Lettre à Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères au sujet de son intervention en anglais lors d'une réunion sur l'Ukraine organisée par lui à Paris (24 février 2015)
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à Monsieur Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères
Monsieur le Ministre,
En 1986, lors d’un débat télévisé, vous aviez rappelé légitimement à votre interlocuteur qu’il parlait au "Premier ministre de la France".
Le mardi 24 février 2015, lors de la réunion que vous avez organisée à Paris au sujet de l'Ukraine* avec vos collègues ministres des Affaires étrangères d'Allemagne, de Russie et d'Ukraine, vous vous exprimâtes directement en anglais à la télévision, hors de toute justification.
Vous avez ainsi signifié, à vos invités et au monde entier, que vous n’êtes plus Ministre de notre France, mais un chargé de relations internationales d’une province de l’empire anglo-saxon-germain, puisque, à la fois sur le fond et par l’adoption de sa langue sur le territoire français, c’est sa ligne politique que vous suivez.
Affaiblir notre langue sur la scène internationale, c’est agir contre la France, sa culture, sa civilisation, abandonner l’atout majeur de la Francophonie internationale organisée, et participer à l’imposition de l’anglais impérial, du globish-pour-tous.
C’est aussi mépriser la Constitution ("la langue de la République est le français").
C’est violer nos lois de protection linguistique, ignorer les discours que l’actuel Président de la République a prononcés sur ce sujet, à l’instar de ses prédécesseurs.
C’est faire fi de la circulaire de 2013 de votre Premier Ministre d’alors sur l’emploi du français par tout représentant officiel, tant à l’étranger que - a fortiori - sur notre sol.
C’est enfin trahir non seulement notre histoire et celle de notre diplomatie, mais encore le devoir de votre charge. Vous êtes en effet responsable du remarquable réseau d’influence française dans le monde, d’attachés culturels et de coopération, d’institutions de soins et de recherche à l’étranger, de nos centres culturels, ainsi que de l’aide à l’Alliance française, aux établissements de nos missions religieuses, de la Mission laïque comme de l’Alliance israélite universelle, et aux centaines d’écoles, lycées, universités et filières universitaires, à programmes français et franco-étrangers.
C’est faire litière de la politique de Francophonie et de Coopération, dont votre ministre délégué est chargé.
C’est, pour reprendre un apophtegme chinois, faire que, dans ces domaines d’excellence aussi, "le poisson pourrit par la tête".
Veuillez, Monsieur le Ministre, recevoir l’expression de notre consternation, et notre exhortation à un urgent et spectaculaire redressement.
Albert Salon, docteur d’État ès lettres, ancien ambassadeur, ancien conseiller culturel et chef de mission de Coopération, commandeur du Mérite national, médaille Senghor 2014 de la Francophonie, président d’Avenir de la langue française, coordinateur de réseaux francophones nationaux et internationaux.
* À ce propos, la guerre fut provoquée aussi en 2014 par une décision de Kiev d'écarter par décret le russe, langue maternelle et d'usage de beaucoup d’Ukrainiens...