Deux livres à lire absolument

Deux livres à lire absolument

langue française histoire culture

  • L’histoire de la langue française (un vrai roman) de Jean Pruvost
  • Douce France où est (passé) ton bon sens ? de Sonia Mabrouk

L’histoire de la langue française (un vrai roman) de Jean Pruvost [Le Figaro - Mots et Cætera] 2020

Jean Pruvost, professeur émérite, collectionneur et auteur de dictionnaires, prix Émile Littré, Grande Médaille de la francophonie de l’Académie, ajoute ici à ses nombreux ouvrages sur les mots, une histoire de la langue fidèle à la fois à sa belle érudition et à son souci de vulgarisation distinguée. Son livre, d’une élégante simplicité, nous fait défiler allègrement, dans un français limpide, les diverses étapes de cette histoire. L’auteur a voulu la présenter comme "un vrai roman". Je suis tenté de préciser : "roman national".

Cet ouvrage mériterait en effet de connaître une très grande diffusion si une nouvelle édition y donnait une place plus grande à l’étranger en général. Certes, les invasions, les influences latine, germanique, arabe, italienne, bien évidemment anglaise et nord-américaine, sont dûment traitées. Mais les évolutions du français dans ses autres berceaux (Belgique, Suisse) ou rameaux (Québec, Acadie, etc.) mériteraient plus que des mentions très rapides. De même l’apport des anciennes colonies d’Afrique. Tout un vocabulaire et des tournures en provenant mériteraient considération. Un dictionnaire vraiment universel du français est nécessaire, développant celui de l’AUPELF-UREF qu’Hachette a publié en 1995 sous la direction de Michel Guillou.

Les apports langagiers de l’immigration non européenne en France pourraient être complétés par leurs autres incidences sur le français populaire : ses accent, rythme, ligne mélodique.

Enfin l’auteur, à la fin, non de l’histoire, mais du livre, traite du contact-confrontation avec l’anglo-américain trop dans le registre "Cela s’arrangera bien comme toujours...". L’excès des emprunts de mots, d’expression, lui paraît certes regrettable. Mais il laisse de côté l’aspect de guerre des langues, c’est-à-dire la volonté - la politique - d’imposition de l’anglais pour tenter de remplacer le français complètement, à terme. Certes non nouvelle de la part de nos amis-ennemis, cette politique trouve, depuis 1974, un soutien français de plus en plus évident chez tous ceux de nos élites que feu Michel Serres appelait "les collabos de la pub et du fric".

Jean Pruvost nous affirme que la France est l’un des pays qui "résistent" le mieux au rouleau compresseur. Il met en avant, à cet égard, les cinq principales institutions officielles de protection et promotion.de la langue française en France : Académie française, Constitution, loi Toubon, DGLFLF, commissions de terminologie. Or, l’édition future devrait traiter aussi des associations de promotion du français. Défense de la langue française (DLF), dont l’auteur est vice-président, et Avenir de la langue française (ALF) sont trop brièvement mentionnées, comme anecdotiques. Alors que la vérité historique oblige à dire que quatre des cinq institutions officielles mentionnées ont été créées sur la forte pression des associations, maintenant groupées en synergie pour aiguillonner les politiques. Elles tiennent à disposition des historiens la note d’histoire qu’elles ont rédigée avec soin sur ce sujet occulté.

Albert Salon


Douce France où est (passé) ton bon sens ? de Sonia Mabrouk [Plon], 2020

Sonia Mabrouk, journaliste et essayiste, de sa Tunisie natale et de sa France pleinement adoptée, renvoie à la France d’aujourd’hui la belle image qu’elle s’en est faite dans son adolescence. Formée en bilingue et biculturelle à Tunis dans un lycée à programmes français. Reconnaissante à ses maîtres, surtout à sa passionnante "prof" de français, littérature et culture humaniste.

À l’instar de grands Tunisiens de France tel Claude Hagège qui ont écrit sur le français et l’importance de la Francophonie, Sonia Mabrouk utilise son talent d’écriture vraie pour interpeller - avec amour et douleur à la fois - sa "doulce France". Selon elle, son adoptée semble aujourd’hui oublier ce qu’elle se doit à elle-même, et surtout perdre son simple bon sens.

Notre autrice, dans un esprit bien proche du gaullisme du Général, prêche le retour au bon sens populaire, "paysan", loin des contagions venues le plus souvent des États-Unis d’Amérique, dans les politiques de notre pays commun : en agriculture et alimentation ("veganisme"...) ; à l’égard du transhumanisme et de l’intelligence artificielle ; de la "politique arabe" ; de l’islam et de sa nécessaire refondation ; du bilinguisme et biculturalisme. Pour un sain souverainisme contre une mondialisation-mondialisme débridée. Pour le respect en démocratie, et la reconquête de la crédibilité de la parole publique...

Avec, dans son chapitre sur l’école, un long et superbe plaidoyer pour la Francophonie, en étonnement profond devant l’incurie - voire le mépris - d’une bonne partie de notre classe politique, tant à l’égard du français "merveilleux instrument trouvé dans les décombres du régime colonial" (Senghor), que de l’atout extraordinaire de la Francophonie mondiale, non seulement pour la France et les pays francophones, mais encore pour la civilisation, l’enrichissement mutuel des cultures, et l’humanisme.

Un bol d’air salubre ; lecture à rendre obligatoire pour tout aspirant à la conduite de la France.

Et la place de Mme Sonia Mabrouk est au sein de notre Haut Conseil international pour la Langue française et la Francophonie (HCLFF)

Albert Salon, docteur d’État ès lettres, ancien ambassadeur, président d’honneur d’Avenir de la Langue française (ALF)

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