Sabotage contre la science en français

Sabotage organisé contre la science en français ?

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Témoignage fort inquiétant d'un de notre fidèle adhérent Patrice Bersac, haut fonctionnaire. Ce qui est souligné l’est par nous. Nous rappelons qu’il ne s’agit pas là d’un témoignage isolé : nos administrateurs d’ALF qui sont chercheurs au CNRS et dans des universités scientifiques nous fournissent périodiquement des preuves équivalentes de ce qui nous apparaît de plus en plus traduire une véritable conspiration contre l’emploi du français dans les sciences et la recherche, au bénéfice de qui l’on sait. Il est avéré de surcroît que des chercheurs français qui osent dénoncer le sabotage « craignent des représailles » !... [AS]

Chers Amis

Voici le témoignage, quasiment mot pour mot, que je rapporte d'un entretien avec un scientifique de haut niveau international travaillant pour l'INRA et avec le CNRS dans un secteur où la France est depuis longtemps en tête. Je n'en dis pas plus car il craint les représailles.

« Je dispose d'un fonds documentaire en papier qui s'est développé de façon continue depuis plus de 100 ans.  Il y a plusieurs milliers de dossiers en français, des livres en français et aussi des livres dans différentes langues que je récupère pour élargir notre savoir. Nous accroissons ce fonds papier et y associons un fonds documentaire numérique qui en reproduit l'essentiel. Des chercheurs du monde entier viennent nous visiter pour y puiser des informations utiles à leurs travaux.

Nous sommes amenés de plus en plus à publier des articles en langue anglaise exclusivement, sur ordre de nos supérieurs, et à un rythme toujours soutenu, même si les études ne sont pas achevées. Nous sommes découragés de publier en français car il n'y a absolument aucune reconnaissance de nos supérieurs, sinon des insinuations désagréables. Nous sommes de ce fait obligés de faire des recherches documentaires en langue anglaise. Or, je ne sais pourquoi, les moteurs de recherche ne fournissent pas tous les articles sur un même sujet alors même que ces articles ont tous été publiés dans des revues papier (Nature essentiellement). Il y a perte d'informations et appauvrissement de l'information car tous ces articles sont des morceaux d'étude, très inachevés. Nous sommes également découragés de publier des ouvrages car le temps nous manque et les articles sont l'outil de notation privilégié. Il faut sans cesse publier (des articles au lieu d’ouvrages NDLR). L'information bien construite disparaît ainsi au profit d'une information émiettée.

Je constate donc une double rupture : celle du langage qui jette à la poubelle tous les travaux qui ne sont pas en anglais et qui nous ralentit dans notre travail, celle de la méthode qui privilégie l'information d'un instant au détriment de l'information bien démontrée.
L'anglais tue notre savoir et nous affaiblit intellectuellement, car notre pensée est ralentie par les difficultés de l'anglais et son imprécision fréquente. "

Voilà chers Amis, à quoi nous arrivons de façon généralisée. La barbarie a trouvé son lit dans l'abandon de notre langue. Il en est ainsi pour tous les peuples qui disposent d'un riche savoir. A ce jeu, en 2020, nous aurons perdus la moitié de nos facultés intellectuelles. Et la numérisation à outrance des fonds documentaires en papier sous le monopole de quelques puissances va aboutir à la filtration de l'information vers une pensée unique. Les esprits libres auront bien du mal à ne pas être rejetés parmi les marginaux. »

Bien à vous.

Patrice Bersac
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