangereuses, dont la plus immédiate découle du vote du Brexit du 23 juin 2016.

Le Conseil de l’Union a adapté aux nouveaux entrants son règlement n°1 de 1958 sur les langues officielles et de travail. Après le Royaume-Uni, l’Eire fut le seul à déclarer l’anglais langue officielle pour l’UE, mais ajouta son gaélique. Le Conseil ne peut ignorer que le Brexit fragilise le statut actuel de l’anglais officiel, et surtout de travail.

Or, un puissant mouvement s’est développé pour, au contraire, le conforter. Voire le promouvoir comme "langue commune" de fait. En invoquant sa domination conquise depuis 46 ans grâce à l’opiniâtreté des nouveaux, et au laxisme persistant des anciens. En osant même plaider que l’anglo-américain deviendrait "neutre" en UE : une sorte de commode et consensuel "volapük". Mme Ursula von der Leyen ne donne-t-elle pas déjà le ton à Bruxelles en n’employant plus guère que l’anglais, "hégémon" mondial, sans réaction française.

Monsieur le Président, c’est d’abord de la France qu’est attendue partout l’opposition à cette "langue commune", réduisant à une les trois "de travail" du règlement n°1.

Vous en avez le pouvoir. Le moyen consisterait à informer officiellement le Conseil de l’UE de la décision de la France de tenir, pour sa part, compte du Brexit, en :

- ne souffrant plus que ses administrations soient contraintes de travailler sur des documents de l’UE non traduits, et d’y répondre uniquement en anglais ;
- demandant que le Conseil revienne à l’esprit du règlement n° 1, et fixe lui-même le statut post-Brexit des langues officielles et de travail en Conseil des Chefs d’État.

Monsieur le Président, votre position aura des effets et un retentissement considérables. Elle peut se hisser à la hauteur des grands "non" lancés au nom de la France : 1940 à la capitulation ; 1944 à l’AMGOT, 1966 à l’OTAN militaire, 2003 à G.W. Bush en Irak ; 2005 à la "Constitution européenne" cette fois par le peuple lui-même.

Monsieur le Président, à votre tour, vous tenez en vos mains le destin de la France. Pour le français, les cultures en Francophonie, et pour l’Europe, vous seul pouvez dire "non" aux menées impériales, soutenues par certains milieux français.

Monsieur le Président, nous vous en prions : empêchez cette promotion post-Brexit de l’anglais à Bruxelles ! Elle serait un abandon d’intérêts fondamentaux, une forfaiture au regard des devoirs de tous les États membres d’affirmer leur langue nationale, surtout lorsqu’icelle a une dimension mondiale. Elle serait un "écocrime" de l’Union contre la diversité des langues et cultures, donc contre la civilisation.

Veuillez, Monsieur le Président, recevoir l’expression de notre vif espoir en votre volonté et votre pouvoir d’agir, et de notre très haute considération.

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