Au préfet de Dordogne : École hôtellerie Savignac enseignant en anglais

Lettre au préfet de la Dordogne au sujet de l'École supérieure de management en hôtellerie de Savignac qui n’enseigne qu’en anglais et ne délivre que des diplômes anglais (février 2014)

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à Monsieur le Préfet du département de la Dordogne

Monsieur le Préfet,

Je vous saisis au nom de l’Association Avenir de la langue française que je préside, et dont la notice de présentation est jointe.

Cette association, agréée depuis 1995 par les deux ministères de la Justice et de la Culture pour veiller à l’application de la législation en vigueur sur l’emploi de la langue française en France, a été saisie par des familles et des contribuables de la Dordogne au sujet de l’École Supérieure Internationale de management en hôtellerie, tourisme et restauration de Savignac.

Cet établissement conduit en effet des activités d’enseignement et de formation en contrevenant gravement à des dispositions législatives et au principe fondamental républicain de l’égalité des chances.

1) En premier lieu, cet établissement d’enseignement supérieur privé se targue, sur son site et dans sa publicité, de n’enseigner qu’en langue anglaise et de ne délivrer que des diplômes anglais : le "BTEC HND in Hospitality, Events & Catering Management", l’"European Bachelor in International Hospitality Management", deux Bachelor "Top up" et un "Master of Business Administration in Hospitality Management".

Or l’article 2 de la loi n°2013-660 du 22 juillet 2013 établit sans contestation possible que "La langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français.", reprenant ainsi une disposition essentielle de la loi n°1994-665 du 4 août 1994, dite "loi Toubon".

Aucune des quatre exceptions prévues par la Loi de 2013 ne semble pouvoir être invoquée par l’École hôtelière de Savignac.

A supposer que telle ou telle puisse être mise partiellement en avant par cet établissement, il lui est en tout état de cause formellement interdit par la Loi d’enseigner exclusivement en anglais.

En effet, le législateur dispose sans ambiguïté que la prise en compte d’une exception ne permet nullement un enseignement intégral en langue étrangère :

"Dans ces conditions, les formations d’enseignement supérieur ne peuvent être que partiellement proposées en langue étrangère et à la condition que l’accréditation concernant ces formations fixe la proportion des enseignements à dispenser en français. Le ministre chargé de l’usage de la langue française en France est immédiatement informé des exceptions accordées, de leur délai et de la raison de ces dérogations."

Notre association doute qu’un ministre ait pu accorder à l’École hôtelière de Savignac une dérogation l’autorisant au tout-anglais puisque la Loi elle-même s’oppose à l’octroi d’une telle accréditation.

2) En second lieu, un examen plus approfondi du dossier de l’établissement de Savignac, nous a conduits à relever que, créée par la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Dordogne en 1988, cette École supérieure d’hôtellerie bénéficie des avantages liés au statut d’École consulaire.

A ce titre, elle peut avoir accès à l’IATP et fait largement appel à la Taxe d’Apprentissage.

Elle s’en prévaut du reste auprès des contributeurs potentiels ; je la cite :

"Grâce à votre large soutien, années après années, via la taxe d’apprentissage, l’École Supérieure Internationale de Savignac offre désormais un cursus complet de Bac+2 à Bac+5 et a pu élargir ses partenariats internationaux en Europe, en Asie et sur le continent américain… Pour rester à ce niveau d’excellence, l’École, établissement privé d’enseignement supérieur, a besoin de cette aide financière précieuse."

Nous notons au passage que cet appel aux professionnels du tourisme ne fait pas référence au tout-anglais…

Nous nous étonnons qu’une École, agissant aussi ouvertement en marge de la loi, puisse continuer à bénéficier du statut consulaire sans que cela, à notre connaissance, suscite des interrogations de la part de son Organisme collecteur…

Nos associations souhaitent que, par toutes voies appropriées, il soit mis fin à ce statut privilégié si l’École ne s’engage pas immédiatement et solennellement à enseigner au moins en bonne partie en français.

3) Il nous semblerait par ailleurs souhaitable que l’État suspendît l’habilitation de cet établissement à la collecte de la taxe d’apprentissage en 2014, au motif évident à nos yeux qu’il contrevient au principe fondamental de la taxe d’apprentissage posé par l’article 224 du Code des Impôts, que je cite :

"Il est établi une taxe, dite taxe d’apprentissage, dont le produit favorise l’égal accès à l’apprentissage sur le territoire national et contribue au financement d’actions visant au développement de l’apprentissage dans les conditions prévues à l’article L.6241-2 du code du travail."

Est-il utile de souligner que le principe même de "l’égal accès", objectif de cette disposition fiscale, c’est-à-dire l’égalité des chances, est bafoué par l’introduction, au seuil d’un établissement, d’une clause discriminatoire d’une extrême gravité, à savoir l’interdiction d’utiliser la langue nationale à l’école ?

Cette clause viole la Constitution elle-même en son article 2 qui a gravé dans le marbre que le français est la langue de la République, donc le moyen de réaliser l’égalité des chances entre tous les citoyens français.

4) En outre, l’École hôtelière de Savignac fait valoir une habilitation directe de catégorie C et une habilitation par cumul de catégorie B pour justifier son droit à collecter la taxe d’apprentissage. L’habilitation de catégorie C signifie que l’établissement bénéficiaire ne peut prétendre directement à la taxe d’apprentissage que pour ses formations de niveau 1, c’est-à-dire, Bac+ 5 et +, autrement dit pour son Master, si tant est que celui-ci soit éligible au regard du code de l’Éducation, ce dont nous doutons fort à la lumière de la Loi sur l’enseignement supérieur du 22 juillet 201. Tout cela est-il bien clair pour les contribuables qui flèchent leurs dons en direction de l’Organisme collecteur ? Quant à l’habilitation par cumul de catégorie B, la Loi prévoit qu’elle ne concerne que les établissements préparant aux BTS, aux DUT et aux licences professionnelles (Bac +2 à Bac +4), toutes formations inconnues à Savignac. L’examen du rapport que Savignac a eu l’obligation de produire annuellement sur l’usage fait du revenu issu de la taxe d’apprentissage lors des trois années fiscales antérieures permettrait d’en contrôler la régularité.

5) Enfin, nous rappelons que l’accréditation des formations et des diplômes, dépend du résultat d’une inspection académique. Or, comment imaginer que des fonctionnaires de l’Éducation Nationale, tenus à l’usage du français dans le cadre de leur mission, aient pu exercer un quelconque contrôle pédagogique sur des cursus et des titres en anglais ?

J’ai donc l’honneur de vous prier, au nom de notre association Avenir de la langue française, de bien vouloir amener l’établissement en cause à respecter la Constitution et les principes fondamentaux de la République, et à se conformer strictement à la législation en vigueur.

Veuillez, Monsieur le Préfet, agréer l’expression de notre gratitude et de notre haute considération.

Albert Salon, docteur d’État
ès lettres, ancien ambassadeur, commandeur de l’Ordre national du Mérite,
président d’Avenir de la langue française (ALF)