Charte européenne des langues régionales et minoritaires
Une nouvelle tempête "essuyée" ?
Europe langues régions : Le Président de la République a réactivé en 2015 sa promesse de 2012 de proposer la ratification de la Charte des langues européennes et minoritaires signée sous Lionel Jospin en 1999. Un projet de texte de révision constitutionnelle a été soumis au Parlement, à adopter dans les mêmes termes par les deux Chambres, afin d’obtenir ensuite le vote du Congrès à la majorité requise des trois cinquièmes. Notre dossier est consacré à cette question récurrente. Notre position est favorable à certaines aides privées et publiques aux langues régionales enracinées, mais hostile à des aides de même nature aux langues minoritaires de l’immigration. Nous mettons deux seuls butoirs au développement des langues enracinées : elles ne peuvent avoir le statut de langues officielles ; et le français doit, pour chaque élève, rester le véhicule principal de l’enseignement dans les établissements publics.
Le projet gouvernemental était un compromis permettant de contourner en fait les articles 1er et 2 de la Constitution, qui disposent que la République est indivisible et que sa langue officielle est le français. Or, ces principes interdisent qu'il soit reconnu des droits propres, par exemple linguistiques, à un groupe humain identifié et distinct du corps national indivisible.
Le Sénat a adopté le 27 octobre la motion de Philippe Bas, opposant la Question préalable, et décidé ainsi qu’il n’y a plus lieu de délibérer sur le projet. Celui-ci introduisait en effet deux contradictions : la première dans le système juridique du Conseil de l’Europe ; et la seconde dans l’ordre juridique français compte tenu des avis et décisions antérieurs du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. La révision aurait imposé de déroger aux principes constitutionnels auxquels les Français sont attachés : égalité des citoyens, unité de la République, français seule langue officielle depuis 1539 et l’ordonnance de Villers-Cotterêts.
La loi peut suffire à mieux protéger les langues régionales, précieux éléments du patrimoine de la Nation (Constitution, art. 75-1). La protection législative et réglementaire existe déjà, et n’est pas inefficace. Elle ne pèserait plus guère si l’anglais venait à remplacer le français dans ses fonctions essentielles. Le globish se substituant au français chez nous y balaierait sans peine dans les faits toutes les autres – modestes – rivales. Le rempart du français disparaîtrait.
Les articles du dossier permettent la mesure de l’enjeu. En réalité, deux desseins politiques utilisent la charte contre le français, malgré toutes les protestations de plein respect pour elle :
- Des dirigeants français l’utilisent pour des calculs électoraux, comme ils le font des "accommodements raisonnables", en faveur d’une religion, et de "l’accueil" aux vrais et faux réfugiés, "migrants".
- Au niveau supérieur, international, de la politique, le dessein de l’empire et de l’UE est de casser les États, cadres de démocratie et de puissance, au premier chef la France, parangon de l’État-Nation, obstacle au remodelage de l’humanité en un troupeau docile ou "coquetèle" d’individus amalgamés, homogénéisés, transformés en simples consommateurs de produits standardisés épandus par d’immenses entreprises mondiales.
Car la charte vise surtout à modifier la vie publique en y donnant un rôle officiel aux langues régionales, peut-être aussi aux autres minoritaires. À briser l’ossature de chaque nation rivale (sauf de l’Allemagne ?). À diviser pour régner, dans une stratégie du chaos savamment provoqué, déjà appliquée au Moyen Orient et en Europe orientale. Or, toucher au français officiel depuis 1539, c’est, dans notre nation non ethnique fondée sur l’histoire et la volonté, déconstruire ce qui a été bâti, puis accepté, aussi plébiscité, depuis des siècles par la monarchie puis par tous les autres régimes. C’est toucher au droit et à l’égalité des citoyens. Le statut de langue officielle met en cause à la fois l’État et la Nation historique et charnelle.
Avec la ratification de la charte, la vie publique serait donc communautarisée. Et, face à l’atomisation en communautés territoriales et autres, le seul élément de cohésion deviendrait la langue et la pensée actuelles de la mondialisation : l’anglais.
Un tel bouleversement pourrait, certes, être à nouveau proposé. Merci au Sénat de l’avoir encore repoussé en 2015.
Albert Salon